Cannes 2018 : gloire aux acteurs

Parfois nous nous déplaçons voir des films seulement sur la base de leurs noms, ce sont les acteurs. Cet article leur est dédié, à Zhao Tao (Les Eternels Jia Zhang-ke), la bande de Romain Gavras dans Le monde est à toi et Nicolas Cage, plus fou que jamais dans Mandy. En photo ci-dessus, Romain Gavras et une grande partie du casting de son film.

Dans le nouveau film de Jia Zhang-ke, qui se déploie sur une grande partie de la Chine de 2001 à 2018, Zhao Tao interprète Qiao. C’est la compagne d’une figure respectée de la pègre, Bin (Liao Fan), dans une relation étrange, où l’expression des sentiments semble prendre place hors champ, alors que nous les ressentons, là, dans des regards, des silences et des gestes si évocateurs. Loin du cliché d’une femme évoluant dans un milieu mafieux, Qiao est une femme aussi discrète que déterminée. Un caractère bien trempé, et une capacité à se sortir de situations délicates, comme cette superbe scène d’arnaque alors qu’on lui a dérobé argent et papiers, ou encore cette intervention impressionnante alors que Bin se fait tabasser sévèrement par un gang. Zhao Tao déploie tout au long de cette fresque sentimentale une mélancolie diffuse, car il y aura le temps de la séparation, très longue, et des retrouvailles qui ne sont pas placées sous le signe du bonheur. Le film n’est probablement pas l’œuvre la plus percutante de Jia Zhang-ke, mais ce qu’il offre à sa comédienne est absolument magnifique, car peu de rôles permettent une telle expression de caractère, qui plus est avec une évolution du personnage sur plus d’une décennie. Comme Joanna Kulig, elle rejoint le rang logique des prétendantes à un sacre lors du palmarès, Les éternels étant présenté en compétition.

Romain Gavras agite l’esprit des festivaliers depuis l’annonce de la sélection de son long métrage Le monde est à toi à la Quinzaine des réalisateurs. Normal, puisque Notre jour viendra remonte à 2010 et ses derniers clips ont affolé la toile. Il réunit dans ce thriller une troupe assez incroyable autour de François, joué par Karim Leklou. François aimerait mener une vie tranquille, simple – basique ajouterait probablement Orelsan, qui viendra du côté de la Villa Schweppes jeudi –, mais sa mère, dominatrice et exubérante – jouée par une Isabelle Adjani qui déçoit un peu par son jeu très outrancier –, étouffe les projets de son fiston. Il va devoir réaliser un coup en Espagne afin de réaliser son rêve, devenir le distributeur de glaces Mr. Freeze en Afrique du nord. Gavras fait de l’Espagne une sorte de nouveau Far West délirant, livrant un thriller comique plutôt déséquilibré mais souvent fun. Ce sont les situations absurdes qui se multiplient avec des comédiens dans des rôles hallucinants, qu’il s’agisse du beauf soudain fasciné par les illuminatis au travers des vidéos sur le web que campe Vincent Cassel, un avocat véreux joué par Philippe Katerine ou encore un magouilleur hors pair en la personne de François Damiens. On pourrait aussi parler de Poutine, excellent Sofian Khammes, dealer complètement dégénéré, mais n’oublions pas de signaler aussi la présence de la révélation de la précédente Quinzaine des réalisateurs, Oulaya Amamra (Divines). Imparfait, ce film qui emprunte à la belle époque de Guy Ritchie ne manque pas de rythme à défaut d’offrir une unité formelle que l’on trouvait dans le précédent film de Romain Gavras. Aussi, il donne un rôle clé à Karim Leklou, une personnalité que l’on espère voir de plus en plus souvent au premier plan.

Nicolas Cage. Détenteur d’un Oscar, l’acteur américain est capable du meilleur comme du pire, atterrissant fort souvent dans des projets catastrophiques. Avec le réalisateur grecque Panos Cosmatos, Cage est bien tombé, car Mandy, toujours à la Quinzaine, est une série B fabuleuse de type grindhouse. Nicolas Cage joue Red, un bûcheron qui vit dans une demeure reculée, parmi la forêt, avec sa compagne Mandy (Andrea Riseborough). Avec une puissante et pénétrante musique du regretté Jóhann Jóhannsson, le film débute comme un trip hallucinogène où un grain fabuleux se mêle à des effets chromatiques fantastiques. Mandy et Red sont attaqués par une bande de hippies fous, sorte de sectes donnant dans le sacrifice humain, invoquant des bikers des ténèbres. Mandy est immolé face à son compagnon, attaché et impuissant, pour nous offrir une seconde partie totalement jouissive. Revenge movie riche en idées délirantes, Mandy offre un parfait terrain de jeu à Nicolas Cage, pouvant tout exprimer à outrance afin d’atteindre des effets comiques inattendus. La salle est hilare alors qu’il soigne ses plaies avec une bouteille d’alcool. Il y a du génie à atteindre un tel niveau de jeu, d’autant que Cosmatos fournit quelques répliques géniales à ses comédiens, faisant de ce spectacle gore un vrai petit bijou d’humour. Mieux encore, le réalisateur pousse Nicolas Cage vers la déification dans un geste incroyable. Nous le savions déjà, et Panos l’immortalise : Nicolas Cage est un dieu, oui ! Si un certains nombre de spectateurs ont abandonné l’aventure dès la première partie, ceux qui sont restés jusqu’au bout partagent la même euphorie, le même délire, et remercient le réalisateur présent dans la salle. Dommage que Nicolas Cage ne soit pas présent pour recevoir un tonnerre d’applaudissements fort mérité.

La soirée continue au Studio, où se tient la soirée de Mandy. Niché dans l’ancien Silencio, le lieu est toujours aussi classe et adapté à festoyer sans limite. On y rencontre une partie de l’équipe du film, mais aussi de jeunes actrices britanniques qui, peut-être, finiront par être mentionnées dans la presse internationale lors d’une prochaine édition du Festival de Cannes. Il faut savoir s’accrocher à ses rêves.

Article rédigé par Dom

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