Holy Motors : rencontre avec Denis Lavant

Vendredi 15 juin, entre deux averses, j’étais convié dans les bureaux des Films du Losange, en compagnie de camarades cinéphiles exposant leur passion sur internet, pour rencontrer Denis Lavant, acteur principal du nouveau film de Leos Carax, Holy Motors. Résumé de cet entretien avec un artiste atypique, captivant, et dont la sympathie égale le talent.

L’émotion au bout des gestes

Cannes, 23 mai 2012. Après sept jours de festival, alors que la Sélection Officielle semblait définitivement enlisée dans un manque d’audace généralisé, un film créait l’événement : Holy Motors. Surprenant, émouvant, drôle, beau et marqué par une volonté profonde de détachement des traditionnels modes narratifs, on imaginait sans peine une belle récompense pour ce retour de Leos Carax, un Grand Prix, un Prix d’interprétation masculine pour Denis Lavant, ou pourquoi pas, la suprême Palme d’Or. Que nenni, Nanni Moretti et son jury en auront décidé autrement, et Holy Motors se contente d’un couronnement « parallèle », avec le Prix de la jeunesse.
Grand plaisir que de se retrouver, quelques jours après le festival, face à face avec l’acteur sur lequel le film est littéralement bâti, où il déploie une dizaine de facettes différentes au cours de ces deux heures de grand cinéma qu’est Holy Motors.

A propos de la genèse du film, Denis Lavant nous parle des projets avortés de Leos Carax ayant suivi le tournage de Merde, segment du triptyque Tokyo!. M. Merde devait voguer vers d’autres capitales, voire donner la « réplique » à Kate Moss, mais rien n’a pu se concrétiser jusqu’à ce que Leos présente le scénario de Holy Motors à Denis. A propos des scénarios, le comédien affirme que les films de Carax, une fois achevés, sont très proches du scénario original. En premier lieu, avec un scénario en main, Denis recherche les points les plus difficiles à jouer, qui peuvent parfois concerner des choses anodines : dans ce long métrage, il est amené à conduire, or, il ne possède pas le permis et cela lui demande donc un certain effort de concentration. Plus trivial encore : porter une oreillette de téléphone mobile, une première pour lui. Avec un film aussi particulier que ce nouveau long-métrage, Denis s’est penché sur le problème de la crédibilité avec tous les rôles différents qu’il devait interpréter, et le peu de temps de préparation alloué lui permettait de réellement réfléchir à son personnage lors des longues phases de maquillages. Pour lui, Holy Motors aura été un véritable jeu de métamorphose.

Lorsque je lui demande si, en tant qu’acteur, il prend plus de plaisir à jouer un personnage introverti comme le vieillard du film ou bien le désormais culte M. Merde, Denis répond qu’il en trouve autant dans les deux ; chacun lui demande un effort physique différent. Car si dans la démarche farfelue de M. Merde – dont il décompose la gestuelle devant nous –, nous avons la sensation de voir un personnage d’une liberté totale, de mouvement et de comportement, ce dernier se voit limité dans l’utilisation de ses mains à cause de ses ongles d’une longueur phénoménale – ce qui n’a pas été sans poser problèmes dans la séquence de Holy Motors, mais je ne vous révèle rien ! De plus, la lentille bleue de son œil droit lui obstrue totalement la vue, modifiant son appréciation des distances.
Pour tous ses personnages, Denis Lavant puise dans son expérience personnelle, ou bien dans des personnages qu’il a déjà eu l’occasion d’interpréter sur les planches, où il débuta dans le rôle d’un chien – son premier rôle humain est celui d’Hyppolite, dans L’Idiot. A ses yeux, un rôle est en premier lieu un état physique, la psychologie en découle ensuite, au contact des partenaires de jeu. Il nous rappelle que sa base est le mime ainsi que l’acrobatie et que pour lui, le geste vient avant la parole. « Le geste peut se sculpter, tandis que la parole s’échappe. »

A la question « Où est Denis Lavant dans les personnages de Holy Motors ? », le comédien nous répond tout d’abord qu’il est présent à chaque instant, malgré lui, mais qu’il doit toutefois s’oublier au profit du caractère – un terme venant du russe qu’il apprécie tout particulièrement. M. Merde lui est très cher, mais c’est dans le rôle « simple » du père allant chercher sa fille qu’il se retrouve le plus, lui, et Leos : ce personnage est une projection directe du cinéaste, Denis allant jusqu’à porter ses vêtements, désorientant le chien de Leos Carax, présent sur le tournage.
L’entretien se conclut sur l’accueil cannois, forcément plaisant, et sa vision du film : pour Denis, il s’agit de sa meilleure collaboration avec Leos Carax, et qui n’a rien d’une simple « autocélébration » du cinéma. Ce qui lui plaît le plus dans cette œuvre, c’est l’humain, la poétique qui s’en dégage. Plus que jamais la projection cinématographique et le porte parole du mystérieux Leos Carax, Denis conclut par une phrase de Céline qui sied parfaitement à Holy Motors : « Je ne veux pas narrer, je veux faire ressentir ».
Une chose est certaine, tant qu’il y aura des artistes comme Denis Lavant et Leos Carax en activité, le cinéma français ne manquera pas de nous procurer tant d’émotions. Espérons simplement de les voir un peu plus souvent dans les salles obscures !

Vous pouvez aussi consulter la critique de Holy Motors, en salle le 4 juillet 2012 et présenté en avant première au Festival Paris Cinéma le 28 juin, en présence de l’équipe du film.

Article rédigé par Dom

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