[Critique] Lincoln (Steven Spielberg)

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Projet repoussé à maintes reprises, Lincoln vu par Steven Spielberg, avec dans le rôle titre Daniel Day-Lewis, voit enfin le jour. Focalisé sur les quatre derniers mois de la vie du 16ème président des Etats-Unis, le film expose, en plus de son portrait, les manoeuvres politique ayant mené à l’abolition de l’esclavage. Un film à la valeur historique forte, mais marqué par une solennité paralysante.

Lutte égalitaire

On le découvre de dos, à l’écoute de soldats, noirs et blancs, comme une statue de marbre qui s’apprendrait à prendre vie – une économie de gestes proche de la torpeur qui caractérisera l’éminent homme tout au long du film. C’est Daniel Day-Lewis qui campe le président américain ayant amorcé l’abolition de l’esclavage, dans un mimétisme bluffant pour un jeu en retenu, dans une stature quasi mythologique, voire biblique – un point soutenu par les éclairages de Kaminsky, que ce soit dans sa façon de plonger les décors dans les ténèbres et de révéler certains visages avec de diffus rayons de lumière. Le portrait se tisse au travers d’échanges dans la structure familiale, mais aussi au contact des proches dans la vie politique et des citoyens plus ordinaires, et ce sont probablement ces séquences là qui portent le plus d’intérêt, montrant cette illustre figure présidentielle qui, en temps de guerre, reste à l’écoute de tout un chacun, non avare dans la distribution de conseils et réflexions au travers de nombreux adages et anecdotes. Mais le Lincoln de Steven Spielberg, s’appuyant sur le livre Teams of Rival de Doris Kearns Goodwin, se concentre avant tout sur le 13ème amendement, offrant la liberté à la population noire alors exploitée dans les plantations concentrées dans les états du Sud.

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Le long métrage peine à se dégager d’un élégant cours d’histoire, qui offre au spectateur tous les tenants et aboutissants de la Guerre de Sécession, faisant rage depuis quatre années et qui, à son terme proche, écarterait tout vote favorable pour le 13ème amendement à la constitution américaine. L’enjeu pour Lincoln est donc de convaincre les siens, le parti républicain, et de gagner des votes dans le camp démocrate, tout en éloignant tout traité de paix avec les sudistes affaiblis par des attaques dévastatrices auxquelles le réalisateur n’accordera aucun regard, si ce n’est d’effroyables coup d’oeil sur les hommes décimés sur le front. Par sa déférence envers ce pan de l’histoire américaine, Steven Spielberg tombe dans un académisme privant son œuvre de la force émotionnelle de ses plus beaux films, malgré les troubles familiaux entre Lincoln et sa femme à cause d’un fils aîné désirant s’engager dans l’armée pour répondre à ses convictions et son désir d’action dans cette lutte pour l’égalité des peuples.

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Bavard, ce Lincoln étale ses manœuvres politiques, manipulations, pots-de-vin et joutes verbales, sur près de 150 minutes. S’il souligne les paradoxes du petit théâtre des politiciens, où les femmes n’avaient pas leur place, et les enjeux de l’interprétation des textes de loi, le film montre surtout que certaines décisions politiques d’une importance capitale nécessitent l’emprunt de certains détours. La prise de conscience est loin d’être acquise malgré les théories de Lincoln, comme cette utilisation de l’égalité sur un plan mathématique, c’est avant tout la promesse d’un terme à la guerre civile qui se montre comme un élément déterminant pour les démocrates et une partie de la population américaine. L’épilogue, court et elliptique, témoigne toujours de la dualité peu concluante de cette oeuvre qui manque de vie : des deux sujets étroitement liés – le président et le 13ème amendement –, l’un a été en partie sacrifié pour permettre de saisir l’autre pleinement. Lincoln, un moment décisif de l’histoire américaine, un grand rôle pour Daniel Day-Lewis – le golden globe du meilleur acteur est déjà en poche, l’oscar se profile à l’horizon avec certitude –, mais une petite oeuvre dans la filmographie de Steven Spielberg.

3 étoiles

 

Lincoln

lincoln afficheFilm indien, américain
Réalisateur : Steven Spielberg
Avec : Daniel Day-Lewis, Sally Field, David Strathairn, Joseph Gordon-Levitt, Lee Pace, Tommy Lee Jones, Gulliver McGrath
Scénario de : Tony Kushner, d’après Teams of Rival de Doris Kearns Goodwin
Durée : 149 min
Genre : Drame, Biopic
Date de sortie en France : 30 janvier 2012
Distributeur : Twentieth Century Fox France


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Article rédigé par Dom

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5 commentaires

  1. comme tu le dis très bien : « un élégant cours d’histoire »…
    j’ai les mêmes réserves que toi, même si je n’ai pas osé parler d' »académisme », ça fait bizarre de dire ça sur spielberg… mais bon, c’est clair que ce n’est pas faux non plus… 😉

  2. Nymphomane réservée

    En tout cas le film est prêt pour être remaker à la française :

    https://vimeo.com/58196718

  3. Pour moi le meilleur Spielberg depuis des lustres. Certe un peu court de placer le 13ème amendement comme la seule et unique cause de la guerre mais les méandres du vote au Parlement sont sublimement mis en scène. Et Day lewis est une fois d eplus inouïe… 4/4

  4. J’ai bien aimé le film sans le trouver extraordinaire. J’ai été un peu gêné par le parti pris d’un environnement de tournage en lumière froide. Je trouve que le film aurait gagné en esthétique si les scènes intérieures avaient bénéficié d’une température de couleur un poil plus chaude. Sans doute une déformation professionnelle de ma part.

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