Critique : Tron : l’héritage (Joseph Kosinski)

Tron L’héritage

Film américain
Réalisateur : Joseph Kosinski
Avec : Jeff Bridges, Olivia Wilde, Garrett Hedlund, Michael Sheen, Bruce Boxleitner, Beau Garrett, Cillian Murphy
Titre original : Tron : Legacy
Scénario de : Edward Kitsis, Adam Horowitz, Brian Klugman, Lee Sternthal
Directeur de la photographie : Claudio Miranda
Monteur : James Haygood
Durée : 125 mn
Genre : Science-fiction, Action
Date de sortie en France : 9 février 2011

 

 

 

 

La trame :

L’éminent programmeur Kevin Flynn est porté disparu depuis une vingtaine d’année. A la découverte de la salle d’arcade de son père, Sam Flynn se retrouve plongé dans un univers cybernétique hostile où s’affronte des programmes.

 

Bande Annonce (VOST) :

 

Critique

En 1982, tout restait à écrire. L’informatique, les téléphones portables, les jeux vidéo, internet et la flopée de gadgets technologiques qui ont envahit notre quotidien n’étaient qu’à l’état de concepts abstraits ou, dans le meilleur des cas, à leurs balbutiements. En 1982 débarquait Tron (Steven Lisberger), un long-métrage qui exploitait un univers virtuel, très novateur dans son approche de l’informatique et dans son style graphique, étant le premier film à mélanger des prises de vues réelles à des images de synthèses générées par ordinateur. Bien que criblé de défaut, la fraîcheur de ce nouveau monde inexploré ouvrait une infinité de possibilités quant à l’avenir du numérique. Dans ce film devenu culte, Jeff Bridges évoluait dans cet étrange univers en programmeur condamné à se battre pour vaincre la machine. Aujourd’hui, Bridges reprend le rôle de Kevin Flynn dans une suite à la gestation exceptionnelle : trente ans se sont écoulés.

L’ennemi numérique

Dans son appartement kubrickien – période 2001 : l’odyssée de l’espace –, le créateur médite, loin du monde qu’il a bâti, un monde dans l’attente de sa propre fin, baigné dans des ténèbres évoquant l’imminence du Jugement Dernier. L’architecture a changé, la déco a été repensée mais le monde virtuel de Tron est toujours animé par des combats de gladiateurs auxquels Sam Flynn (Garrett Hedlund) doit survivre, dans l’espoir de retrouver son père. Combats de disque et confrontation en light cycles, ces motos qui tracent un mur éphémère et mortel dans leur sillon, sont toujours au programme.
Alors que la formule reste inchangée, la technologie, elle, a fait un bond considérable. Si Tron, premier du nom, est un film visionnaire,Tron : l’héritage est dans l’air de son temps. Filmé en 3D – à l’exception de son calamiteux premier segment qui se déroule dans la réalité – grâce à une technologie proche du phénomène de box-office Avatar, le premier film de Joseph Kosinski – probablement choisi pour l’esprit malléable d’un jeune réalisateur inconnu – manque de proposer une expérience aussi immersive que le film de James Cameron. Sombre et épuré, l’univers graphique de Tron : l’héritage se prête mal au gadget pécuniaire à la mode. Le joli monde de néons semble souvent si plat et rares sont les séquences à exploiter convenablement cette technologie. Dans un sens, il y a peut-être un message caché, une subtile démonstration de la futilité de ce procédé qui rend les sorties cinéma encore plus onéreuses qu’elles ne devraient être, car derrière son histoire simple – vaincre le mal, sauver le père et ramener la fille –, le microcosme de Tron est l’écrin idéal aux récits de science-fiction passionnants et alambiqués. Il faut aller au-delà du premier plan, percer l’écran pour dégager le sous-texte véhiculé : la parenthèse du numérique doit être fermée et ses concepteurs punis. Le retour à la réalité est indispensable. Quorra (Olivia Wilde, craquante sous sa perruque à la Louise Brooks) est un personnage illustrant parfaitement ce propos : c’est un programme altruiste, qui s’intéresse à la littérature russe, aux écrits fabuleux de Jules Verne ; elle s’intéresse à la réalité des hommes, dont elle ne partage que l’apparence physique. Le constat est amer, les merveilles technologiques envisagées dans le premier épisode sont arrivées pour prendre le pouvoir sur nos vies, sur la vie.

Malgré le peu de substance dont il dispose, le charismatique Jeff Bridges, élevé au rang d’emblème – on saluera une réplique formulée par le spectre d’un certain Lebowski – , donne de la crédibilité à cette suite coincée entre l’hommage, la continuité et la nécessité d’attirer en salle le spectateur lambda qui n’aurait pas vu le premier épisode. Sous un visage rajeuni grâce à un procédé similaire à celui utilisé pour jouer avec l’âge de Brad Pitt dans Benjamin Button – et bien moins convaincant ici, à en croire qu’il s’agit pour Disney de viser la médiocrité – , Jeff Bridges joue également Clu, la création de Kevin, à son image et qui, en bon doppelgänger qui se respecte, s’est rebellé pour devenir un parfait dictateur aux méthodes expéditives.

Clu et ses sbires sont à l’origine des séquences d’action, guère plus nombreuse que dans le premier opus, dans lesquelles l’influence de Star Wars est indéniable : la confrontation en light cycle, point culminant du film en terme d’immersion et d’adrénaline, renvoie des flashbacks des courses à motos dans la forêt d’Endor et de la course de pods sur Tatooine. Tron : l’héritage est un film de conciliation et d’emprunts sur tous les fronts : même les Daft Punk, qui signent une bande originale qui sied bien à l’univers, délaissent leur style au profit de compositions à l’instrumentation classique que n’aurait pas renié Hans Zimmer.

Sans s’intéresser à la parabole qui prône le retour à la vraie vie, Tron : l’héritage propose une expérience cinématographique déficiente mais en aucun cas désagréable, pour peu qu’on ait déjà apprécié l’œuvre originelle. Et, au final, comment pourrait-on décrier un film qui s’avoue lui-même imparfait ?
Dommage qu’un troisième épisode, fortement envisagé, viendra ternir le mythe pour de bon.

3.5 étoiles

 

 

Petit bonus, trouvé il y a quelque mois via un tweet d’Olivia Wilde, le trailer de Tron : Legacy suédé et en 3D s’il vous plait. Il vous faudra porter des lunettes anaglyphes (rouge & cyan) pour vous délecter de cette fausse bande-annonce :



Bon ok, la 3D n’est pas tip-top mais c’est gratuit là !

Article rédigé par Dom

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4 commentaires

  1. Tu parles beaucoup de la forme mais tu occultes complètement le fond ce qui prouve bien que l’histoire de Tron est à #&$*. ^^

  2. Disons que l’histoire au premier plan n’est pas très intéressante, mais ce qu’il y a derrière, oui. Et pour moi, ça sauve amplement le film.

  3. Bonsoir

    C’est quand-même fou à dire après toutes ces années de progrès mais le TRON, THE Tron, le premier, avait un design, des sons… beaucoup plus high-Tech et futuristes que ce dernier ?

    A croire qu’on était plus apte à imaginer le futur dans le passé …

    Bye

    François

  4. Oui, le premier Tron était visionnaire, le second parait bien plus arriviste dans le domaine. Je ne sais pas si c’est une question d’imagination ou de « sécurité » : on ne perturbe pas les fans du premier tout en essayant d’être attirant pour les néophytes, on place la sempiternelle histoire père/fils et c’est parti !

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