Critique : Hacker

Six années séparent Public Enemies de Hacker, six longues années pour aboutir au plus grand échec au box-office de Michael Mann. Pourtant, le réalisateur de Heat livre un nouveau thriller abouti, qui explore l’univers du piratage informatique en lui donnant une impressionnante dimension physique.

Criminalité 2.0

Peut-être que l’essence du cinéma d’action réside dans cette approche : ce ne sont pas des personnages qui doivent lancer le film mais un acte, et ce sont ses conséquences qui appelleront les différents protagonistes. A Hong Kong, un incident nucléaire a lieu suite à un acte de piratage informatique. Dès cette ouverture, Hacker montre sa volonté de donner une dimension physique à cette nouvelle forme de criminalité et au monde informatique bien souvent caricaturé par le cinéma, par manque de recherches sur le sujet ou bien tout simplement une vision erronée des réalisateurs. D’un écran de contrôle au sein de l’enceinte de la centrale à la touche « Enter » du clavier du pirate peuvent s’aligner des milliers de kilomètres, parcourus à l’échelle microscopique au cœur des systèmes informatiques. L’acte initial, ayant ciblé la Chine et les Etats-Unis contraint les deux gouvernements à collaborer afin de mettre la main sur l’homme vaguement aperçu au moment de l’attaque. Le capitaine Dawai Chen (Leehom Wang) fait appel à sa sœur Lien Chen (Wei Tang), spécialiste en réseaux, mais un seul individu peut permettre à l’enquête de progresser, Nick Hathaway, un pirate américain emprisonné et dont un logiciel espion a été repris pour l’attaque. L’accord négocié est simple : s’il retrouve le pirate, Nick ne retrouvera pas les barreaux de sa cellule. Joué par Chris Hemsworth, qui prouve sa légitimité en dehors d’un blockbuster, Nick brise l’image stéréotypée du geek à lunettes. Ici, le virtuose de l’informatique est un homme au physique imposant, confiant et pugnace. Epaulé et suivi par le FBI – belle présence de Viola Davis –, le trio ira des Etats-Unis jusqu’à Jakarta, en passant par Hong Kong.

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Pour Hacker, un véritable travail de documentation a été entrepris en amont de l’écriture du scénario par Morgan Davis Foehl – inconnu au bataillon à ce registre –, pour mener à ce récit dont certaines lignes s’inspirent de faits réels, notamment le piratage d’une usine d’enrichissement en uranium en Iran. La représentation du piratage informatique, sans entrer dans des détails trop ésotériques, n’a rarement été aussi réaliste, bien qu’il subsiste encore des détails prêtant à sourire – comme l’envoi de messages entre Nick et le pirate déclenchant des sons qui pourraient sortir de Skype. Prenant, Hacker hérite directement de Miami Vice en tout point, de l’esthétique à la narration où se retrouvent certains motifs. L’urgence et l’hyperréalisme numérique animent toujours Michael Mann qui parvient à sublimer l’emploi de la shakycam dans certaines séquences de poursuite. La matière même de l’image devient instable, emportée par le rythme des personnages. Et peut-être que c’est le rythme qui explique l’échec du film, loin des structures des thrillers d’action cartonnant au box-office avec Liam Neeson ou Jason Statham – étonnant que les deux comédiens n’aient toujours pas été réunis pour un carton d’anthologie.

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L’enquête évolue en ramenant les données informatiques vers le tangible, d’une adresse IP à une location géographique. Il y a toujours cette idée de pont entre le monde virtuel et le monde réel, qui donne une autre dimension au crime. Les braquages dans Public Enemies ou Le Solitaire ont désormais pris une envergure plus vaste et insidieuse car dématérialisée. Nick, Lien et Dawai remontent une piste du virtuel vers le réel comme Benjamin Willard remontait un fleuve dans Apocalypse Now à la recherche de Kurtz. Le dernier acte, brillant par sa mise en scène, parachève parfaitement cette enquête au cœur d’un terrorisme nouveau et sous-représenté au cinéma. Il faut aussi ajouter aux qualités de Hacker ce qui fait aussi la réputation du cinéma de Michael Mann : des affrontements à mains armées au réalisme saisissant, une capacité à capturer la beauté électrique qu’une ville peut offrir au beau milieu de la nuit et un fil romantique épousant parfaitement la trajectoire des événements. Boudée aujourd’hui, voilà une œuvre qui sera sans doute réévaluée dans quelques années.

3.5 étoiles

 

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Hacker

Film américain
Réalisateur : Michael Mann
Avec : Chris Hemsworth, Leehom Wang, Wei Tang, Viola Davis, Holt McCallany, Ritchie Coster, Yorick van Wageningen
Titre original : Blackhat
Scénario de :
Durée : 133 min
Genre : Thriller, Action, Drame
Date de sortie en France : 18 mars 2015
Distributeur : Universal Pictures International France

Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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3 commentaires

  1. Voilà qui donne envie!

  2. Bonsoir, je viens d’aller voir ce film cet après-midi et j’ai vraiment beaucoup aimé. C’est un très bon Michael Mann (je l’ai préféré à Public Enemies). Très bonne qualité d’écriture et on est tenu en haleine jusqu’au bout.

  3. Bonjour Dasola.
    Ah oui, Public Enemies m’avait fortement déçu à l’époque… mais il faudrait que je lui redonne une chance toutefois – j’aime bien revoir un film que je n’ai pas apprécié quelques années après.

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