Critique : Teddy

Cinq ans après Willy 1er, les frères Boukherma, Ludovic et Zoran, reviennent avec leur nouveau film, Teddy, une comédie horrifique qui a connu un beau parcours en festivals parmi lesquels Cannes, Deauville, l’Etrange Festival et plus récemment Gérardmer, où il a obtenu le Prix du jury. Important le mythe du loup-garou en France, et plus exactement en terre occitane, le film apporte une bonne touche de fraîcheur au genre.

Seul contre tous

Dans les Pyrénées, un loup attise la colère des villageois. Teddy, 19 ans, sans diplôme, vit avec son oncle adoptif et travaille dans un salon de massage. Sa petite amie Rebecca passe bientôt son bac, promise à un avenir radieux. Pour eux, c’est un été ordinaire qui s’annonce. Mais un soir de pleine lune, Teddy est griffé par une bête inconnue. Les semaines qui suivent, il est pris de curieuses pulsions animales…

Le cinéma de genre est un style qui s’émancipe de plus en plus sur le territoire hexagonal ces derniers temps comme peuvent l’attester les films récemment sortis dans nos salles obscures : Mandibules de Quentin Dupieux, Méandre de Mathieu Turi, La Nuée de Just Philippot ou encore Le Dernier Voyage de Romain Quirot. Avec Teddy, les frères Boukherma s’attaquent au mythe du loup-garou. Même si dans ses grandes lignes le film respecte la structure classique du genre (griffure, mutation, attaque), les réalisateurs le revisitent à leur manière en transposant l’action du film dans un paysage rural (un petit village des Pyrénées avec ses montagnes et ses vignes) et non urbain comme avait pu le faire auparavant Le Loup-garou de Londres de John Landis (1981) ou Le Loup-garou de Paris d’Anthony Waller (1998).

Comment ne pas voir en cette créature une résonance particulière avec l’actualité ? En effet, en France le loup fait débat dans les montagnes entre les éleveurs et ceux désirant protéger l’environnement. D’un côté certains voient le loup comme la bête à abattre, tandis que pour d’autres c’est un animal à réintroduire. On peut ainsi constater une mise en parallèle entre le personnage de Teddy et ce loup : ils sont tous deux détestés par les villageois. Le film présente dès sa scène d’ouverture un adolescent révolté insultant tout le monde, roulant à toute vitesse au volant de son véhicule, faisant plein de bruit sur son passage. Mais derrière cet aspect très dur et irrévérencieux se cache une certaine douceur chez cet adolescent, vivant dans un cadre familial compliqué avec une grand-mère paralysée et un oncle un peu attardé. On sait de lui qu’il a été déscolarisé depuis le CP, ce qui fait de lui un paria aux yeux de la population locale, tout l’inverse de sa petite amie, lycéenne issue d’une famille parfaitement intégrée. C’est suite à l’attaque du loup et à sa morsure que la vie paisible de Teddy va être bouleversée et qu’il va subir une transformation physique n’étant pas dû à sa puberté. Brillamment interprété par Anthony Bajon qui a su insuffler à son personnage la tendresse nécessaire pour créer cette empathie chez le spectateur, Teddy est bien plus qu’un simple film fantastique, c’est une œuvre traitant de l’exclusion, la marginalité ou comment l’accumulation de frustrations peut entraîner une forme de colère qui, dans certains cas, peut déboucher sur une forme de monstruosité. En cela, le loup-garou se prête bien à cette thématique. On peut voir en cette créature une forme de double maléfique de Teddy qui encaisse les coups la journée et les rend la nuit pour se venger.

Mélangeant le registre comique (avec des répliques complètement hilarantes), horrifique et dramatique, Teddy n’est pas sans rappeler un certain Bruno Dumont dans sa mise en scène, plus particulièrement dans sa première partie, avec de nombreux comédiens amateurs dans des rôles secondaires afin d’apporter davantage d’authenticité et ancrer le film au cœur de la terre occitane avec ses accents. On sent une grande tendresse pour ces personnages qu’on est amenés à aimer plutôt qu’à juger. Cette forme d’empathie exclut toute moquerie mais jamais l’humour qui reste la force principale du film. Dans son dernier acte, le film épouse un ton bien plus sérieux et tragique, en suivant davantage les codes d’un Loup-garou de Londres ou d’un Carrie de Brian De Palma (1976) même si les cinéastes préfèrent mettre la violence au second plan ainsi que le monstre avec l’utilisation du hors champ. On peut clairement voir une véritable déclaration d’amour au cinéma fantastique même si le film souffre dans sa dernière partie d’un traitement bien moins original et quelque peu écourté. Actuellement sur la réalisation de leur prochain film, L’année du requin, on est en droit d’attendre rapidement une nouvelle belle surprise des frères Boukherma.

3.5 étoiles

 

Teddy

Film français
Réalisateurs : Ludovic Boukherma, Zoran Boukherma
Avec : Anthony Bajon, Christine Gautier, Noémie Lvovsky, Ludovic Taurent, Guillaume Mattera
Scénario de : Ludovic Boukherma, Zoran Boukherma
Durée : 88 min
Genre : Fantastique, Comédie
Date de sortie en France : 30 juin 2021
Distributeur : The Jokers

 

Photos du film Copyright Les Bookmakers / The Jokers

Article rédigé par Jean-Christophe

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