Critique : L’homme qui a surpris tout le monde

Deuxième long métrage de Natalya Markulova et d’Aleksey Chupov, L’homme qui a surpris tout le monde suit le quotidien d’un garde forestier aux abords de la taïga de Sibérie, diagnostiqué en phase terminale d’un cancer. Un drame sociétal qui invite à affronter la fatalité autrement.

Au seuil de la mort

La rencontre avec Egor (Eveniy Tsyganov) est musclée, virile et tendue : le garde forestier intervient auprès de braconniers qui, en réponse, tentent de le tuer. L’un d’eux est blessé à l’épaule tandis que l’autre se jette sur Egor, armé d’un couteau. Suite à une pénible lutte dans la boue, Egor vient à bout de son assaillant. Ce père de famille, qui vit dans une petite communauté bordant la taïga, attend avec sa femme Natalia (Natalya Kudryashova) un second enfant, mais Egor n’a plus aucune perspective d’avenir : un médecin lui annonce qu’il n’a plus que deux mois à vivre, tout au plus. Ce qui surprend dans un premier temps est l’acceptation du sort, Egor ne cherche pas à lutter mais prépare sa sortie, provoquant la colère de sa femme, la tristesse de son fils, et quant à son propre père, ce dernier est tout simplement abasourdi, il survivra à sa propre descendance. Natalya Markulova et Aleksey Chupov ne nous plongent pas dans cette communauté refermée, comme à l’abri du siècle, pour développer un regard sur la fin de vie, il s’agit plutôt de répondre à la fatalité autrement, quitte à soulever l’incompréhension la plus vaste et la plus violente.

Poussée par sa femme à rencontrer un autre docteur, après avoir sollicité la générosité des villageois, Egor n’obtient pas de diagnostic plus favorable sur son sort. Et c’est suite à une rencontre avec une chamane qu’il décide de se travestir et de s’isoler, au seuil de la mort. Sa femme fait tout pour que la nouvelle ne se répande pas mais Egor est démasqué ; son fils, raillé à l’école. Lorsqu’il sort de sa tanière, il est examiné comme une bête de foire avant de susciter une vive animosité. Ainsi surprend L’homme qui a surpris tout le monde, évoquant donc la nécessité d’affronter une intolérance qui touche parfois à la barbarie, aux actes les plus atroces. Ce n’est pas qu’Egor se révèle à lui-même dans son action, mais il révèle à tous leur étroitesse d’esprit, leur vilenie. Et ce n’est pas l’ultime surprise que réserve ce film qui repose sur son cadre sibérien – bien que tourné dans un village à 250 km de Moscou – et ses acteurs – Evgeniy Tsyganov livre une performance remarquable d’humilité dans la souffrance –, la mise en scène se montrant peu expressive, organisée autour d’une caméra épaule quasiment systématique. Parfois éprouvante, cette chronique ne joue pas la complaisance avec le mal : il y a une véritable et profonde recherche de lumière dans le chemin de croix qu’endure Egor. L’homme qui a surpris tout le monde résonne comme un appel à la tolérance et à l’ouverture d’esprit, quête louable et si difficile.

3 étoiles

 

L’homme qui a surpris tout le monde

Film russe, estonien, français
Réalisateurs : Natalya Markulova, Aleksey Chupov
Avec : Evgeniy Tsyganov, Natalya Kudryashova, Vasiliy Popov, Yuriy Kuznetsov
Titre original : Chelovek, kotoryy udivil vsekh
Scénario de : Natalya Markulova, Aleksey Chupov
Durée : 104 min
Genre : Drame
Date de sortie en France : 20 mars 2019
Distributeur : JHR Films

 

Photos Copyright JHR Films

Article rédigé par Dom

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