Critique : Steve Jobs

Si ce nouveau biopic sur Steve Jobs devait réunir à nouveau David Fincher et Aaron Sorkin, seul le scénariste resta sur le projet alors qu’il passa dans les mains de Danny Boyle et que le rôle titre, que Fincher souhaitait donner à Christian Bale, fut attribué à Michael Fassbender. Malgré un angle se détournant de l’hagiographie, Steve Jobs manque la cible magnifiquement atteinte par The Social Network.

Le Père

C’est un film qui a le mérite de resituer le rôle de Steve Jobs dans le domaine des nouvelles technologies, son rôle chez Apple, et même comprendre certains produits qui ne sont pas montrés dans le film qui s’achève en 1998. C’est un film qui regarde autant l’homme que le créateur, le père de famille qui n’assume pas son rôle, le fils adopté qui ne comprend pas ses failles, le patron et collègue au tempérament de petit tyran. Pour brosser ce portrait, le scénariste Aaron Sorkin a choisi de se concentrer sur trois dates clés, le lancement du Macintosch en 1984, le lancement du Black Cube de NexT en 1988 et enfin le lancement de l’iMac en 1998. Trois périodes abordées par trois styles cinématographiques différents, tournées respectivement en 16 mm, 35 mm et en numérique. Peut-être la seule réussite esthétique du film, puisque la mise en scène de Danny Boyle ne parvient pas à rendre les dialogues de Sorkin aussi percutants qu’un Fincher pour The Social Network, qui reste encore le plus grand portrait du monde de l’informatique. Suivre au pas le patron dans des joutes verbales s’avère lassant, mais surtout, Steve Jobs plie sous sa mécanique redondante, bien que le personnage y évolue : pour chaque acte, en coulisses se jouent conflits familiaux, confrontations entre les techniciens et collaborateurs et enfin les problèmes techniques à quelques minutes de la démonstration sur scène. Le tout, parsemé d’une poignée de flashbacks. Evidemment, tout cela n’a pas pris place dans la réalité mais tient d’un travail de dramatisation de la part d’Aaron Sorkin.

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Film des plus bavards, Steve Jobs ne trouve jamais une dynamique engageante, grippé par la monotonie de son découpage (autant en matière de narration que de montage). La musique de Daniel Pemberton, s’inspirant tristement du travail de Trent Reznor et Atticus Ross sur The Social Network – difficile de ne pas revenir encore une fois sur ce film ! – témoigne du soucis qui gangrène ce biopic : un manque de direction forte du chef d’orchestre Danny Boyle. Chef d’orchestre, ainsi se voyait Steve Jobs qui, rappelons-le, n’a rien d’un génie de l’informatique : sans l’aide de Steve Wozniak (Seth Rogen), ses produits auraient pu rester de simples idées pondues au milieu de la nuit. Le génie de Steve Jobs résidait dans le marketing et sa capacité à comprendre ce que désirent les consommateurs, à leur fournir un produit intuitif. Des qualités ternies par son besoin suprême de verrouillage de ses produits, empêchant toute modification propre au monde informatique par les utilisateurs – sans évoquer une politique de vente à des prix affolants. En se concentrant sur une sphère privée et interne à Apple, Steve Jobs manque aussi les batailles avec la concurrence, à peine nommée, d’IBM à Microsoft, qui aurait pu offrir ces instants électriques qui manquent à l’appel. Alors oui, le film est doté de dialogues ciselés, maniés par des comédiens aussi formidables que Michael Fassbender (qui évite le piège de l’imitation physique) et Kate Winslet, mais l’apport des acteurs ne provoque aucun remous dans cette exploration à trois axes du père. Steve Jobs face à sa figure paternelle de substitution, Steve Jobs face à son rôle de père d’une fille délaissée, Steve Jobs père d’une gamme de produits que l’on pourra toujours remettre en question malgré leur impact mondial sur la société de consommation. Manque la puissance dramaturgique bien que l’on trouve quelques séquences efficaces. Steve Jobs a inventé l’iMac, Danny Boyle nous livre l’iBof.

2.5 étoiles

 

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Steve Jobs

Film américain
Réalisateur : Danny Boyle
Avec : Michael Fassbender, Kate Winslet, Seth Rogen, Jeff Daniels, Michael Stulhbarg, Katherine Waterston
Scénario de : d’après un roman de Walter Isaacson
Durée : 122 mn
Genre : Drame, Biopic
Date de sortie en France : 3 février 2016
Distributeur : Universal Pictures International France

Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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Un commentaire

  1. Zut, moi qui voulait le voir juste parce que c’était un film de Boyle! parce que le vie de Jobs façon « cinoche selectif » je dois dire que j’en ai absolument rien à faire. il aura eu le mérite de vendre des produits qui valent 100 à 1500 ! Le génie moderne… hahaha le génie des gogos. Pas grave.

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