[Critique] Insidious (James Wan)

Lorsque le duo à l’origine de Saw reçoit le feu vert des producteurs de Paranormal Activity pour réaliser un film d’horreur avec la plus grande liberté artistique, cela donne une virée en train fantôme baptisée Insidious. Décidés à provoquer une peur mémorable aux spectateurs, James Wan et Leigh Whannell concoctent un film bancal mais qui ne manque pas de charme.

Frayeur, es-tu là ?

Serait-ce le fantôme de Stanley Kubrick qui taraude les créateurs d’Insidious ? La première séquence du film devrait être regardée les yeux fermés pour être transporté illico à l’Overlook Hotel, tant l’enveloppe musicale, aux violons farouches, se positionne dans le prolongement des musiques oppressantes de Shining. Mais l’exposition, laborieuse, laisse présager le pire : les Lambert emménagent dans une belle demeure où leur fils cadet fait une chute dans le grenier, le plongeant dans un coma inexplicable pour les médecins. Sur la fibre dramatique, Insidious se révèle exécrable, un problème qui incombe plus aux créateurs du film que du couple d’acteur central, Rose Byrne (dans le rôle de Renai) et Patrick Wilson (Josh). Heureusement, les classiques phénomènes paranormaux – voix, apparitions –, propres aux films de maison hantée ne manquent pas d’instaurer une atmosphère inquiétante. Il est même rassurant de voir que la simple séquence de traversée d’un couloir obscur, dans le silence, provoque toujours la même tension, la même appréhension du monstre qui pourrait surgir à tout instant.

Tourné caméra à l’épaule, Insidious s’approche du style de cadrage des Paranormal Activity, à l’exception que le spectateur serait l’invisible caméraman de cette aventure angoissante misant trop sur le jump scare, procédé qui consiste à faire surgir une ombre furtive avec l’aide d’une détonation sonore et qui, selon la sensibilité et l’attention du spectateur, provoquera un soubresaut. Ainsi, la promesse initiale d’un film d’épouvante pure est bafouée par la multiplication des effets visant à éparpiller le pop-corn du spectateur sensible à ces méthodes de forains. Malgré cela, Insidious témoigne d’une volonté forte à proposer une expérience inédite et inquiétante. Alors qu’il est d’usage dans ce genre de récit que les protagonistes n’abandonnent pas leur domicile, malgré le décuplement des manifestations d’esprits indésirables, la petite famille américaine dépeinte ici prend la sage décision de refaire les cartons tout juste déballés, pour trouver la paix ailleurs. On penserait que le récit se recentrerait sur un cas de possession mais c’est l’inverse qui se produit : Wan et Whannell nous conduisent sur la dépossession du corps. L’esprit du petit garçon se serait égaré lors d’une projection astrale et son corps inerte est devenu la cible d’un terrible démon.

Comme s’ils ne croyaient pas tout à fait en la substance horrifique de leur récit, les cinéastes intègrent un duo digne de Laurel et Hardy pour analyser les phénomènes paranormaux. On arrive à se demander si ces deux gus ne servent pas à éponger les situations involontairement comiques qui tapissent Insidious, rappelant que la frontière entre la terreur et le ridicule est un fil ténu. C’est regrettable car une atmosphère véritablement inquiétante se développe au cours des séquences menées par Elise (Lin Shaye, terriblement convaincante), la médium, mais ces dernières sont toujours entachées de maladresses absurdes. Les deux scènes clefs du film, une séance de spiritisme et un voyage astral, perdent tout caractère angoissant lorsque les protagonistes se retrouvent nez à nez avec les fantômes et démons. Le film est alors confronté aux mêmes soucis que les maisons hantées des parcs d’attractions. Quand un type grimé bondit sur vous, la surprise et l’effroi sont éphémères, la rassurante réalité balaie ces émotions l’instant suivant puisque l’agresseur est aussi chimérique qu’inoffensif.

Alourdit par d’inutiles scènes explicatives, ce descendant de Poltergeist (film produit par Steven Spielberg dans les années 80) s’apparente à un train fantôme : bruyant et sinueux, il provoque quelques sursauts et suscite l’anxiété ça et là, malgré ses grossiers défauts de conception. Insidious manque de maturité et sa suite, déjà en préparation, pourrait être une grande réussite si ses créateurs tirent la leçon de leurs présentes erreurs.

2.5 étoiles

 

Insidious

Film américain
Réalisateur : James Wan
Avec : Patrick Wilson, Rose Byrne, Ty Simpkins, Andrew Astor, Lin Shaye, Barbara Hershey
Scénario de : Leigh Whannell
Durée : 103 mn
Genre : Epouvante, Horreur
Date de sortie en France : 15 juin 2011


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Article rédigé par Dom

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8 commentaires

  1. « Ainsi, la promesse initiale d’un film d’épouvante pure est bafouée par la multiplication des effets visant à éparpiller le pop-corn du spectateur sensible à ces méthodes de forains. » Haha.

    Perso j’en ai un peu marre des maisons hantées avec un être possédé pas loin. Doit y avoir plus de sujets que ça pour faire de l’épouvante sans tomber dans le Slasher quand même.

    En plus la dernière image, celle du démon, casse un peu le truc j’trouve. Si on le voit dans le film, c’est un peu con .. Pour moi la peur repose sur le hors champ et l’inexplicable dans le réel, alors le voir avec une calvitie et la peau grasse, voilà quoi.

    Je le regarderai. Pour Rose Byrne.

  2. « expérience inédite » il faut quand même le dire un peu vite, hein… 😉

  3. @Le Roux, disons que le film est vraiment tranché par ses défauts et ses qualités – que certains semble totalement reniées, ça tient presque du lynchage. Le démon est bel est bien visible dans le film mais je pense que ça peut-être une bonne chose selon l’approche. Ici, y a beaucoup d’erreurs commises qui confinent le film à la série B.

    @Phil, « témoigne d’une volonté forte à proposer une expérience inédite », je ne dis pas que c’est tout à fait accompli 😉

  4. Je suis un peu comme toi face à « Incidious », partagé. J’ai aussi eu la même réflexion que toi en regardant le film, l’impression d’être dans un train fantôme. Je pense que Wan est conscient du grotesque de son histoire et il en joue carrément, il se moque lui-même de son histoire. Il y a dans « Insidious » un mélange assez intéressant d’humour et d’autodérision d’une part et par ailleurs de vrais instants de frayeur qui reposent effectivement essentiellement sur l’effet de surprise et une tension musicale. Dans ce sens, Wan rend bien hommage au cinéma d’épouvante, en utilisant des ficelles assez classiques. Le problème vient surtout de la dernière partie qui bascule trop dans le ridicule et perd alors toute possibilité d’effrayer alors que ce devrait être le point d’orgue.

  5. Je ne suis pas certain que James Wan soit conscient de cela, il faudrait voir ou lire des interviews. Bon, par contre, je ne comprends pas toutes ces critiques qui le descendent sèchement, sans aucune nuance.

  6. Si il prend son sujet au sérieux, alors le film est drôle malgré lui, ce qui n’est plus vraiment une qualité 😉

  7. Insidious est un film typique d’épouvante. Je ne sais pas si on peut vraiment appeler ça une histoire, mais plus une sorte d’enchaînement d’épisode effrayant qui, à la chaîne, constitue une histoire (certes loufoque), on peut citer la chanson « Tiptoe through the tulips » de Tiny Tim qui encadre parfaitement le contexte extra-réaliste (une chanson bizarre dans un endroit bizarre, la « maison du diable » avec la porte rouge).

  8. Dans Death Sentence il y avait de l’humour très noir, quand on s’y entendait le moins!

    Insidious est un film PG13 et dans ce contexte assez difficile de faire un film vraiment effrayant.

    La premiére partie l’est ,mais la 2iéme est fait pour un peu désamorcer cela ,c’est a mon avis vraiment voulu comme l’était Poltergeist ,qui est a coup sur une des inspirations du film !

    James Wan est un réalisateur bien sous estimé,donc certains ne se gênent pas pour descendre ses films,alors qu’avec un réalisateur reconnu ils feraient tout le contraire !

    Vu le micro budget du film ,1 million et demi $,c’est une réussite dans le genre

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