Critique : La Mule

Surprise, Clint Eastwood repasse devant les caméras, un peu plus de six ans après le décevant Une Nouvelle chance de Robert Lorenz, et ce, en occupant également le poste de réalisateur, une première depuis Gran Torino en 2006. Si ce road movie inspiré d’une histoire vraie se montre bien plus séduisant que le catastrophique 15h17 pour Paris, la leçon de vie derrière le portrait d’Earl Stone passe par surtout par des sentiers battus.

Contrebandier tardif

Earl Stone, horticulteur de 90 ans, vétéran de la guerre de Corée, a été dans les années 1980 la meilleure mule d’un puissant cartel mexicain. Le fait divers est suffisamment cocasse pour sortir Clint Eastwood de sa semi-retraite, car s’il n’occupait plus les plateaux face aux caméras, l’icône hollywoodienne ne semblait pas désireuse de poser la baguette de réalisateur. Une occasion parfaite pour endosser le double costume d’acteur et réalisateur, qui semblait pourtant définitivement abandonné depuis Gran Torino, œuvre dont il retrouve le scénariste, Nick Schenk. La véritable histoire d’Earl Stone s’est déroulée dans les années 80, et cette histoire est adaptée de nos jours pour s’appuyer sur des motifs contemporains derrière cet improbable trafic de drogue. L’horticulteur est endetté, son travail sabordé par la vente en ligne, et la proposition d’un jeune homme lors d’une sauterie pour le mariage de sa petite-fille Ginny (Taissa Farmiga) apparaît comme l’unique option pour sortir de la mouise, et même gagner un train de vie de pacha. Conduire, tout simplement, sans commettre d’infraction, pour livrer des sacs au contenu mystérieux en laissant son pick-up sur des parkings de motels désignés.

Earl Stone, comme il est dépeint ici, est un homme déconnecté de sa famille : sa femme est délaissée, sa fille également – jouée par la propre fille de Clint, Alison Eastwood –, dont il ne se rendra même pas au mariage afin de participer à un concours de fleurs, mais sa petite-fille le tient en estime et souhaiterait le voir plus présent. C’est donc une histoire de rachat familial qui se joue derrière les traversées solitaires du vieil homme, amusant les petites frappes mexicaines qu’il côtoie par son franc-parler. En somme, derrière l’argument du trafic de drogue, Clint Eastwood rejoue une figure tutélaire assez convenue, celle du mari et du père absent pour les siens, réalisant sur le tard ce qu’il aura manqué, et distribuant ses petites leçons aux nouvelles générations. Après une introduction assez ratée, se déroulant douze ans auparavant, avec des effets numériques qui, au lieu de rajeunir Eastwood, lui donne un air de papy gâteux, La Mule trouve doucement son rythme, au fil que le cartel lui confie de plus en plus de drogue, et que les agents des stups du FBI, parmi lesquels on trouve Bradley Cooper et Michael Peña, récoltent les informations qui pourraient permettre de capturer la mule hors-paire surnommée Tata. Mais comment soupçonner un vieil homme blanc, même lorsque celui-ci est accompagné par deux hommes de main mexicains pour les livraisons les plus conséquentes ?

Perspicace sur certains maux des jeunes générations, Earl Stone campe parfois dans les bottes du vieil homme un peu aigri, légèrement réactionnaire – et raciste ? – sur les bords. Difficile de regarder innocemment la scène où il dépanne le pneu à plat d’un couple d’afro-américains qu’il qualifiera de « négros. » On pense alors à la virulence et la bêtise de certains faits et gestes qu’il pouvait avoir à l’encontre de Barack Obama lorsqu’il était président des Etats-unis. Pourtant La Mule parle de droiture dans le sens le plus noble, celui d’assumer son rôle de chef de famille, mais aussi au sein de la société. Avec quelques touches d’humour, La Mule se frotte gentiment aux films de cartel, véhiculant une partie de leur violence et de leur tension mais sans jamais se détourner de la sensibilité de son personnage principal, suivi sur les routes jusqu’aux remous de la traque. Le tout reste léger, non pas que le film soit dénué de force, mais il manque un souffle à ce road movie aux trajets si peu détaillés et aux leçons presque éculées. Un contrebandier tardif qui fait figure d’original, mais qui tient de l’anecdote.

3 étoiles

 

La Mule

Film américain
Réalisateur : Clint Eastwood
Avec : Clint Eastwood, Dianne Wiest, Bradley Cooper, Laurence Fishburne, Michael Peña, Taissa Farmiga, Ignacio Serricchio, Andy Garcia, Clifton Collins Jr.
Titre original : The Mule
Scénario de : Nick Schenk, d’après un article de Sam Dolnick
Durée : 116 min
Genre : Drame, Biopic
Date de sortie en France : 23 janvier 2019
Distributeur : Warner Bros. France

 

Article rédigé par Dom

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3 commentaires

  1. Ce film ne m’inspire pas…
    Merci pour cet article agréable à lire !

  2. J ai bien aimé histoire et personnages… Eastwood à joué Eastwood avec son brio habituel…et beaucoup de sensibilité…. merci Mr Clint….

  3. Un petit Eastwood où on sent Clint peu investi. Sympa mais sans plus.

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