Cannes 2019 : les morts ne meurent jamais

Mardi 14 mai 2019, coup d’envoi de la 72ème édition du Festival de Cannes avec une compétition qui s’annonce folle et des sélections parallèles qui promettent aussi leurs lots de pépites cinématographiques. Agnès Varda regardera tout ça de là haut, tandis que les zombies de Jim Jarmusch ouvrent le bal. Mais avons-nous l’esprit à festoyer ?

Les films, les stars, les paillettes, la côte d’Azur, le luxe, le teint halé et une avalanche de soirées : ainsi pourrait se résumer le Festival de Cannes, dont la réputation et le rayonnement mondial en font toujours un événement culturel capital. En ces moments de crise sociale sans précédent, alors que l’urgence écologique est traitée avec dédain par l’exécutif, promettant un calendrier d’actions ridicule, le glamour se conjuguera avec l’indécence, la débauche avec l’abjection. A moins que les films alimentent le débat, à moins qu’un véritable appel à l’action se produise. Du côté des projections à surveiller, en séance spéciale, La Glace en feu de Leila Conners se penchera sur le dérèglement climatique, et la séance sera présentée par l’activiste écologique – mais aussi au comportement paradoxal – Leonardo DiCaprio. On ne peut rien affirmer à l’heure actuelle, bien que les thématiques de nombreux films se révèlent déjà au travers des synopsis, mais une chose est certaine : partout nous serons accompagnés par Agnès Varda, en pleine prise de vue d’un élément hors champ sur l’affiche de la Sélection Officielle. Agnès Varda était une cinéaste géniale qui savait regarder les gens, la vie, tout en insufflant dans son œuvre une magie infantile qui faisait de ses rencontres et découvertes des événements fabuleux. Voilà aussi ce que nous attendrons cette année : des événements fabuleux, des regards qui offrent de nouvelles perspectives sur le monde, des regards capable de faire avancer le monde – on part vers l’utopie, oui.

Le cinéma s’approche de l’éternel : tant que nous parviendrons à préserver les œuvres du 7ème art, les disparus seront toujours avec nous, dans les salles obscures, sur les écrans de télévisions, d’ordinateurs, tablettes et smartphones. Quelque part, au travers du cinéma, les morts ne meurent jamais pour traduire littéralement le titre du film d’ouverture de Jim Jarmusch, The Dead don’t die. L’optique est différente évidemment puisqu’il est question de morts-vivants, de zombies en quête de chair fraiche. Dans l’après-midi, il aura été impossible d’accéder à la conférence de presse donné par le jury présidé par le cinéaste mexicain Alejandro Gonzalez Iñárritu – en photo ci-dessus avec le délégué général Thierry Frémaux –, et la cérémonie se dévoile sur grand écran pour la presse, en salle Debussy, après une cohue assez inhabituelle pour accéder à la salle – un mauvais présage pour la suite. Animée par Edouard Baer, la cérémonie rend d’abord un hommage à Agnès Varda, avant de voir le maître de cérémonie plaisanter sur la notion de spectateur, accordéon à l’appui. Angèle reprend au piano Sans toi de Michel Legrand, et nous avons droit aux présentations d’usage avec les membres du jury, les films de la Sélection Officielle. Pour conclure, Javier Bardem ainsi que Charlotte Gainsbourg déclarent l’ouverture des festivités. Une cérémonie qui manquait d’éclat mais qui affirme encore plus que le Festival de Cannes est un vrai microcosme…

Heureusement, le film de Jim Jarmusch nous ramène à la réalité, en quelque sorte : dans The Dead don’t die, un désastre écologique précède ou provoque l’invasion de morts-vivants, un concept exploré dans une petite ville américaine, Centerville, où les forces de l’ordre, campées par Chloë Sévigny, Bill Murray et Adam Driver se montrent rapidement dépassés par la situation. Casting hors pair puisque l’on pourra voir ici, dans la première salve de zombies, Iggy Pop, un Tom Waits en ermite observateur, Selena Gomez en road trip avec des amis, Steve Buscemi en raciste primaire de l’Amérique profonde, ou encore RZA en livreur UPS – ou presque. Jarmusch s’empare parfaitement du film de zombies sans rien perdre de sa patte, tout en décalage et avec un humour très prononcé, jouant avec une dimension méta séduisante, et rappelant aussi certains wagons de sa carrière. Simple exemple : Adam Driver porte le nom de Peterson, alors qu’il avait déjà croisé la route de Jarmusch pour Paterson. Les clins d’oeil sont nombreux dans ce film avant tout joueur : le personnage loufoque et fantastique de Tilda Swinton, maquilleuse dans une morgue maniant le sabre comme une samouraï, n’apporte rien d’autre que du plaisir dans ce film au rythme un peu flottant mais qui ne perd jamais le cap de l’apocalypse. Les têtes tombent et éclatent au fil de cette comédie désespérée, dotée toutefois d’un vrai degré de poésie, avec ses contrastes. De mémoire de festivalier, depuis 2011, c’est le film le plus original découvert pour ouvrir les vannes. Une proposition qui ne pourra pas plaire à tout le monde, actuellement en salle.

A l’issue de la séance, on peut assister au défilé d’invités se rendant du Grand Théâtre Lumière jusqu’à l’Agora où se tient le dîner d’ouverture. John Carpenter, qui sera célébré à la Quinzaine des réalisateurs, accorde du temps aux festivaliers et touristes agglutinés contre les barrières tandis que les membres du jury se font attendre. Léa Drucker, en photo ci-dessus, est accompagnée par Marina Foïs, Tilda Swinton se prête toujours au jeu des selfies alors qu’Adam Driver est plutôt du genre à tailler la route de façon stoïque. La pluie s’invite déjà, gâchant la soirée karaoké organisée au cinéma de la plage. Mercredi 15 mai, on rentrera dans le vif du sujet avec, on espère, trois long métrages : Le Daim de Quentin Dupieux à la Quinzaine des réalisateurs, et deux films en compétition, Les Misérables de Lajd Ly et Bacurau de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles.

Article rédigé par Dom

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