[Critique] Robot and Frank (Jake Schreier)

Lauréat du prix Alfred P. Sloan à Sundance 2012, qui récompense les films à portée scientifique, Robot and Frank est un superbe film d’anticipation, présentant le monde de demain au travers de la relation entre un retraité et son bijou technologique officiant comme aide à la personne. Une approche de la robotique intelligente et émouvante.

Human after all

Les robots arrivent, à grand pas. Aujourd’hui, la vision d’un robot aspirateur ne surprend guère, et bientôt, nous pourrons découvrir des simili-hommes à tout faire dans certains domiciles, accomplissant des tâches délaissées par l’être humain. On ne peut presque pas parler de science-fiction avec Robot and Frank, tant l’univers dans lequel il se déroule se trouve si près de nous. Ce film d’anticipation possède presque la qualité documentaire de nous présenter une de ces machines dans son labeur, auprès d’un vieil homme (Frank Langella), et, dans un certain sens, la vision de cette machine anonyme – Frank, le protagoniste, ne lui attribue aucun prénom, et sa tête, un casque avec une visière noire peu réfléchissante, fait de lui un élément aussi impersonnel qu’un téléphone mobile –, asservie à l’homme et programmée pour son bien-être, dégage quelque chose de particulièrement rassurant, à des années lumières des rébellions des terminators et autres réplicants. Mais pourtant, la relation entre Frank et son robot partait sur de mauvaises bases, ce père divorcé avec deux enfants n’avait aucune envie de voir l’apathie de son quotidien bouleversée par une machine, seulement il s’agissait de l’unique alternative avec l’hospice imposée par son fils (James Marsden), ne pouvant plus se permettre de venir veiller chaque weekend sur son père à cause de sa vie de famille.

Traitant de la robotique avec intelligence – et parfois avec malice –, cette comédie dramatique tourne autour de l’étonnante complicité qui se développe entre Frank et son assistant. Rapidement, cet être parfait dans toutes les tâches quotidiennes, de la cuisine au rangement, devient un véritable fils de substitution grâce à sa capacité à apprendre et à dialoguer parfaitement de sa voix humanisée par Peter Sarsgaard. Son programme, visant à garder Frank en bonne santé, l’oblige à adopter un emploi du temps, une alimentation saine et à chercher un projet ; c’est alors que le passé de cambrioleur de cet homme à la mémoire troublée – le scénario de Christophe D. Ford aborde Alzheimer avec finesse – resurgit pour faire de ce duo une paire de voleurs cocasse, où plane l’ombre de Don Quichotte et de son fidèle écuyer. Le fait que le livre de Cervantes, en tant qu’objet d’une époque révolue, soit présent dans le film, est loin d’être un hasard. La bibliothèque, lieu où aboutissent toutes les promenades de Frank, où il peut côtoyer Jennifer (Susan Sarandon), bibliothécaire qu’il souhaiterait séduire, permet de témoigner d’un choc générationnel et d’un changement d’ère. Rachetée par une bande de bobos/hispters qui souhaitent numériser les ouvrages, la bibliothèque est le point de rencontre d’une époque révolue, au travers de Frank et Jennifer, de la génération du tout numérique, et d’une nouvelle étape pour l’humanité, avec les robots. Mais même si Frank et son compagnon partent en croisade contre ces hipsters prétentieux, Robot and Frank n’est en aucun cas réactionnaire, il souligne justement l’élément primordial qui manque au numérique : l’échange, d’un point de vue humain – car au fond, les réactions du robot procèdent d’une certaine forme d’humanité –, et, quelque part, la perte du respect.

D’une grande richesse, le premier long-métrage de Jake Schreier place également la cellule familiale au cœur du récit, avec les interventions des enfants de Frank, dont Madison (lumineuse Liv Tyler) qui, dans un sursaut de sollicitude envers son père, tente de remplacer le robot à tout faire imposé par son frère. Autre thématique forte : la mémoire, si fragile, chez l’homme et chez la machine. Le premier est en proie à la maladie, le second peut subir un formatage complet à tout instant. Dans ce monde d’oubli, quelles sont les valeurs sûres ? Peut-être des choses si simples, que l’on tend à délaisser déjà aujourd’hui : livres et photographies, également victimes du temps, mais bien plus résistants que nous devant la brutalité des années qui défilent.
Avec ses acteurs justes et touchants, sa bande originale plaisante de Francis and the lights, et sa mise en scène sobre, tout concourt pour faire de Robot and Frank un grand film.

4 étoiles

 

Robot and Frank

Film américain
Réalisateur : Jake Schreier
Avec : Frank Langella, James Marsden, Liv Tyler, Susan Sarandon, Peter Sarsgaard
Scénario de : Christopher D. Ford
Durée : 89 min
Genre : Comédie dramatique, Science-fiction
Date de sortie en France : 19 septembre 2012
Distributeur : EuropaCorp Distribution


Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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Un commentaire

  1. Quand les Daft nous tiennent !!
    Ta critique me donne vraiment envie de le voir!

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