[Critique] Faust (Alexandre Sokourov)

Dernière partie de sa tétralogie sur les thématiques du totalitarisme et de la corruption, Faust, revu par Alexandre Sokourov, a été couronné du Lion d’Or à la précédente Mostra de Venise. Le cinéaste russe signe encore une œuvre d’une grande singularité, tantôt brillante, tantôt ratée – un projet surprenant qui ne manquera pas d’alimenter de nombreux débats.

Désir démoniaque

Le mythe de Faust a toujours inspiré les cinéastes, et ce, depuis ses premières heures. Il serait peu judicieux de comparer cette nouvelle œuvre aux précédentes, tant le récit se dégage du mythe de Goethe mais aussi tant le style de Sokourov le distingue de ses prédécesseurs, notamment dans son emploi régulier d’objectifs déformant l’image et troublant la netteté du plan. C’est d’ailleurs le recours souvent trop brutal à ces objectifs qui provoque de violentes césures esthétiques aux seins de certaines séquences, pour la plupart découpées à outrance, sans raison apparente, si ce n’est que, d’après Bruno Delbonnel, directeur de la photographie, Sokourov recherchait à changer de champ lors d’intonations particulières de la part de ses acteurs. Peu contemplatif, ce Faust s’ouvre, suite à une descente aérienne sur la ville, sur une répugnante scène d’autopsie où le docteur Faust et son élève conversent sur l’âme humaine – si cette dernière existe, où peut-elle bien se trouver ? Las, sans-le-sou et affamé, Faust, interprété par Johannes Zeiler, décide de mettre fin à ses jours, projet avorté par Mauricius (Méphistophélès, joué par un terrifiant Anton Adasinskiy), maléfique usurier, qui le poussera à désirer une jeune femme au point de lui vendre son âme pour l’obtenir.

Si le découpage et les variations esthétiques au cœur des séquences est un point sur lequel achoppe souvent le film, le plus perturbant se trouve dans la bande sonore : accompagné d’une bande originale symphonique continue d’une scène à l’autre, parfois en décalage tonal avec l’action en cours, Faust apparaît comme particulièrement brouillon, voire bâclé, un fait que la cacophonie souvent apportée par les dialogues allemands s’enchevêtrant n’arrange en aucun cas. Ajoutez à cela du pur cabotinage venant ça et là de la part de Johannes Zeiler et l’artifice cinématographique s’impose alors violemment sur la toile ! Mais jamais ce long-métrage ne se délite sous le poids de ces défauts, loin d’affecter la majeure partie de cette œuvre où Sokourov démontre, maintes fois, son génie pour la mise en scène et dans la direction artistique. Grandioses sont les moments de cinéma réservés par les instants partagés entre Faust et Margarete (Isolda Dychauk), les plus vils méfaits de l’usurier ; sublime est l’emploi des couleurs faisant appels à la peinture romantique allemande. Ainsi ce présente toute l’ambivalence de ce long-métrage, divisé entre des choix étranges et des états de grâce infinie.

Faust selon Sokourov ressemble à un cauchemar nauséabond, hanté par une putréfaction prodigieusement contrastée par l’angélisme d’Isolda Dychauk, objet d’un désir viscéral et morbide conduisant avec malice à une quête funeste, sans répit, capable de donner corps aux pires démons. Une expérience singulière, aux allures de grand film malade.

4 étoiles

 

Faust

Film russe
Réalisateur : Alexandre Sokourov
Avec : Johannes Zeiler, Anton Adasinskiy, Isolda Dychauk, Georg Friedrich, Hannah Schygulla
Scénario de : Alexandre Sokourov, Marina Koreneva, d’après l’oeuvre de Johann Wolfgang Goethe
Durée : 140 min
Genre : Drame, Fantastique
Date de sortie en France : 20 juin 2012
Distributeur : Sophie Dulac Distribution


Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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2 commentaires

  1. C’est un très bon film, je l’ai vu il y a quelques jours.
    Je le recommande

  2. en ce qui me concerne je ne recommande pas ce film trop glauque

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