Cannes 2019 : brèves de croisette

L’aventure cannoise continue de façon plus disparate : Once upon a time a Hollywood de Quentin Tarantino a frappé le festival de la cruauté des tailles des salles, et le cinéaste américain voit son film peu diffusé, ce dernier ne voulant pas le voir projeté sous le chapiteau de la salle du 60ème. Lundi soir, nous avons découvert l’anecdotique Frankie d’Ira Sachs tandis que mardi soir, après la bande à Quentin, Bong Joon-ho a peut-être bousculé nos certitudes sur le futur palmarès avec Parasite. On a aussi découvert des courts métrage de la Cinéfondation et Nuastres Madres à la Semaine de la Critique.

Certains films sont découverts par une poignée de journalistes avant les événements, ce qui provoque certaines rumeurs qui suscitent l’engouement ou au contraire, poussent à faire l’impasse sur un long métrage. Considéré comme le film plus plus faible de la compétition, Frankie d’Ira Sachs n’agite pas les foules : pour la projection presse de 22h, il n’y a quasiment personne, si bien que nous pouvons, les badges jaunes, nous asseoir en orchestre pour la première fois cette année. Et la rumeur disait vrai… Dans cette comédie dramatique, réunion familiale autour de Frankie (Isabelle Huppert) sur la ville côtière de Sintra, au Portugal, Ira Sachs déploie toute une galerie de personnages assez fades, pourtant campés par des acteurs de talent, comme Brendan Gleeson, Marisa Tomei, Jérémie Renier, … Si Frankie réunit les siens, c’est parce que cette actrice de renom est condamnée à mourir dans les mois qui à venir. Sachs n’arrive pas à obtenir de vertige avec l’emploi d’Isabelle Huppert. Si les décors naturels du Portugal offrent quelques scènes très belles sur le plan esthétique, on a la sensation de tomber dans un voyage au bout de l’ennui face à cette œuvre mollassonne. La plus grande déception en compétition.

Direction le Petit Majestic après ce coup de mou : évidemment tout le monde parle des stratégies pour découvrir le film de Quentin Tarantino, se planquer dans les toilettes, voler une place à un festivalier, se grimer en tapis rouge et ramper jusqu’en haut des 24 marches sans bousculer Thierry Frémaux… Certains ne s’inquiètent pas, ils ont déjà leur ticket, chez eux : mais peuvent-ils vraiment faire confiance en leurs colocataires ? Mardi 21 mai 2019 sera une journée difficile et cruelle : je prends l’option pour éviter toute frustration en me consacrant aux sections parallèles jusqu’au début d’après-midi.

Le dernier film de la compétition de la Semaine de la Critique nous conduit au Guatemala avec Nuestras Madres de Cesar Diaz. Alors que le pays se lance dans le procès des militaires ayant conduit à la guerre civile dans les années 80, Ernesto (Armando Espitia), jeune anthropologue, pense être sur la piste de son père disparu, membre des guérilleros, alors qu’il doit fouiller une fosse commune où le mari d’une indienne pourrait reposer. Porté sur le passé douloureux du pays, Nuestras Madres joue sur l’émotion du deuil avec finesse, avec des acteurs profondément touchant, tout en gardant un dispositif très simple. Un pansage de plaies court et délicat.

En début d’après-midi, estimant n’avoir aucune chance de voir le film de Quentin Tarantino en salle Debussy, je me rends en salle Bunuel pour la première projection de courts métrages de la Cinéfondation. Nous découvrons quatre œuvres très réussies, Ambience où deux jeunes de Bethlehem doivent associer leurs rêves de musique avec le bruit omniprésent de leur quartier populaire, As up to now et son touchant regard sur la fatalité, Solar Plexus un court métrage en stop motion utilisant plusieurs méthodes d’animation pour évoquer la perte de la mère, et enfin le très beau La véritable fausse histoire du pêcheur Clémente, qui regarde le sort d’un migrant décédé en mer avec un devoir de respect lumineux. Une belle séance, qui me permet d’échanger quelques mots à son issue avec la présidente du jury Court métrage et Cinéfondation, Claires Denis, et la membre du jury Stacy Martin.

Depuis la terrasse HP, je constate le monde exceptionnel en file – et dont les plus prioritaires rentrent déjà depuis quelques minutes – pour la salle Debussy où se déroule la première projection de Once upon a time in Hollywood. Aux alentours, des dizaines de festivaliers en quête de place pour la séance de gala, certains avec des panneaux superbes, un autre très original avec des ballons, chacun portant le titre d’un film de l’oeuvre de Tarantino. Il n’y a rien à espérer pour moi, je regarde cette cohue et décide de tenter le tout pour le tout : retour à l’appartement pour me mettre sur mon 31 et partir en quête du saint-graal du jour, voire de tout le festival.

Ayant perdu la belle habitude de réclamer des places dans la rue depuis 2012, je suis plutôt perdu au milieu des autres en pleine recherche. Un policier vient nous demander si cela fonctionne : oui, parfois, mais il faut avoir tous les astres alignés en sa faveur ! Alors que la montée des marches débute, j’abandonne l’idée de découvrir le film en ce jour pour me diriger sur le côté du tapis, et voir, au travers de l’écran géant, ce qui se passe – avec la foule et les nombreux photographes, il est impossible de voir qui traverse le tapis rouge. Tout le gratin est là évidemment, et le temps semble long en attendant Margot Robbie, Quentin Tarantino, Leonardo DiCaprio et Brad Pitt. Les quatre parcourent la rangée des escabeaux pour signer des autographes et se laisser capturer en caméra frontale de téléphones portables. Il y a quelques applaudissements, quelques cris de joie, mais ce n’est pas l’excitation vive à laquelle je m’attendais : même avec son plus beau tapis rouge et son film le plus attendu, le Festival de Cannes 2019 peine à sortir de sa torpeur. L’équipe nous salue au sommet des marches et nous évacuons le secteur pour débriefer autour d’un verre de vin en terrasse presse. Certains ont attendu en vain 3H en Debussy, puis 2H en Bazin : quand on a les badges les plus faibles, les plus grandes attentes riment avec déconvenues pour les premières projections.

Film très attendu aussi, le nouveau long métrage de Bong Joon-ho marque la fin de journée en salle Debussy. Je craignais qu’il soit difficile d’accéder à la salle mais il y a probablement des festivaliers déjà partis, et des journalistes chanceux en train de rédiger leur papier sur le film de Tarantino. On ne va pas se plaindre pouvoir découvrir le film dans de bonnes conditions, au sommet du balcon mais au centre.
Comme il l’a été demandé par l’équipe du film, mon avis sur Parasite ne dépassera pas la première demi-heure du film, pour ne rien révéler de ce drame lorgnant du côté du thriller. C’est une satire de la lutte des classes détonante, grinçante, énergique, touchée par une force comique mais qui n’est qu’un voile face à une situation sociale profondément dramatique. Le concept : une famille pauvre, vivant dans un vrai taudis sous-terre, cherche à se faire employer par les Park, une famille opulente. C’est d’abord le fils qui se glisse dans cette maison pour donner des cours particuliers d’anglais à l’adolescente de la famille, et qui recommandera sa sœur – en la faisant passer pour une simple connaissance – comme thérapeute par le dessin pour le cadet des Park. Mise en scène impressionnante, comédiens bluffants – jouant sur la notion de jeu pour notre plus grand plaisir –, message fort et cruel, Parasite bouscule nos certitudes sur les films qui seront récompensés : on imagine difficilement une œuvre aussi forte repartir sans prix, mais à ce stade, on se rend compte aussi que certains grands films n’auront rien. Cette année, les œuvres puissantes sont si nombreuses !

La soirée s’achève non pas au Petit Majestic mais dans un lieu fantastique pour tout amateur de rhum : Coco Loco, 4 rue des frères Pradignac. Un vaste choix de rhum avec un bar qui nous transporte jusqu’aux îles, avec des tôlières d’une grande sympathie. A voir, et à boire !

Aujourd’hui, mercredi 22 mai, on a réussi à découvrir le Tarantino. Mais cette affaire sera pour le prochain article !

Article rédigé par Dom

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