Le Décalogue de Krzysztof Kieslowski

Récemment restauré, Le Décalogue, du cinéaste polonais Krzysztof Kieslowski, trouve, après un passage dans les salles obscures, une belle édition en coffret Blu-ray et DVD. On se penche sur cette œuvre atypique sans lever le voile sur ses nombreux mystères.

Le Décalogue se compose de dix téléfilms s’inspirant des Dix commandements de l’Ancien Testament. A l’origine, les films ne portaient que des numéros mais des titres leur ont été attribués suite à la diffusion de ces films à la Mostra de Venise en 1989. Chaque film dure entre 55 minutes et 60 minutes, ce qui ferait aujourd’hui du Décalogue une mini-série.

Krystyna Janda dans le Décalogue deux : Tu ne commettras point parjure

De ces drames, dont les personnages, tous issus d’une même zone résidentielle aux ternes immeubles, jaillissent des enseignements moraux. Le point de repère dans ces récits, où les personnages se croisent parfois inopinément ou présentent alors un lien de filiation, un individu blond aux yeux bleus : jamais il ne s’exprime ou n’interagit directement avec les protagonistes, mais ses apparitions semblent appeler à une transformation, un bouleversement dans les sentiments ou les actions des personnages principaux. Il y a une dimension mystique, spirituelle, qui tend à s’évanouir sur les derniers épisodes pour plus de pragmatisme, autour du huitième ou du septième, sans pour autant remettre en question leur force. Il n’y a pas de générique pour introduire chaque décalogue, seulement quelques notes de piano qui convoquent déjà la fatalité. Décalogue un : Un seul Dieu tu adoreras et Décalogue deux : Tu ne commettras point parjure sont d’ailleurs d’une noirceur vertigineuse. Le premier est si crépusculaire qu’il ressemble à un cauchemar procédant d’une trop grande confiance dans la technologie tandis que le second, avec ses troublants symboles, montre notamment l’impossibilité de trouver le bonheur dans ses relations.

Décalogue six : Tu ne tueras point

Mais il serait préjudiciable au travail de Kieslowski d’entrer dans les détails de ces dix téléfilms, chacun se caractérisant aussi par une narration ménageant le mystère : il faut parfois de longues minutes avant de déterminer les relations entre les personnages, ou encore comprendre leurs agissements. Une façon de maintenir le spectateur en état d’alerte et de questionnement, de partager les angoisses de ces êtres pris dans les mains puissantes du doute ou de la culpabilité. Mais la dramaturgie de cette œuvre évolue vers la lumière, d’un point de vue émotionnel mais aussi artistique – à noter toutefois que les deux derniers épisodes, principalement diurnes, sont aussi les moins intéressants esthétiquement. Parmi les segments les plus saisissants, il y a le Décalogue six : Tu ne seras pas luxurieux, épisode qui donna lieu à un long métrage destiné au cinéma : Brève histoire d’amour. La « version décalogue », plus courte, trouve une fluidité remarquable pour saisir ce qui habite les personnages, le désir et la jalousie de Tomek (Olaf Lubaszenko) envers sa belle voisine plus âgée Magda (Grazyna Szapolowska), qui, profitant de son emprise sur le jeune homme, tombera dans une culpabilité abyssale. Dans Décalogue cinq : Tu ne tueras point, c’est la peine de mort qui est étudiée au bout d’un récit malin et poignant, parsemé de fausses pistes pour troubler les convictions du spectateur. Autre tour de force avec Décalogue sept : tu ne voleras point, qui ne se penche pas sur un vol matériel mais d’ordre moral et filial au travers du combat de deux mères pour une enfant. Un récit à la narration simple qui explore la complexité des rapports entre parents et enfants.

Dans son édition DVD, le Décalogue présente une image de grande qualité, solide dans ses contrastes et sa colorimétrie, dénuée de poussières et rayures. Les pistes audio, en polonais, ne présentent aucun défaut. En plus des quatre disques comportant les différents épisodes, un disque de bonus permet d’explorer cette œuvre un peu plus en profondeur, notamment grâce à un entretien de 47 minutes avec Krzysztof Kieslowski, ainsi que deux conférences. L’une de Frédérique Leichter-Flack autour du Décalogue cinq (23 min) et l’autre de Pascal Bruckner autour du Décalogue dix (20 min). En somme, Potemkine et Agnès B. DVD éditent ici un beau coffret pour une œuvre singulière et forte, préfigurant le non moins célèbre triptyque Trois couleurs sur la devise « Liberté, égalité, fraternité », ultime présent d’un cinéaste disparu prématurément.
Coffret également disponible en édition Blu-ray (3 disques) depuis le 7 février 2017.

4 étoiles

Article rédigé par Dom

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