[Critique] L’Ordre et la morale (Mathieu Kassovitz)

Mathieu Kassovitz se consacre à la sombre prise d’otages de 30 gendarmes en Nouvelle-Calédonie, qui se déroula en avril 1988. Si ses dernières fictions n’étaient pas convaincantes, force est de constater que leurs tournages lui ont donné de nouveaux outils pour parvenir à une mise en scène énergique qui sied parfaitement au sujet de ce film engagé et émouvant.

(Négociations)

L’Ordre et la morale, c’est la mise en image d’un véritable et futile massacre qui profita à des politiciens en pleine campagne présidentielle. Le film s’ouvre d’ailleurs sur un aperçu de la fatalité, sur l’échec concret de Philippe Legorjus, capitaine du GIGN, venu pour négocier avec les preneurs d’otages kanaks. Rappel des faits : en Avril 1988, sur l’île d’Ouvéa en Nouvelle-Calédonie, des indépendantistes prennent 30 gendarmes en otage, une opération qui coûta la vie à quatre de leurs confrères. Une équipe du GIGN est envoyée sur place mais à leur arrivée, ils découvrent une vaste opération militaire : 300 hommes ont été dépêché pour régler l’incident promptement.
Ce projet a longuement mûri dans l’esprit du cinéaste qui a effectué un travail de recherche complet en amont de la production. le film parcoure les dix jours qui ont mené au massacre du point de vue du capitaine Legorjus, interprété par Kassovitz pour des raisons de financement. Un double rôle pour le réalisateur de La Haine qui provoque, ça et là, quelques relâchements dans la direction d’acteur – des acteurs amateurs, voire totalement hors du circuit pour la majorité –, mais rien qui ne pourrait troubler l’immersion advenant d’une mise en scène énergique et d’un montage judicieux, appuyés par une bande originale aux percussions pesantes.

Entre reconstitution des faits et œuvre de cinéma, Kassovitz trouve le juste milieu sans jamais sombrer vers une émotion opportuniste. L’émotion, elle surgit sans artifice, de la nature de la situation même, de l’injustice terrible qui se déploie vicieusement et des exactions révoltantes. Seul parti pris préjudiciable : l’emploi d’une voix-off, heureusement rare, mais totalement accessoire. Outre l’hommage aux victimes et la réhabilitation de la vérité sur les événements, L’Ordre et la morale dresse le portrait des principaux acteurs de cette sordide tragédie, dénonçant le comportement honteux des politiques à l’égard de cette prise d’otages qui aurait pu se conclure par un accord en lieu et place d’un infâme bain de sang. Malgré la pression des militaires et des autorités, Legorjus s’était battu corps et âme pour mener des négociations avec Alphonse Dianou (interprété par Iabe Lapacas), chef des indépendantistes qui ne demandait qu’une chose : que leurs revendications, procédant directement de leurs traditions et coutumes, soient écoutées par le gouvernement français.

Par des choix de mise en scène qui touchent à la virtuosité à plusieurs reprises – les plans séquences sont remarquables –, Kassovitz décuple la puissance de son sujet historique. Son grand retour sur le devant de la scène du cinéma français ? Sans aucun doute. Triste illustration du sort scellé de gouvernés par d’immondes gouvernants, L’Ordre et la morale est un grand film engagé.

4 étoiles

Mathieu Kassovitz présentera, à partir du 10 octobre, son film en avant-première dans plusieurs villes. Vous pouvez consulter la liste de ces projections ici, sur la page Facebook du film.

 

L’Ordre et la morale

Film français
Réalisateur : Mathieu Kassovitz
Avec : Mathieu Kassovitz, Iabe Lapacas, Malik Zidi, Sylvie Testud, Philippe Torreton
Scénario de : Mathieu Kassovitz, Pierre Geller, Benoît Jaubert, Serge Frydman, d’après l’oeuvre de Philippe Legorjus
Durée : 136 min
Genre : Historique, Drame
Date de sortie en France : 16 novembre 2011
Distributeur : UGC Distribution

Bande Annonce :

Article rédigé par Dom

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5 commentaires

  1. yes ! un immense film et un retour de kasso qui fait vraiment plaisir à voir ! 🙂

  2. Oui, et nous voilà à nouveau d’accord sur un film !

  3. Est-ce enfin le grand retour de Kassovitz ? Visiblement, les avis sont unanimes. Très bon article et merci pour l’info concernant les avant-premières dans le reste de la France (tout le monde n’habite pas Paris).

  4. @cinemarium : eh oui, c’est fort dommage que tout soit centralisé à Paris ! Heureusement qu’il y a des initiatives de ce genre mais toujours trop rares.

  5. Je vais le voir ce soir, ce film m’intrigue depuis un moment, j’espère en penser autant de bien que cet article 🙂

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