Vendu comme un cousin de Drive, Night Call, premier film réalisé par Dan Gilroy, porte plutôt comme références Sydney Lumet et Martin Scorsese. Un thriller prenant, avec un Jake Gyllenhaal absolument parfait en sociopathe.
Profession racoleur
Pour de nombreux cinéphiles, Night Call évoque le titre d’une chanson de Kavinsky qui accompagne magnifiquement le générique de Drive de Nicolas Winding Refn. Désormais, c’est probablement le visage d’un Jake Gyllenhaal amaigri qui viendra à l’esprit, sociopathe cherchant à gagner sa croûte comme il le peut dans la tentaculaire Los Angeles. Un soir, après un vol sur un gardien de nuit qu’il a agressé, la révélation tombe face à un accident de la route : des cadreurs vendent des images chocs aux chaînes d’informations locales. Louis Bloom – Jake Gyllenhaal, donc – s’équipe d’une petite caméra et part en quête d’image d’agressions et d’accidents, avec pour ligne directrice, des drames pouvant toucher le plus de téléspectacteurs, à savoir l’américain blanc de classe moyenne ou huppé. Si Dan Gilroy (scénariste de Jason Bourne : l’héritage et co-scénariste de The Fall) réalise seulement son premier long métrage, il porte en lui l’héritage esthétique d’un Michael Mann, donnant à la ville une place de choix et montrant une mise en scène déjà pleine d’assurance. La photographie de Robert Elswit, fidèle collaborateur de Paul Thomas Anderson oscarisé pour There Will Be Blood compose une image où pénombre et lueurs de la ville jouent à se pourchasser au coeur des plans. Ce sont d’ailleurs sur des plans nocturnes de divers quartiers de Los Angeles que débute cette chasse qui oubliera sur le bas-côté toute notion d’éthique et de déontologie.
Face à Nina (Rene Russo), une directrice d’information vieillissante, avide d’images capable de faire grimper l’audimat et donc d’assurer son avenir, Lou ne va pas hésiter à mettre en danger ses concurrents mais surtout de mettre en scène les accidents lorsqu’il est le premier sur les lieux. Non pas qu’il commet des crimes, mais il se retrouve à modifier des scènes de crime ou d’accidents afin d’obtenir de meilleures images. Plus cinématographiques. Dans sa quête d’efficacité, il recrute un copilote, Rick (Riz Ahmed, aussi excellent que Gyllenhaal), fragile d’esprit qu’il domine alors facilement par sa rhétorique, travaillée grâce à internet. Lou est en quelque sorte un sociopathe 2.0, dont le savoir procède de wikipedia et tutoriels dénichés sur youtube et compagnie. Gyllenhaal fait de son personnage un temps repoussant une personne fascinante tant son déraillement lui confère une véritable force d’action, notamment dans ses bras de fer avec Nina pour qu’elle lui accorde ses faveurs. Descendant d’un Rupert Pupkin vu dans La Valse des Pantins, Lou évolue dans un univers qui prouve qu’aucune leçon n’a été retenue du Network de Sydney Lumet. Le reproche principal que l’on pourrait faire à ce thriller est son manque de crédibilité dans certaines situations, surtout avec les forces de police. Difficile toutefois de bouder le vilain plaisir procuré par ce film au cynisme de vautour, dans un monde où le reportage n’est plus que racolage.
Night Call
Film américain
Réalisateur : Dan Gilroy
Avec : Jake Gyllenhaal, Rene Russo, Riz Ahmed, Bill Paxton
Titre original : Night crawler
Scénario de : Dan Gilroy
Durée : 117 min
Genre : Thriller, Drame
Date de sortie en France : 26 novembre 2014
Distributeur : Paramount Pictures France
Bande Annonce (VOST) :
Tout à fait d’accord pour La valse des pantins. Ce type m’a fait penser à Rupert Pupkin pendant tout le film, en plus flippant encore.