Critique : Winter Break

Pour un adolescent, imaginer des vacances de Noël loin des siens, coincé à l’internat de son lycée sous la surveillance du professeur le plus intransigeant de l’établissement, est la définition même du supplice. C’est le point de départ de Winter Break, nouveau long-métrage d’Alexander Payne qui retrouve Paul Giamatti 20 ans après Sideways pour une comédie dramatique exceptionnelle.

Pénitence de Noël

Si l’histoire se déroule au début des années 1970 – délicieuse patte rétro du film, dès le générique –, nous avons tous connu au moins un professeur comme Paul Hunham (Paul Giamatti), car son profil ne se limite ni à un pays, ni à une époque. Intransigeant, pédant, sarcastique, solitaire, et d’une droiture à faire pâlir la direction du lycée privé pour garçons dans lequel il enseigne. En somme, celui que les élèves détestent et dont les collègues se détournent. Alors que les vacances de Noël vont permettre aux adolescents de quitter le pensionnat, quatre malchanceux resteront ici, en compagnie de Paul Hunham, qui, bien évidemment, ne compte pas laisser ce groupe hétéroclite se prélasser : il faudra continuer à bûcher sur l’Antiquité et le moindre écart de conduite se soldera par des corvées. Angus – Dominic Sessa, première apparition au cinéma –, brillant élève mais au caractère désinvolte, se retrouve à compléter la bande malgré lui. Dans cette première partie, Winter Break se montre déjà brillant, par son humour, ses dialogues, et cet esprit « teen movie » sans véritablement foncer dans le genre : il faut dire aussi qu’Angus se retrouvera rapidement seul avec Paul et Mary (Da’Vine Joy Randolph), cuisinière qui a décidé de rester aussi, accablée par la disparition de son fils au Vietman.

Dominic Sessa, Da'Vine Joy Randolph et Paul Giamatti dans Winter Break

Une fois que le récit se resserre sur un trio, Winter Break adopte une nouvelle dynamique, s’éloignant alors du cadre du teen movie pour approfondir le portrait de ces trois personnages, aux nombreuses blessures. L’intransigeance parfois délirante du professeur est tempérée par Mary, qui pourrait être vue comme une mère compréhensive – et Paul, un père revêche. Une famille de substitution pour Angus, naturellement frustré par la situation, d’autant plus que les moindres moments de détente se heurtent aux limites imposées par l’enseignant. Mais le Noël de solitaires s’ouvre à certaines perspectives, et chaque nouveau personnage entrant dans le récit apporte un nouvel éclairage sur un élément de ce trio. Gardant en ligne de mire la nécessité de se réunir à Noël, Winter Break déploie un scénario remarquable signé David Hemingson, car au-delà de la finesse d’écriture des personnages, de l’humour et de l’émotion maniés habilement, le film comporte aussi également une dimension sociale et politique. Nous sommes dans un lieu qui forme une élite, avec tout ce que cela implique à l’égard des parents, mais aussi de la société américaine : les fils des grandes familles ne vont pas se sacrifier dans la guerre du Vietnam, contrairement au fils de Mary.

Paul Giamatti montre fièrement un sapin bancal dans Winter Break

Quand le film répond soudain à l’appel de la route, Winter Break adopte de nouveaux traits, et ce, tout en continuant de développer les accrochages et liens compliqués entre ses protagonistes. Et c’est d’ailleurs cette collision entre l’état de pénitence d’Angus et ce qu’on attend de « la magie de Noël » qui donne une saveur particulière à cette histoire. Et il y a dans ce film une tendresse extraordinaire envers ses personnages, magnifiquement interprétés – un des plus beaux rôles de Paul Giamatti, au visage transformé par un œil de verre –, et leur évolution commune constitue un magnifique secret, partagé avec le spectateur. Au bout des vacances, la vie du lycée reprendra comme avant pour tous, à l’exception de ce groupe. Étudiant aussi les limites de la probité, Winter Break s’avère également intelligent dans son approche des questions morales. Drôle, dense, touchante et mise en scène avec goût, la nouvelle œuvre d’Alexander Payne tient du véritable délice.

4 étoiles

 

Affiche du film Winter Break

Winter Break

Film américain
Réalisateur : Alexander Payne
Avec : Dominic Sessa, Paul Giamatti, Da’Vine Joy Randolph, Carrie Preston, Brady Hepner, Naheem Garcia
Titre original : The Holdovers
Scénario de : David Hemingson
Durée : 133 min
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie en France : 13 décembre 2023
Distributeur : Universal Pictures International France

 

Photos du film Copyright 2023 FOCUS FEATURES LLC.

Article rédigé par Dom

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