Critique : Air

Produit par Amazon et distribué sur sa plateforme Prime Video, Air se consacre à un tournant dans le milieu du sponsoring sportif, quand Nike, alors un acteur « modeste » dans le monde des baskets, réussit à signer le prometteur Michael Jordan. Ben Affleck, devant et derrière la caméra, rate un sujet en or, et c’est son ami Matt Damon qui permet d’éviter à ce long-métrage brillant de fainéantise de sombrer entièrement.

Pantoufles all star

Shoot de nostalgie 80’s : Ben Affleck lance ses affaires en prenant par les sentiments toutes les personnes qui ont connu cette décennie, marquée par l’avènement du CD, des clips musicaux, de l’informatique, et de personnalités comme Michael Jordan. Chez Nike, qui ne compte que pour 14% des parts de marché face aux géants Converse et Adidas, la politique au niveau du basketball est de signer des joueurs qui ne seraient pas ciblés par leurs concurrents. Sonny Vaccaro (Matt Damon) sent qu’il faut changer de politique, et viser gros, quitte à ne signer qu’un joueur : Michael Jordan, débutant des plus convoités. Pour cela, il doit convaincre non seulement le PDG de Nike Phil Knight – Ben Affleck, au look tellement stéréotypé qu’il frise le ridicule –, l’agent du joueur campé par Chris Messina et, en dernier recours, s’adresser directement aux parents, campés avec justesse par Viola Davis et Julius Tennon. La légende du basketball ne montrera son visage et ses dunks qu’au travers d’images d’archives, car pour Affleck, il est impossible qu’un comédien lui prête ses traits – Damian Young lui sert donc de triste silhouette dans les scènes où le joueur est inévitablement présent. Un choix artistique évidemment, mais qui crée de la distance avec Michael Jordan.

Le souci de ce long-métrage qui conte une success story marketing sous fond de film de sport, c’est que le traitement des enjeux se montre bâclé alors qu’il constitue le cœur du projet, les aboutissants étant connus. Il faudrait avoir vécu sur une île déserte depuis quarante ans pour ne pas savoir que la future star signera chez Nike, ce qui donnera naissance à l’iconique Air Jordan, rééditée avec des modèles annuels. Or, les obstacles semblent bien artificiels et Air s’enferme dans une suite de scènes de dialogues entrecoupées de plans de coupe, systématiquement rythmés par un morceau des années 1980. Affleck déroule un programme calibré et répétitif, où seul Matt Damon pousse l’ensemble – bien que Jason Bateman et Chris Tucker servent décemment l’ensemble –, notamment lors d’un puissant et décisif discours alors que le joueur et ses parents ont accepté d’étudier l’offre de Nike. La passion ? Au rayon des grandes absentes. À l’aise dans ses Air Pantoufles, Ben Affleck démontre encore une fois ses lacunes comme metteur en scène, et au fil de ses projets comme réalisateur, Argo apparaît de plus en plus comme une belle anomalie dans sa filmographie.

Photos du film Copyright AMAZON CONTENT SERVICES LLC. / Ana Carballosa