[Cannes 2014] #01 Bras de fer

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Lancement des festivités cannoises avec le premier tour des premières plages, la conférence de presse du jury et deux films où se déroulent un bras de fer : Grace de Monaco, qui oppose la principauté avec la France et Timbuktu, où la population de la ville malienne fait face aux djihadistes.

Grace de Monaco se déroule dans une douloureuse période de transition pour Grace Kelly, désormais princesse, l’actrice ne peut guère regagner le grand écran alors que Monaco est menacée par la France, exaspérée par l’exil fiscal de ses sociétés. C’est Nicole Kidman qui joue l’actrice disparue de façon tragique, mais jamais le mythe Grace Kelly n’est recréé à l’écran. Malgré les coiffures, la gestuelle, l’intonation de la voix, Nicole Kidman reste toujours Nicole Kidman. Une problématique récurrente pour ces œuvres comme My week with Marilyn où il est difficile – voire impossible – pour une comédienne de se glisser dans la peau d’une icône. Pourtant, le film d’Olivier Dahan parvient à susciter un certain intérêt en abordant les enjeux politiques et économiques du début des années 1960 pour le royaume monégasque. Charles de Gaulle veut imposer au Prince Rainier (Tim Roth) de taxer les sociétés en exil et de reverser l’argent à l’état français. Une bataille débute alors entre les deux hommes alors que l’entourage de la royauté abrite des traîtres : Grace Kelly avait reçu une proposition d’Alfred Hitchcok pour jouer dans Pas de printemps pour Marnie, un retour au cinéma qu’elle attendait mais dont l’annonce publique devant être retardée, contexte politique oblige, fut divulguée à la presse.
_01_monacoSi certains dilemmes pour Grace passionnent, le film se caractérise principalement par sa platitude et son caractère sirupeux. Bien que la mise en scène recherche de l’amplitude avec des plans-séquences au steadicam, Grace de Monaco se limite à une classe qui de pacotille, désincarnée. Même lorsque l’ancienne actrice se voit guidée vers son rôle de princesse comme son ultime défi de comédienne ou qu’elle se lance dans une déclaration salvatrice lors d’un bal de charité, l’émotion peine à surgir, étouffée dans une œuvre qui ne parvient pas à donner vie à son sujet, entre film historique et biopic. Suite à cette première projection presse en salle Debussy, le générique du film reçoit quelques sifflets mais aussi quelques applaudissements. La déception est palpable dans l’air.

Après un passage éclair à la plage Nikki Beach et un court échange avec des collègues du Passeur Critique, retour au palais pour tenter d’accéder à la conférence de presse du jury. Je me retrouve dans la foule puisque l’équipe du film Grace de Monaco quitte les lieux et je croise le sourire radieux de Nicole Kidman. Après de grands doutes à cause de la faible priorité de mon badge, je réussis à pénétrer pour la première fois dans la salle où se tiennent toutes les conférences de presse au cours du festival :

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Pour résumer cette conférence en quelques déclarations clés, Jane Campion a annoncé qu’elle n’imposerait aucune philosophie aux membres du jurys quant à l’appréciation des films qu’ils découvriront. Elle compte sur les trois réunions qu’ils auront ensemble pour échanger sur les différentes œuvres. De son côté, Carole Bouquet ajoute qu’ils ne regarderont aucun commentaire de la presse durant cette quinzaine afin de ne recevoir aucune influence ; un peu plus tard, Gael Garcia Bernal précisera qu’il aime sa position de juré qui le protège de toute interview et fait de lui un spectateur lambda.

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Le danois Nicolas Winding Refn confie qu’il s’agit d’un rôle délicat puisqu’ils vont juger le travail de collègues et que les films sont avant tout des expériences émotionnelles qui ne sont pas vouées à la compétition. Il leur faudra aborder les qualités des films sous différentes perspectives en dépassant parfois leurs propres goûts. Leila Hatami précise que, malgré son origine, ce n’est pas l’aspect politique d’une œuvre qui entrera en compte en premier dans son jugement. A la fin de la conférence, un journaliste demande si Nicolas Winding Refn a vu le film de Ryan Gosling, Lost River. Ce dernier répond qu’il a confiance en Gosling et qu’il aura la chance de découvrir le film comme nous, lors de sa projection cannoise. Une belle séance de gala à venir en somme ! Une demie-heure s’est écoulée lorsque s’achève cette conférence surréaliste où tant de grands noms du cinéma d’horizons différents se trouvèrent réunis devant nous – une union qui durera jusqu’à la clôture des festivités.

A 16h, la Plage Magnum ouvrait ses portes pour la deuxième année consécutive. Mieux adaptée pour les soirées, son bar à glaces se retrouve à l’opposée d’une véritable scène qui permettra aux festivaliers de profiter pleinement des concerts qui s’y dérouleront. Rapide tour de ce lieu de gourmandise en quelques clichés :

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Alors que s’apprêtait à débuter la première montée des marches et la fameuse soirée d’ouverture, suivie de la projection de Grace de Monaco, la presse pouvait découvrir le premier film de la compétition officielle en salle Debussy sur les coups de 19h : Timbuktu d’Abderrahmane Sissako. Le film se déroule au Mali, dans la ville de Tombouctou où la population fait face à l’arrivée du djihad.

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Véritable état des lieux sur une situation aussi délicate que méconnue, Timbuktu surprend par son approche du terrorisme qui joue d’abord la carte de l’humour sans tomber dans la dérision. Cela tient en plusieurs points, dont le langage : on parle arabe, touareg, français, anglais, si bien que les dialogues sans intermédiaires sont rares et créent parfois des situations cocasses, même face au drame – notamment lorsqu’une patrouille tombe sur le corps d’un pêcheur mort. Il y a aussi ces conversations délirantes sur le football ou bien l’échec du tournage d’une vidéo d’une jeune homme embrigadé, qui manque de conviction pour s’exprimer en bon djihadiste. Le film d’Abderrahmane Sissako se montre engagé et intelligent, avec une mise en scène sereine qui offre quelques scènes lumineuses, comme lorsque des adolescents jouent au football sans ballon, ce sport leur étant interdit par les extrémistes, mais surtout des scènes bouleversantes, comme cette femme qui reçoit des coups de fouet pour avoir chanté, qui plus est en présence d’hommes. Fissurée, c’est l’état de cette ville comme le clame une femme dans une plainte face aux djihadistes qui appliquent aveuglément – et parfois bêtement – la loi de Dieu, sans chercher à la comprendre et surtout sans considérer les faiblesses de l’homme. Tombouctou, ville où la liberté a été chassée, où toute expression artistique est interdite – dans l’une des premières scènes du film, les miliciens s’entraînent au tir sur des idoles africaines –, où la population doit s’agenouiller face à des étrangers venus les molester impunément. Braver ces interdits pour vivre, c’est courir le risque d’être lapidé. Quelle issue pour une situation aussi désastreuse ? A cette question, Abderrahmane Sissako n’a aucun élément de réponse à présenter mais l’essentiel est fait, offrir au monde entier un regard incroyable sur cette population sous le joug d’une tyrannie qui se cache derrière des écrits religieux.

Suite à cette œuvre forte, rapide discussion avec des camarades de Vodkaster et Accreds avant de regagner en vitesse nos quartiers, poussés par d’importunes gouttes de pluie. La soirée aura donc été studieuse pour mieux plonger dans les festivités par la suite. Demain matin, première séance à 8:30 avec FLA (Faire : l’amour) de Djinn Carrénard, film d’ouverture de la Semaine de la Critique.

Article rédigé par Dom

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