Clermont-Ferrand 2022 : le grand retour du court

Contre vents et Covid, la 44ème édition du Festival du court métrage de Clermont-Ferrand a pu se dérouler sur place, contrairement à la 43ème édition, exclusivement en ligne. Le plaisir de retrouver les salles, les professionnels mais aussi le sens de la fête, bien que réduit à son strict minimum, a marqué cette édition particulière. Quelques mots sur cet événement qui s’est achevé samedi 5 février et quelques pépites découvertes ça et là, au fil des séances – et certaines sont à découvrir en ligne !

L’Espagne et la danse étaient à l’honneur de l’édition 2022 du Festival du court métrage de Clermont-Ferrand : si nos voisins étaient bien au rendez-vous, la danse, elle, se cantonnait aux films sélectionnés dans le programme « Let’s Dance », les fêtes et concerts habituels étant proscrits à de rares exceptions près – pas d’Electric Palace, bien que non affilié au festival, et des boites de nuit toujours fermées. Heureusement, l’Univers est resté un lieu de rendez-vous jusqu’au bout de la nuit, avec aussi quelques excursions possibles au Fotomat – mais dans des conditions incomparables aux soirées qui s’y déroulaient auparavant. Au niveau des salles, si deux amphis n’abritaient pas de séance cette année, c’était l’occasion de découvrir deux nouvelles salles à la Comédie, Horizon et Possibles, dont la mitoyenneté avec la Maison de la Culture permet d’amplifier l’importance de ce centre névralgique – avec la salle principale Cocteau, la salle Vian, à quelques pas la petite salle Conchon et quelques centaines de mètres plus loin, l’amphi Agnès Varda. Arrivé un peu avant le milieu du festival, j’ai rapidement constaté qu’il n’était pas nécessaire d’arriver 30 à 40 minutes avant chaque séance comme à l’accoutumée, où la plupart des séances sont complètes : bien que le public était au rendez-vous, cette édition 2022 touche aux 100 000 entrées, alors que celle de 2020 avoisinait les 170 000 entrées. Ce qui ne retire rien au plaisir des spectateurs présents, évidemment. Au niveau des professionnels, 3400 au lieu de 3500 personnes étaient accréditées – mais combien ont réellement fait le déplacement ? Le Marché du film paraissait bien dépeuplé, avec de nombreux absents. Toutefois, de nombreux professionnels étaient présents pour des ateliers, masterclass et rencontres : avec la vague de contaminations qui a marqué le début d’année 2022, on ne peut voir le verre qu’à moitié plein !

Salle Cocteau quasiment comble pour la séance Terror

Un verre qui a été vu d’une autre façon par le jury étudiant de la compétition nationale, qui a déclaré avoir été déçu par les films découverts. Selon elles – ce jury n’étant composé que de femmes –, le programme manquait de diversité et ne les représentait pas – un point qui reste assez flou : un manque de représentation en tant qu’étudiantes, futures actives ou femmes ? Malgré un nouveau format pour la remise de prix, plus court car les prix partenaires étaient simplement annoncés suite à leur remise deux jours plus tôt, la cérémonie de clôture a semblé maussade avec son mobilier tout gris, ces jurés séparés d’un mètre chacun alors qu’on imagine bien qu’ils ont pu profiter des films avec plus de proximité et de chaleur humaine. Peut-être que le voile triste d’un festival se concluant sans aucune fête officielle pesait aussi ici, mais on espère que cela n’a rien retiré au bonheur de ces cinéastes et comédiens qui se sont vus primés. D’ailleurs, des Grand Prix, mon parcours ne m’aura rien révélé. L’australien Mate de George-Alex Nagle a remporté le Grand prix de la compétition internationale tandis que Le roi David de Lila Pinell a reçu le Grand prix et le Prix étudiant de la compétition nationale. Du côté du Labo, c’est Le Boug Doug de Théo Jollet qui a remporté le Grand Prix. Découvrez le palmarès complet ici. Un palmarès qui peut être découvert le dimanche 13 février au Forum des Images.

Voici une petite liste de films qui m’ont marqué au cours de mes cinq journées sur place, dont certains à découvrir en ce moment sur le site d’Arte avec Court Circuit, et d’autres à dénicher plus tard en festivals ou bien lors de possibles diffusions sur Top of the Shorts, Histoires courtes et Libre court.

« Little Berlin » de Kate McMullen


Little Berlin de Kate McMullen (Prix du Rire Fernand Raynaud) nous raconte l’histoire de la séparation en deux du village de Mödlareuth, tout comme Berlin, au travers du regard désabusé de Peter, un taureau séparé de ses vaches. Brouillant les pistes entre la fiction et le documentaire, ce film narré délicieusement par Christoph Waltz nous conduit vers une conclusion terriblement amère qui nous ramène à notre instable quotidien où les murs reviennent. Dans TNT d’Olivier Bayu Gandrille, on découvre la routine d’adolescents dans la banlieue parisienne, racket d’un téléphone, provocations lors d’un cours mais aussi camaraderie. C’est la traversée d’une forêt qui occupe le cœur du récit : un pédophile y roderait. Le film glisse alors vers l’effroi d’une terrible réalité, celle des violences policières. Une œuvre à la fois touchante et drôle, avec quelques images nocturnes sublimes. Film musical, Partir un jour d’Amélie Bonnin (Prix du Public et Prix de la meilleure musique originale) joue avec le retour d’un écrivain campé par Bastien Bouillon dans sa ville d’enfance, et qui retrouve son amour inavoué de jeunesse, joué par Juliette Armanet. Un concentré de tendresse et d’humour, teinté de nostalgie et de bons sentiments sans être sirupeux et doté de chouettes réinterprétations de quelques célèbres chansons.

« Son Altesse protocole » d’Aurélie Reinhorn

Son Altesse Protocole d’Aurélie Reinhorn (Prix de la presse Télérama) nous plonge dans un monde décalé auprès d’acteurs costumés dans un parc d’attraction fictif. L’absurde y règne avec de vrais moments de folie et quelques costumes ahurissants. L’envers du décor d’une féerie détraquée en profondeur. Dans un registre bien différent, Arthur Cahn livre une œuvre d’une douceur rare avec Jeudi, vendredi, samedi, qui suit les trois journées de deux hommes se retrouvant à flâner suite à un incendie dans leur usine. Entre amitié et amour, ce film porté sur la nature et ses créatures charme par sa simplicité et son regard bienveillant. Au Brésil, les livreurs de repas à vélos expriment leur lassitude et leur colère en chorégraphies et en chansons dans le détonant Fantasma Neon, signé Leonardo Martinelli. L’art de dénoncer un travail pénible avec grâce.

« Les Promesses du sol » de Raphaël Stora

Elle est des nôtres de Maxence Voiseux compose un singulier portrait de femme dans le milieu agricole avec Juliette Savary, désireuse de travailler dans le commerce de bovins mais méprisée par les hommes du milieu. A coup de stratagèmes farfelus, elle tentera de devenir indispensable. Le vertigineux Warsha de Dania Bdeir nous conduit au sommet de la grue d’un chantier à Beyrouth, avec un travailleur syrien qui trouve une liberté exceptionnelle une fois dans sa cabine lors d’un ballet aérien grisant. Et côté danse, dans le mélancolique Les Promesses du sol, disponible sur YouTube, Raphaël Stora raconte ses souvenirs de danseur, qui a filmé les battles auxquels il assistait. Il dessine alors les contours de la danse urbaine et de quelques unes de ses emblématiques figures parisiennes du début des années 2000 et fait un pont avec la scène de 2016. Une œuvre qui traite autant du rapport au temps que du corps, de ces cassettes vidéos si éphémères et d’une passion qui ne s’éteint jamais. Exploitant le corps et la danse au service d’une cause forte, Never Twenty One du Collectif RACINE raconte l’enfer de la vente d’armes à feu aux Etats-Unis au travers de ces jeunes qui partent à l’école le matin pour ne jamais rentrer chez eux.

« Bestia » de Hugo Covarrubias

Parmi les propositions les plus troublantes, singulières et renversantes, les films d’animation ont sur démontrer leur capacité à s’affranchir de toutes les contraintes pour composer des univers uniques, comme Bestia de Hugo Covarrubias (Prix du meilleur film d’animation), s’inspirant de tristes faits réels au Chili où des tortionnaires nazis se sont réfugiés. Un véritable cauchemar où torture, remords et folie se mêlent avec une créativité épatante dans la mise en scène. Avec pour source le travail de Daīchi Mori, Swallow the universe (Engloutir l’univers, chier une fourmi) de Nieto (Prix Spécial du jury Labo) nous déroule un univers effroyable et pourtant fascinant, la souffrance indescriptible d’un enfant dans un monde où règne la cruauté et la plus haute bizarrerie. Moins extrême, Furia de Julia Siuda joue avec le corps dans un espace indéfini avec un malin plaisir pour les déformations en tout genre. Et pour revenir à la fiction en prises de vues réelles, Les Curiosités du mal de Victor Trifilieff proposait une virée à la montagne particulièrement saisissante, lorsqu’une bande de jeunes découvre une créature dans la forêt – qui n’est pas sans rappeler Under the Skin de Jonathan Glazer – pour libérer une violence insensée. Un trip viscéral, aux images qui hantent longuement.

Voilà pour mes conseils de festivalier qui n’a assisté qu’à une partie infime des programmes mais qui aura profité à 100% de cet événement majeur pour débuter l’année cinéma. Merci aux équipes du festival et à mes nombreux camarades d’un jour ou de toujours, et rendez-vous en 2023, sans masque !

Article rédigé par Dom

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