Critique : Sans un bruit

Plus connu comme acteur que réalisateur, John Krasinski signe avec Sans un bruit, son troisième long métrage, un film d’horreur au concept original bien que bancal. Dans un univers post apocalyptique, le son est devenu le plus grand danger mortel pour l’homme. Une critique de film à lire dans le calme le plus complet !

Silence de survie

Dans un futur proche, la population mondiale a été décimée par des créatures sanguinaires et aveugles, se fiant à une ouïe particulièrement développée pour localiser leurs proies. Nous découvrons la famille Abbott près de trois mois après le carnage. La règle d’or pour survivre, être le plus silencieux possible. Ainsi, il y aura peu de dialogues dans le film, les acteurs communiquant principalement avec le langage des signes ou en chuchotant dans la plus grande retenue. Traversant une ville désertée, les Abbott récupère ce qu’ils peuvent avant de regagner leur ferme. Mais le plus jeune de la famille, le petit Beau, avec la complicité de sa sœur sourde Regan (Millicent Simmonds), enclenche un bruyant jouet sur leur route. L’enfant est déchiqueté devant les siens, impuissants. Un an plus tard, le poids du deuil semble encore présent. Regan pense avoir perdu l’amour de ses parents, Evelyn (Emily Blunt) attend un nouvel enfant, et Lee (John Krasinski) inculque à leur autre fils, Marcus (Noah Jupe), les règles élémentaires pour survivre, devenir un jour chef de la famille. Se reposant énormément sur la bande originale de Marco Beltrami, hélas peu inspiré sur la première partie du film, Sans un bruit répond à notre société de plus en plus bruyante en la condamnant au silence absolu. Le film s’oppose aussi à ces films contemporains où la bande originale et/ou toute la piste audio ne sont plus que vacarme et chaos auditif. Il y a dans ce long métrage un véritable retour aux valeurs essentielles, un art de la débrouille et, dans un sens, un mode de vie anticapitaliste et écologique. Mais c’est sur la famille et le rôle de tout un chacun en son cœur que Krasinski concentre les thématiques de son film.

Le problème auquel se heurte Sans un bruit repose dans son concept même, où la condition de traque des créatures manque cruellement de logique pour convaincre tout au long du film. Deux exemples simples : un bris de verre ou un cri peut amener une de ces terribles créatures à débarquer depuis des kilomètres dans la recherche dans sa proie, mais cette dernière peut être détournée de sa cible par un son produit aux alentours. Dès lors, il semble facile de tenir à l’écart ces monstres réputés pour être increvables. Pire encore, si l’une d’elle provoque un vacarme infernal dans sa chasse, les sons émis à ce moment là n’alertent pas les autres créatures du secteur. Comment pourraient-elles distinguer des sons produits par des êtres humains des mêmes sons produits par les membres de leur espèce ? Le film se montre truffé d’incohérences et de facilités scénaristiques qui entravent le plaisir et le suspense d’une œuvre à la réalisation soignée, où la tension est à son maximum en présence des ignobles et mortelles créatures. Il y a une véritable atmosphère dans ce film qui met en lumière aussi le handicap avec Millicent Simmonds, jeune comédienne sourde découverte dans Le Musée des merveilles de Todd Haynes. Dans un univers où le son régule la vie et la mort, l’incapacité à entendre les sons que l’on peut produire devient un problème capital.

Mais du handicap, John Krasinski en tirera brillamment une force. Son film post apocalyptique place aussi la femme en avant en situation critique, comme si, dans cette redistribution des cartes à l’échelle sociale, les plus écrasées par la société ayant disparu trouvent non pas une façon de se venger mais de s’affirmer, de prendre le dessus dans une situation désespérée. L’espoir est d’ailleurs le moteur du film : comment pourrait-on prendre le risque d’enfanter dans un tel cadre sans croire en un nouveau monde ? Sans un bruit est une œuvre horrifique faite avec le cœur et exposant un bon fond. Avec ses acteurs impeccables et son atmosphère angoissante, ce film de survie conceptuel aurait pu gagner le rang des grands films de genre si seulement son scénario s’était épargné de regrettables bévues. Les fanas d’horreur auront leur dose d’émotions fortes, mais certains resteront à l’écart de cet univers à la cohérence limitée.

3 étoiles

 

Sans un bruit

Film américain
Réalisateur : John Krasinski
Avec : Emily Blunt, John Krasinski, Millicent Simmonds, Noah Jupe, Cade Woodward
Titre original : A quiet place
Scénario de : Bryan Woods, Scott Beck, John Krasinski
Durée : 90 min
Genre : Horreur, Drame, Science-fiction
Date de sortie en France : 20 juin 2018
Distributeur : Paramount Pictures France

Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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