[Critique] A la merveille (Terrence Malick)

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Personne n’aurait misé sur un retour de Terrence Malick seulement deux ans après la sortie de l’immense The Tree of Life. Il semblerait que le réalisateur américain soit dans une période prolifique, multipliant les projets cinématographiques comme jamais. Démarche réjouissante pour les cinéphiles ? Peut-être pas, A la merveille, premier film de cette vague, s’avère très décevant.

Débâcle élégiaque

Délicate situation pour un cinéaste qui livre un nouveau film suite à un chef d’oeuvre. Encore frais et éblouissant, The Tree of Life offre son langage cinématographique à A la merveille. Même liberté de mouvements de la caméra, des acteurs, même orchestration accompagnant des images souvent très belles, où le Soleil embrasse la nature et les êtres d’un même éclat. Mais le dispositif, affaibli par un montage refusant la contemplation au profit de plans très courts, se retrouve désormais au service d’une histoire d’amour particulièrement froide et inconsistante. L’idylle débute en France, au Mont-Saint-Michel et dans les rues de Paris, où Marina (Olga Kurylenko) virevolte de joie autour de Neil (Ben Affleck) qui, tout au long du film, apparaitra comme une masse opaque, non pas mystérieuse mais rebutante. Le regard de Terrence Malick se porte toujours sur la foi et la nature, foi dans l’engagement sacré du mariage, foi dans un dieu se nichant dans toute entité, tout phénomène naturel. L’émerveillement que suscitait The Tree of Life, toujours répété à chaque vision du film, n’existe pas : ici, on flotte dans un ersatz du précédent film, où la structure familiale trouvait force émotionnelle et universalité. Les personnages d’A la merveille sont au contraire vidés de toute substance, n’existant que pour illustrer les théorèmes de Malick, pris dans l’ivresse de sa propre mise en scène. Du mutique Neil et ses compagnes (Olga Kurylenko et Rachel McAdams) au prêtre joué par Javier Bardem, tous les acteurs semblent piégés dans un mimétisme de jeu du couple Pitt/Chastain, mais la magie n’opère que très rarement.

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Exploitant encore une progression narrative libre et elliptique, Malick ressasse péniblement ses idées sans la grâce habitant ses précédents longs métrages. Les envolées symphoniques de The Tree of Life ont disparu et les introspections bouleversantes de La Ligne rouge ne sont plus que des bribes de pensées sentimentales. Même sa façon de filmer la nature y apparaît comme éculée et affectée. Où est l’émotion lorsqu’Affleck et McAdams sont au milieu des champs, parmi des bisons ? Curiosité de ce long métrage, avoir été tourné en quatre langues au travers de ses personnages s’exprimant en français, anglais, italien et parfois en russe – une référence à la tour de Babel ? Hésitations sentimentales et ébranlements des certitudes se donnent la main dans un parcours disgracieux qui ne touche ni au mysticisme, ni à l’onirisme, mais qui s’apparenterait à un mauvais clip qu’aurait pu monter Malick à partir de nombreuses heures de rush d’errance auprès de ses comédiens. Les segments touchant le plus au réel – ouvert sur sur le microcosme d’une ville –, en compagnie du prêtre, concourent à la composition d’un étrange agrégat avec le vagabondage taiseux des autres personnages. On frôle tant l’auto-caricature qu’A la merveille s’avère de plus en plus prévisible au fil des minutes, où les plus profonds désirs et craintes en voix-off d’Olga Kurylenko ne se matérialisent jamais dans la bourrasque d’images. Poème fade, aux rares vers éclatants, échoué sur le rivage des véritables perles de Terrence Malick, A la merveille est un surprenant raté, démontrant que toute expérimentation narrative peut mener un cinéaste, aussi grand soit-il, à l’échec.

2.5 étoiles

 

A la merveille

a-la-merveille-afficheFilm américain
Réalisateur : Terrence Malick
Avec : Olga Kurylenko, Ben Affleck, Rachel McAdams, Javier Bardem
Titre original : To the wonder
Scénario de : Terrence Malick
Durée : 112 min
Genre : Drame, Romance
Date de sortie en France : 6 mars 2013
Distributeur : Metropolitan FilmExport


Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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2 commentaires

  1. Avec Malick la forme est toujours sublime mais dommage que cette fois-ci le fond soit si vide de toute densité… 1/4

  2. Plutôt d’accord avec cette critique. Après des images d’une beauté inouïe, The Tree of Life se terminait sur un trip mystique assez embarrassant. A la merveille est entièrement tendu entre ces deux pôles : si on oublie les segments avec Javier Bardem, on assiste au jeu universel de l’amour, déchiré comme le film entre le toc et l’illumination, sans cesse en construction, sans cesse en destruction. Ma critique : http://tedsifflera3fois.com/2013/03/21/a-la-merveille-critique/

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