En Bref : L’Enlèvement

Avec L’Enlèvement, Marco Bellocchio se penche sur les sombres exactions de l’Église catholique au milieu du XIXe siècle, enlevant des enfants d’autres confessions religieuses à leur famille. L’objectif, convertir et assurer la pérennité d’un empire vacillant.

Perfide et sournois, telle est l’image que dégage le Pape Pie IX, interprété par Paolo Pierobon, aussi fascinant que répugnant. Si le film s’intéresse à un cas particulier, qui débute dans le quartier juif de Bologne en 1858 pour remonter le fil de l’Histoire, L’Enlèvement révèle tout un système odieux, où le rapt d’enfants est monnaie courante pour l’Église catholique, s’appuyant sur un acte qu’ils n’ont pas besoin de prouver aux familles ciblées : le baptême d’un enfant. Ainsi, pour les Mortara, famille de confession juive, lorsque des soldats du Pape leur annoncent que leur fils cadet, Edgardo, leur sera retiré car il a été baptisé – à leur insu ? –, aucun recours n’est possible. Une seule option leur est offerte : renoncer à leur religion et se convertir au catholicisme. Nous plaçant face à une forme d’antisémitisme institutionnel, le film se déploie comme une tragédie avec de grands moments de cinéma, parfois grandiloquents – la musique orchestrale de Fabio Massimo Capogrosso, très emphatique, est employée efficacement – et souvent outrageant.

Du côté de l’enfant, la servilité s’impose : on lui dit que son comportement et son apprentissage conditionneront un retour dans sa famille. Lorsque son père, un homme droit et timoré, lui rend visite, c’est la désillusion : Edgardo est déjà un bon petit chrétien. Au fil des années, alors que le pouvoir pontifical se flétrit, L’Enlèvement témoigne des maux de l’endoctrinement et explore toujours l’ignominie de l’Église catholique. De tentatives de récupération à un procès déstabilisant, le film de Bellocchio entretient un effroi qui procède toujours de la malignité des diverses entités ecclésiastiques. Avec un film aussi troublant et maîtrisé de bout en bout, on se demande comment Marco Bellocchio, en compétition officielle lors du Festival de Cannes 2023, est reparti bredouille. Rares sont les œuvres aussi puissantes et amères qui osent s’attaquer à une institution, certes différente aujourd’hui, mais pour laquelle la déférence perdure toujours.

4 étoiles

L’Enlèvement de Marco Bellocchio, en salle depuis le 1er novembre, avec Paolo Pierobon, Fausto Russo Alesi, Barbara Ronchi.

Affiche du film L'Enlèvement

 

Photos du film copyright Anna Camerlingo Kavak Film IBC Movie

Article rédigé par Dom

Partagez cet article avec vos amis ou votre communauté :

Twitter Facebook Google Plus

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Comments links could be nofollow free.

 

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Avant de publier un commentaire, vous devez lire et approuver notre politique de confidentialité.