En Bref : Bâtiment 5

Second long-métrage de fiction de Ladj Ly, Bâtiment 5 – dont le titre original était le percutant « Les Indésirables » –, arrive comme le segment central d’un triptyque consacré à la banlieue. Moins percutant que l’encensé Les Misérables (2019), cette histoire d’expropriation révoltante fait un grand écart entre la politique et l’émotion, diminuant l’impact d’un message attendu.

Si le vaste immeuble sur lequel on plonge avec un drone dans la première scène du film appartient à une ville fictive du 93, Montvilliers, Ladj Ly continue de raconter l’histoire de la banlieue parisienne, et cette fois, en s’attaquant aux politiques minables d’expropriation. On découvre une des protagonistes, Haby (Anta Diaw), dans une scène douloureuse, veillée funèbre de sa grand-mère qui mène à une scène ahurissante pour descendre le cercueil dans les ténèbres d’un immeuble dépourvu d’ascenseur, du moins, fonctionnel. Un corps descend, un autre s’élève : lors de la démolition d’un immeuble similaire, le maire de la ville meurt d’un arrêt cardiaque. Pierre Forges (Alexis Manenti), pédiatre de profession, hérite de l’écharpe de l’élu. Si le film se montre très intéressant sur ce changement de statut – les nombreuses sollicitations du maire à chaque coin de rue –, le film dresse un portrait manichéen sur le plan politique : tout ne sera que manœuvres politiques pour exproprier aux moindres frais les familles du bâtiment où vivent Haby et sa famille. Cette jeune femme, qui milite sur le plan associatif et décide de se lancer dans la politique, est le personnage le plus intéressant du film, nuancé et porteur d’espoir, tandis que le double jeu de Roger (Steve Tientcheu), natif de la cité mais bien installé à la mairie, témoigne de la corruption morale qui entrave des changements positifs.

On retrouve à nouveau un récit fluide, une mise en scène dynamique et parfois très percutante, comme dans la dernière partie du film où les forces de l’ordre investissent l’immeuble au cœur de ce long-métrage, débarquant en salle à quelques jours d’une nouvelle descente en enfer dans la politique française, Emmanuel Macron continuant d’ouvrir la voie au Rassemblement National tout en mystifiant les journalistes acquis à sa cause destructrice avec la nouvelle loi immigration. Hélas, Bâtiment 5 appuie alors trop sur le pathos, tout en déclenchant sa mécanique finale avec des éléments peu vraisemblables : certes, le message et la symbolique importent plus, mais on aurait apprécié une exécution plus subtile, notamment quand elle emploie des personnages sans aucune finesse, comme le frère de Haby (Aristote Luyindula) ou en instrumentalisant grossièrement le sort de certains réfugiés. Du strict point de vue de l’écriture, on attend plus d’un tel film, mais Ladj Ly a le mérite de mettre en images des problématiques ignorées par la plupart des cinéastes.

3 étoiles

Bâtiment 5 de Ladj Ly, en salle depuis le 6 décembre 2023, avec Anta Diaw, Alexis Manenti, Steve Tientcheu, Aristote Luyindula, Jeanne Balibar, Aurélia Petit.

Affiche du film Bâtiment 5

 

Photos du film |Copyright 2023 – Srab Films – Lyly Films – France 2 Cinema – Panache Productions- La Compagnie Cinematographique

Article rédigé par Dom

Partagez cet article avec vos amis ou votre communauté :

Twitter Facebook Google Plus

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Comments links could be nofollow free.

 

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Avant de publier un commentaire, vous devez lire et approuver notre politique de confidentialité.