[Cannes 2014] #02 Ouverture des vannes

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Grande journée des ouvertures : Un Certain regard, la Quinzaine des réalisateurs et la Semaine de la critique lancent aussi leurs festivités. Trois films en ce jour, Fla, Mr. Turner et Bandes de fille mais aussi la découverte de la boulangerie bleue pour son inauguration. Photos ci-dessus, l’hommage à Alain Resnais lors de la remise du Carrosse d’Or.

D’attaque dès 8h30 pour la première projection de Fla en Semaine de la Critique. Second film de Djinn Carrenard, qui avait marqué les esprits avec son cinéma guerilla pour Donoma, Fla suit le quotidien d’un jeune rappeur qui va perdre l’ouïe alors que sa petite amie le force à combattre sa plus grande peur, aller à la mer. Toujours dans la veine de son premier film, Carrenard ne se soucie que très peu de la lumière, ce qui l’intéresse, c’est l’émotion qu’il peut obtenir des comédiens qu’il cadre sauvagement, ne se préoccupant que très peu souvent des qualités esthétiques de son image. Pourtant, le style évolue avec l’utilisation de filtres et de vignettes et de véritables envolées poétiques, en musique, qui viennent oxygéner un récit habité par des disputes. Son jeune rappeur, Oussmane (Azu), se met en couple avec Laure (Laurette Lalande) qui est tombée enceinte par manque de précaution, suite à une relation d’un soir. Elle voulait avorter, lui, par une belle déclaration, la pousse à garder l’enfant et construire une relation. La signature d’un contrat avec un jeune producteur ainsi que l’accident à la mer vont conduire Oussmane à s’éloigner de son but malgré les slams qu’il produit en se basant sur son quotidien et l’apparition de la sœur de Laure qui fera basculer les enjeux sentimentaux du film.

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Si l’amorce intrigue, la partie centrale se voit plombée par les nombreux et longs conflits entre les protagonistes, toujours dans un rapport d’agressivité, comme si toute forme de communication ne pouvait que passer par l’affrontement oral. Un fait qui pèse lourd dans les deux heures et quarante-cinq minutes de film, sauvées par une dernière partie remarquablement belle où l’on voit apparaitre Saul Williams. Une œuvre curieuse, au potentielle certain, mais qui pourrait gagner en intensité en repassant par la salle de montage.

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Grâce à l’aide précieuse de Greg du passeur critique, l’après-midi a débuté au Grand Théâtre Lumière pour la projection du film de Mike Leigh, Mr. Turner, biopic du peintre J.M.W. Turner qui se voit campé par un excellent Timothy Spall – premier prétendant au Prix d’interprétation masculine. D’emblée, ce sont les qualités picturales du film qui impressionnent, un fait hors du commun pour le réalisateur britannique et son chef opérateur Dick Pope. Chaque plan est un tableau vivant remarquable par ses couleurs, sa maîtrise de la lumière. Il est pourtant difficile d’entrer dans ce film particulièrement austère : le spectateur entre dans la vie du peintre sans qu’aucune clé ne lui soit donnée. Une austérité et un caractère peu aimable qui reflètent quelque peu ce peintre de génie, naufragé dans l’âme qui se dédiait à rendre son art d’autant plus grand, à vouloir capturer l’éphémère, l’insaisissable, des simples levers et couchers de soleil aux vapeurs de fumée des locomotives. Lorsque l’on commence à saisir ce qui habite ce personnage qui vécut et travailla avec son père jusqu’au décès de ce dernier, Mr. Turner se transforme en fascinant portrait d’un artiste touchant malgré ses travers – il était père de plusieurs enfants dont il ne s’occupait absolument pas et entretenait d’étranges relations avec les femmes. Biopic exigeant et assez audacieux dans son rejet des conventions du genre, le long métrage de Mike Leigh est un bel hommage à cet artiste qui vit d’un œil suspicieux les débuts de la photographie, potentielle menace à son art dont il conserva toujours la noblesse face à des aristocrates ne voyant dans ce dernier qu’un moyen de jouissance individuelle.

Avant la cérémonie d’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs, la Boulangerie bleue ouvrait ses portes sur la croisette, face au Grand hotel. Espace cosy réunissant le monde de la boulangerie à celui des cocktails à base de vodka Grey Goose, cet espace central ouvert jusqu’à 1h sera probablement l’un des meilleurs lieux de rencontre et de détente du 67e Festival de Cannes. Photos :

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A quelques pas de la Boulangerie Bleue, la Quinzaine allait déclarer ouverte sa 46ème édition au J.W. Marriott. La cérémonie débuta par la remise du Carrosse d’Or à Alain Resnais, disparu il y a quelques semaines avant la sortie de son ultime film, Aimer, boire et chanter.

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Sabine Azéma et André Dussollier étaient notamment présents pour un hommage qui débuta par de belles déclarations de Katell Quillévéré et Christophe Ruggia pour s’achever sur un émouvant montage des films d’Alain Resnais par Luc Lagier. Alors qu’Edouard Waintrop allait inviter sur scène Céline Sciamma et ses quatre comédiennes, des intermittents du spectacles sont intervenus pour exprimer leur colère face aux réformes menaçant leur statut et rappeler aux cinéastes leur rôle primordial dans la réalisation des films qui sont amenés à être projetés à Cannes. Une déclaration qui se conclut sur un militant « Nous vaincrons. »

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Dans Bande de filles, Céline Sciamma continue d’explorer l’adolescence. De plus en plus, la cinéaste creuse du côté des minorités puisque cette fois-ci, elle suit le quotidien d’une adolescente noire vivant dans une cité de la banlieue parisienne. Marieme – Karidja Touré, au visage superbement caressé par le tourment – est aux confluents de nombreux choix cruciaux et d’autant de problèmes : mauvaise élève, elle souhaite tripler sa troisième alors que le collège veut la diriger vers un CAP. Chez elle, une mère absente, trop occupée à faire des ménages et deux sœurs cadettes à surveiller. Au-dessus, un grand frère menaçant. Sur le palier, une histoire de cœur que le frère voit d’un mauvais œil. C’est ainsi que Marieme va rejoindre une bande de trois filles qui ne se laissent pas marcher sur les pieds, adoptant les tics des meutes masculines pour mieux survivre dans un univers où les hommes les écrasent et les jugent. Dans la première partie du film, proche du rite initiatique où l’esprit de camaraderie est terni par la violence et les errances, Bande de filles observe sans chercher à décrypter les comportements. Intéressant et plutôt bien joué, le film manque pourtant d’un ingrédient pour captiver comme La Naissance des pieuvres. On retrouve pourtant un sens de la mise en scène développé, un chapitrage judicieux des différentes étapes de l’été particulier de cette adolescente qui épousera ce monde à la dominance masculine en empruntant la mauvaise pente. Plus cruel et plus grave que ses précédentes œuvres, le film n’en reste pas moins habité par des moments lumineux qui surgissent sur la route de chaque adolescent construisant leur destin tant bien que mal. Un film imparfait mais d’une sincérité et d’une initiative remarquables.

Le soir, retour à la Boulangerie bleue pour déguster d’autres cocktails en compagnie de camarades blogueurs. Sur la croisette, les tenues de soirées ont presque effacées la présence des touristes. Côté plage, on s’agglutine devant le peu de lieux où se déroulent des fêtes privées, notamment la soirée du film Party Girl et celle de Bandes de fille. Ailleurs, Naomi Watts et Rooney Mara se montrent à la soirée Calvin Klein. Suffit-il de porter des chaussettes estampillées « CK » pour y entrer ? Le mystère restera entier…
Suite des aventures cannoises avec les films de Mathieu Amalric et Nuri Bilge Ceylan le 16 mai.

Article rédigé par Dom

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