Critique : Knight of Cups

Terrence Malick revient avec une nouvelle œuvre seulement deux ans après le décevant A la merveille. Si le style narratif est similaire, le réalisateur de La Ligne Rouge et The Tree of Life livre avec Knight of Cups un film bien plus marquant, avec toujours autant de poésie et de grâce dans sa mise en scène.

Chevalier errant

Le nouveau Malick a l’esprit d’un conte oriental, non seulement par les prémices évoquant un prince d’Orient à la recherche d’une perle mais aussi la musique de Wojciech Kilar, son « Exodus » irriguant Knight of Cups comme un vestige entêtant. Rick (Christian Bale), scénariste basé à Los Angeles, s’apprête à signer pour un projet qui lui assurera de beaux jours. Mais l’idée ne semble pas lui plaire, Rick traverse le quotidien comme une âme perdue. Entre les tensions et mystères familiaux avec son frère Barry (Wes Bentley) et leur père, les femmes de sa vie (Imogen Poots, Cate Blanchett, Natalie Portman, …), et son ascension professionnelle, Rick semble avoir perdu de vue sa propre quête, sa recherche de la perle, amour véritable ou renouement avec une vie plus spirituelle, à l’opposé des grandes fêtes du show business. Rick, un personnage mutique, dont la parole ne s’écoule quasiment qu’au travers de la voix-off, procédé qui déplace aussi des dialogues pour que les acteurs s’expriment uniquement par la gestuelle, comme ces nombreux moments entre Rick et son épouse Nancy (Cate Blanchett). Comme il nous a habitué désormais avec son chef opérateur Emmanuel Lubezki, Terrence Malick filme ses comédiens dans un mouvement d’une grâce épatante, les poussant eux-mêmes à rejoindre une dynamique parfois proche de la danse. Les courtes focales déforment les contours, confinent au rêve éveillé tandis que l’utilisation de petites caméras GoPro pour certains plans provoquent une scission inattendue dans l’esthétique léchée de ce long métrage. Certains collages, concentrés au début du film, peuvent même convoquer Godard avec ses sources multiples notamment dans Film Socialisme.

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Pour le tournage de ce film, Terrence Malick s’est éloigné de l’objet scénario, n’offrant à Christian Bale que des indications sur son personnage. L’acteur, qui ne recevait pas de lignes de dialogue de la part du metteur en scène, s’appuyait sur les dialogues écrit au fur et à mesure des autres personnages pour se préparer et continuer à construire sa figure mélancolique. Le choix du charismatique Christian Bale, déjà au casting du film Le Nouveau Monde, fait un étrange écho avec la trilogie des Batman de Christopher Nolan, du héros tourmenté de Gotham City, Bale passe du Dark Knight au Knight of Cups, le Chevalier de Coupes, carte de tarot définissant le protagoniste de cette quête mystique, fragmentée en chapitres représentants des cartes. Par sa démarche narrative et sa mise en scène, Malick se distingue encore de tout standard pour composer une œuvre d’une grande liberté, que l’on parcoure bercé par la musique et les images d’une beauté rare. On n’y retrouve pas les grandes envolées musicales de The Tree of life, car le film joue sur une constante dans une zone entre l’attente et le souvenir, l’envie d’un renouveau qui plonge Rick dans l’incertitude, détaché des vanités du monde du cinéma qui lui ouvre ses portes. Dans une certaine mesure, Knight of Cups ressemble à l’antichambre malickienne de La Grande Bellezza, travaillant en parallèle la critique d’un milieu coupé du réel avec une matière sentimentale et nostalgique.

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Si l’être humain est un ange tombé en disgrâce, comment retrouver la voie (ou la voix) originelle dans un univers qui a établi de tristes standards de réussite ? Terrence Malick n’a pas la prétention de répondre à cette problématique, le réalisateur nous montre seulement un point de départ avec un geste magnifique, voguant sur un océan d’amours et de questionnements avec un savoir-faire unique et envoûtant. Un film modestement éblouissant.

4 étoiles

 

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Knight of Cups

Film américain
Réalisateur : Terrence Malick
Avec : Christian Bale, Cate Blanchett, Wes Bentley, Jason Clarke, Imogen Poots, Natalie Portman, Antonio Banderas, Teresa Palmer, Isabel Lucas
Scénario de :
Durée : 118 min
Genre : Drame
Date de sortie en France : 25 novembre 2015
Distributeur : Metropolitan FilmExport

Bande Annonce (VO) :

Article rédigé par Dom

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2 commentaires

  1. Bravo Dom. Point de vue passionné et passionnant! J’ai hâte!

  2. Et j’ai hâte de le revoir… nous y voilà enfin !

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