Cannes 2022 concentré de films

Les journées passent sans que l’on se rende compte de leur enchaînement, ce qui est plutôt bon signe quant à la qualité des films découverts. On s’attaque dans cet article sur trois films pour quatre cinéastes en compétition, ceux marqués du sceau des « habitués » : Park Chan-wook avec Decision to leave, David Cronenberg avec Crimes of the future et les frères Dardenne avec Tori et Lokita. Une belle découverte aussi mardi soir à la Semaine de la Critique : La Jauria d’Andres Ramirez Pulido.
En photo ci-dessus, le mur du concours de photo à la terrasse presse. Photo d’Alfonso Catalano, « Un cri du corps ».


Le retour de Park Chan-Wook sur la croisette constitue un véritable événement. Il était reparti bredouille de Cannes en 2016 avec le fabuleux Mademoiselle – hormis le Prix Vulcain de l’artiste-technicien, récompense annexe. Toujours sur le registre du thriller, il joue avec les sentiments d’un policier dans Decision to leave. Un homme fait une chute mortelle en faisant de l’escalade : serait-ce un suicide ou bien un meurtre habilement maquillé par sa femme, une chinoise qui obtenu ses papiers grâce à ce mariage. Ce policier pourtant marié à une femme aimante tombe sous le charme de celle qu’il soupçonne, et qui, de son côté, va développer également des sentiments notamment en remarquant qu’elle est observée. Disposant d’un scénario sophistiqué, jouant encore sur les langues, coréennes et chinoises, ce long métrage se découpe en deux parties distinctes, deux villes mais aussi deux atmosphères – et malheureusement, la seconde partie se montre moins entraînante car bien plus linéaire. L’obsession amoureuse y est entravée par d’étranges décès, avec lesquels le cinéaste joue avec le spectateur malicieusement. Comme toujours, sa mise en scène se montre magistrale, dynamique, avec quelques plans renversants. Moins excitant que ses films phares, Decision to leave se positionne comme un thriller plaisant et raffiné mais que l’on imagine difficilement présent au palmarès samedi 28 mai.

Autre habitué de la compétition officielle, le canadien David Cronenberg, dont le film est déjà en salle, Crimes of the future. Dans un avenir proche et désolé, le film nous plonge dans un univers où l’être humain s’apprête à muter, certaines personnes développant de nouveaux organes. C’est un couple faisant d’étranges performances que l’on suit ici, composé par Viggo Mortensen et Léa Seydoux. Ils pratiquent ce que l’on pourrait appeler de la chirurgie artistique. Le corps et les orifices non naturels reviennent au premier plan dans cette œuvre dont les scènes les plus gores sont étrangement loin de provoquer le moindre effet lorsqu’on a été confronté à la réalité la veille dans le génial documentaire De Humani corporis fabrica. L’autre grande vedette à l’affiche de ce thriller à l’atmosphère glaciale est Kristen Stewart, dans le rôle de Timlin, une femme du bureau d’enregistrement des nouveaux organes, qui se retrouve fascinée par l’artiste. Récitant ses gammes sous un mode quelque peu mineur, David Cronenberg dépeint le transhumanisme avec un regard désenchanté, convaincu qu’il est déjà trop tard pour sauver l’Homme et probablement le monde. La mutation est belle et bien en marche. Dommage que le film, aux dialogues parfois redondants, manque de mordant pour étayer son noir propos.

Multi-récompensés à Cannes, avec deux Palmes d’Or notamment, les frères Dardenne sont des habitués du palmarès cannois. Dans Tori et Lokita, un enfant et sa grande sœur ont fui la mort au Bénin pour trouver refuge auprès d’horribles européens, en Belgique. En fait, ils ne partagent aucun lien du sang, ce qui cause des soucis à Lokita pour obtenir des papiers et pourtant, le parcours qu’ils ont vécu ensemble les ont rapproché comme s’ils s’étaient toujours connus. Exploités par des trafiquants de drogue ainsi que leur passeur, ces deux êtres ont accepté de subir un difficile quotidien, mais lorsqu’ils se retrouvent séparés, il leur est impossible de maintenir cette triste routine. Fidèle à leur style naturaliste, en caméra épaule, les frères Dardenne livrent un récit cruel et poignant. Si d’aucuns les accuseront de manquer de subtilité, Tori et Lokita dénonce une administration dénuée de cœur quant à l’accueil des migrants, mais aussi des fumiers exploitant les plus fragiles sans vergogne. Une histoire émouvante, humaine et politique, qui pourrait convaincre le jury ?

C’est dans la forêt tropicale colombienne que nous conduit Andres Ramirez Pulido avec La Jauria, présenté à la Semaine de la Critique. Un petit groupe de délinquants mineurs purge leur peine en effectuant des travaux pénibles, dignes du bagne, afin d’ériger une nouvelle prison, la leur. Leur triste quotidien bascule avec l’arrivée d’un second groupe, qui fera exploser la violence bouillonnante dans l’ensemble du récit, car présente à toutes les échelles : l’homme qui dirige les travaux cache un lourd passé. Mis en scène avec style, ce film frappe par la puissance de ses images ainsi que la brutalité qui s’abat sur ces adolescents, auxquels aucune rédemption n’est accordée. Le portrait d’une jeunesse perdue, entre les griffes de la drogue et des cadres familiaux des plus néfastes. La Jauria est l’œuvre d’un cinéaste qui montre déjà un caractère fort affirmé, et que l’on a envie de suivre.

Article rédigé par Dom

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