Critique : The Old Oak

The Old Oak, le vieux chêne du nouveau film de Ken Loach, c’est un pub dans un village quasiment à l’abandon du nord de l’Angleterre, périclitant depuis la fermeture des mines. Un vieux chêne également incarné par son patron, campé par le saisissant Dave Turner, mais c’est aussi l’image parfaite pour symboliser les multiples branches d’une œuvre abordant avec une vision des plus humanistes l’accueil de réfugiés dans une communauté défavorisée. Du baume au cœur, comme toujours.

Vivre ensemble

Des réfugiés syriens débarquent dans un village anglais sous un flot de paroles hostiles, et même un geste abject d’un homme qui détruit l’appareil photo de Yara (Ebla Mari). Cette jeune femme, qui a œuvré dans un camp comme infirmière, parle déjà parfaitement anglais, et elle demandera de l’aide à TJ Ballantyne (Dave Turner), ce patron du Old Oak, établissement loin de ses jours de gloire, pour retrouver celui qui lui a porté préjudice. Un homme que l’on sent usé par la vie, ses aléas, des décès aux départs, et qui s’accroche à ce monde au travers de sa chienne Marra. Naissance d’une belle entraide, de premiers partages entre cet Anglais et cette famille syrienne qui s’inquiète pour le sort de leur patriarche, toujours là-bas. Fidèle à son style naturaliste, tout comme au scénariste Paul Laverty, Ken Loach sait comment poser son regard sur les plus défavorisés, comme s’il avait toujours vécu là où se déroule cette histoire où son humanisme flirte avec l’utopie – mais n’est-ce pas un rêve nécessaire en cette sombre période, où les persécutions et guerres se multiplient ?

S’il n’y a rien de surprenant dans la façon dont The Old Oak montre le rejet de ces familles là où des Anglais n’ont rien, le film marque des points par ses multiples détails qui évitent le manichéisme d’une population qui souffre du manque de travail et de perspectives pour l’avenir. La corde sensible de l’argent et des aides, qui favoriseraient l’arrivée d’étrangers qui n’ont rien à faire ici – un discours que l’on connaît bien en France aussi –, conduit à regarder la problématique autrement : le nécessiteux ne doit pas voir un ennemi dans ce nouvel arrivant qui n’a rien. Le mal se situe ailleurs, dans d’autres strates de la société, celles qui entretiennent la misère tout comme elles provoquent des flux migratoires. Il est toujours bon de rappeler que des réfugiés ne fuient pas leur pays par plaisir mais sous la contrainte, pour survivre tout simplement. Et il y a ces notions d’entraide et de partage, d’ouverture culturelle, magnifiées sous le regard de David Turner, qui apparaissait déjà dans les deux précédents films de Ken Loach, Sorry, we missed you (2019) et Moi, Daniel Blake (2016). L’ancien pompier qui tient le premier rôle ici se montre d’un naturel formidable dans chaque scène, même les plus dramatiques. Il faut dire que Ken Loach est un grand directeur d’acteur et sait aussi parfaitement distribuer les rôles, car de Yara à ces piliers de comptoir médisants, personne n’apporte de fausses notes à l’ensemble.

D’aucuns critiqueront le volontarisme utopique qui se met en place au fur et à mesure ici, mais les actions que proposent The Old Oak tiennent pourtant du bon sens, d’un métissage contre vents et marées qui rappelle aussi le pouvoir du socle de la société, des travailleurs et artisans. Dans son vaste feuillage, le film ajoute peut-être trop d’éléments à son versant dramatique, mais ces éléments contribuent aussi de la densification des protagonistes, leur conférant encore plus d’humanité dans de douloureuses épreuves. Rappelant que l’on peut vivre ensemble, quelles que soient nos différences culturelles, The Old Oak est une réussite qui vient nourrir une filmographie d’une grande richesse humaine et sociale.

Disponible en Blu-ray et DVD depuis le 6 mars 2024

Photos du film Copyright Wild Bunch Germany 2023 / SIXTEEN OAK LIMITED, WHY NOT PRODUCTIONS