Critique : Les Survivants

Premier long métrage de Guillaume Renusson, Les Survivants réunit Zar Amir Ebrahimi et Denis Ménochet pour une œuvre à la frontière du drame et du thriller : avec en toile de fond le deuil et la culpabilité, il est question au premier plan de flux migratoires.

Sauvetage mutuel

Quelque part dans les Alpes italiennes, un refuge où se sont abrités des migrants est investi par la police. C’est dans la fuite que l’on découvre Chehreh (Zar Amir-Ebrahimi), dont le périple a débuté fort loin, à Kaboul. De l’autre côté de la frontière, en France, rencontre avec un père brisé qui tente de se reconstruire, physiquement et mentalement, Samuel (Denis Ménochet). Il y a dans ce récit une certaine délicatesse pour dessiner les maux des protagonistes : on apprendra un peu plus tard les raisons de la disparition d’une épouse et d’une mère, et bien sûr le périple tragique de Chehreh. La rencontre de ces « deux survivants » qui devront affronter ensemble l’horreur de la xénophobie poussée à son paroxysme se déroule lorsque Samuel regagne sa résidence secondaire au pied des montagnes italiennes. Dans la nuit, l’Afghane y trouve refuge, et si Samuel se montre d’abord réticent à l’aider, la compassion prendra le dessus malgré les dangers inhérents au territoire et surtout les actions d’un trio d’extrême droite, évoquant des méfaits hélas inspirés de la réalité. A ce propos, il est quelque peu dommage que le récit lie Samuel à ces personnages, car cela rend certaines séquences un peu balourdes avant que le film s’emballe sur les pistes du film de survie.

Si certains passages qui tiennent du drame peinent à convaincre pleinement dans ses premiers chapitres, Les Survivants se montrera bien plus incisif sur le plan du thriller, dans le manteau blanc de paysages superbes – les scènes nocturnes sont assez ahurissantes. La traque et les confrontations ne sont pas sans rappeler Essential Killing (2010) de Jerzy Skolimowski, une référence revendiquée par le cinéaste qui compose quelques scènes d’une brutalité glaçante. Pas de psychologie au rabais ici, la haine émane d’un racisme primaire attisé par des raisons économiques. Mais s’il y a des êtres horribles, il y a aussi ceux qui tendent une main, offrent un toit et un repas. Si dans un premier temps, Samuel vient à la rescousse de Chehreh, cette dernière agit ensuite comme un baume sur ce veuf en perdition. Rien de surprenant dans un tel récit, mais des valeurs à préserver dans un monde qui se replie de plus en plus. S’achevant sans aucune lourdeur, Les Survivants touche par son humanité à toute épreuve.

Photos du film Copyright Les Films Velvet – Baxter Films –  Noé Bach / Pierre Maïllis-Laval