Critique : Napoléon

Alors qu’il avait commencé sa carrière de cinéaste avec le formidable Les Duellistes (1977), mettant en scène la rivalité de deux soldats de l’armée napoléonienne, Ridley Scott s’attaque cette fois au destin du premier empereur des Français. Intitulé Napoléon, ce portrait historique se montre décevant en de nombreux points, de sa défiguration des faits à un Joaquin Phoenix loin d’être toujours convaincant.

L’Empire contrefait

La question se pose et se posera toujours avec les films historiques : jusqu’à quel point le cinéma peut-il déformer la réalité ? Peu importe lorsqu’il s’agit d’une fiction s’appuyant seulement sur des événements réels ou bien lorsque l’artiste à la manœuvre se détache ouvertement de la réalité sous un mode narratif particulier. Mais ici, comment adoucir les angles du simple fait qu’il s’agit d’un film ? Napoléon de Ridley Scott, écrit par David Scarpa, compte bel et bien retracer le destin de Napoléon Bonaparte et donc une partie charnière de l’histoire de France. Or, le film débute déjà par un fait déformé, lors de l’exécution de Marie-Antoinette en 1789 : Napoléon Bonaparte, alors simple capitaine d’artillerie, assiste à la scène. Dans la réalité, il se trouve déjà à Toulon pour tenter de libérer la ville et son port. Une séquence qui d’ailleurs, impressionne par les moyens à l’œuvre, des centaines de figurants s’affrontant à la destruction de vaisseaux de la flotte britannique. Sautant d’un épisode clé de la vie de Napoléon à l’autre, le film prend pour colonne vertébrale la relation pleine de passion et de conflits entre Joséphine de Beauharnais (Vanessa Kirby) et le futur empereur. Au fil des batailles et campagnes, les pensées du général vont toujours vers elle. Une relation épistolaire invite une voix off et relate de cet amour amer, à distance, tandis que cette femme se montre des plus frivoles. Pourtant, bien que cette relation soit le point le plus approfondi du film, lorsque les deux personnages sont réunis, quelque chose cloche souvent. Il y a aussi la langue anglaise qui rend le tout plus artificiel, plus « joué ». D’ailleurs, que toutes les troupes s’expriment en anglais lors de la bataille de Waterloo crée une confusion déplorable alors qu’il s’agit, en termes d’intensité et de mise en scène, d’un des chapitres les plus réussis de ce triste long-métrage.

Vanessa Kirby et Joaquin Phoenix dans Napoléon de Ridley Scott

Dans sa progression elliptique, liée au fait de vouloir tout raconter en 2 h 38, Napoléon oublie toute considération géopolitique tout comme la construction psychologique de ses protagonistes. Ce sont tous de simples marionnettes dans les mains de Ridley Scott, tel un gosse qui ferait mumuse pour plusieurs millions d’euros avec l’Histoire, jusqu’à montrer l’armée napoléonienne ouvrir le feu sur les pyramides lors de la campagne d’Egypte. Si Ridley Scott se contrefout de l’histoire, le film qu’il nous livre tient alors de la contrefaçon la plus détestable : sans aucun point de vue sur son sujet, le film ne développe aucun propos. C’est une coquille vide, certes dotée de moyens conséquents et d’équipes talentueuses pour satisfaire le regard et chahuter les tympans lors de l’emploi des canons – peut-être l’élément pour lequel Scott montre le plus d’intérêt, broyer la chair dans un déluge assourdissant ? Dans le rôle-titre, Joaquin Phoenix se montre intéressant grâce à sa stature, pour tomber dans un jeu parfois étonnant, à la limite du ridicule – lorsqu’il est plus proche de la constipation que d’un état de réflexion. Vanessa Kirby se montre convaincante, facile dans l’émotion, mais encore une fois, ces deux êtres qui s’expriment dans la langue de Shakespeare semblent parfois sortir d’un pastiche suranné.

Charge de cavalerie, Joaquin Phoenix au premier plan dans Napoléon de Ridley Scott

Inacceptable sur le plan historique, le film ne parvient même pas à trouver le souffle romanesque d’une fresque alors que tous les éléments étaient à la disposition du cinéaste, qui confie qu’une version plus longue pourrait voir le jour sur Apple TV+, le film étant produit par Apple Studios (et Scott Free Productions). Entrons-nous dans une nouvelle ère où la salle de cinéma servirait de simple antichambre au streaming, proposant un amuse-gueule XXL avant de convier à s’abonner à un service pour découvrir ce que devrait être l’œuvre finale, dans toute sa durée ? Car nous parlons ici de deux heures supplémentaires, qui ne pourront jamais corriger le tir sur les erreurs historiques, sur l’artificialité de nombreuses séquences, mais peut-être atténuer les maux de certaines ellipses. Manquant de voracité sur le versant militaire et ses conséquences, faisant fi de tous les apports à la société française et à la république, Napoléon de Ridley Scott est un objet hétéroclite qui flirte parfois avec le territoire du grotesque. Avec pour slogan minable sur ses affiches, « Il est parti de rien. Il a tout conquis. » on pourrait décliner de nombreuses formules autour de Ridley Scott. Comme par exemple : Il est parti du sommet – Les Duellistes (1977), Alien (1979), Blade Runner (1982). Il est devenu un vieux schnock – Cartel (2013), Alien : Covenant (2017), Napoléon (2023).

1 étoile

 

Affiche du film Napoléon de Ridley Scott

Napoléon

Film britannique,
Réalisateur : Ridley Scott
Avec : Joaquin Phoenix, Vanessa Kirby, Tahar Rahim, Rupert Everett, Paul Rhys, Ben Miles, Edouard Philipponnat
Scénario de : David Scarpa
Durée : 158 min
Genre : Biopic, Historique, Action, Guerre
Date de sortie en France : 22 novembre 2023
Distributeur : Sony Pictures Releasing France

 

Photos du film Copyright 2023 Apple

Article rédigé par Dom

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Un commentaire

  1. bravo je n’irai pas voir le film .Le succès de Joaquim dans le Joker lui est monté a la tête.Sa venue au musée des armées en 5 minutes est révélateur .les comédiens étrangers aiment bien montrer qu’ils n’aiment pas notre pays Murphy(on est méchant avec les apprentis voleurs et vendeurs de drogue), Gosling(contre le Louvre).Phoenix (Napoléon les morts des batailles) depuis le mois d’août ! leur propos contre la France bourrés de méconnaissances m’ont choqué !
    le pire ce film ,je trouve qui est proche du ridicule c’est Joséphine depuis une jeune femme, Napoléon lui déjà vieux a 25 ans.Josephine clamant qu’elle aurait pu diriger la France !
    la honte n’est pas pour nous l’Angleterre le pire état colonialiste,les USA ont des leçons a nous donner sur le nombre de morts (Pinochet).

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