Critique : Viens je t’emmène

Bien qu’il compose avec les attentats terroristes et la prostitution, Viens je t’emmène s’inscrit dans le registre de la comédie, avec un ton léger et décalé. Au travers des mésaventures de Médéric, Alain Guiraudie aborde la peur de l’autre et le rejet sous un angle séduisant, au cœur de Clermont-Ferrand.

Drôle de rejet

Les attentats commis au nom d’une religion attisent la peur et la haine de l’autre, cet étranger qui mettrait en péril la société dans laquelle il s’est invité ou retrouvé par les coups du destin. Viens je t’emmène joue avec cette peur devenue élémentaire aujourd’hui dans un cadre particulier. Nous sommes en territoire urbain, à Clermont-Ferrand, mais dans une ville érigée sur un territoire montagneux, où la nature environnante domine pavillons et immeubles. Le confluent de deux mondes. L’attaque, qui se déroule Place de Jaude, est découverte par le prisme des journaux télévisés. A cet instant, Médéric, interprété par le génial de nonchalance Jean-Charles Clichet, commençait les préliminaires avec Isadora, jouée par Noémie Lvovsky, une prostituée pour laquelle il a eu un coup de foudre. Une chance pour lui, elle a accepté de coucher avec lui sans tarification – par envie donc, malgré qu’elle soit mariée. Mais une chance ruinée par ces attentats : Isadora, qui regardait la télévision pendant le début des ébats, n’est plus d’humeur. Son mari (Renaud Rutten) débarque d’ailleurs dans la chambre d’hôtel : la fête est finie, mais le désir, ardent, subsiste pour Médéric.

De retour à son appartement, Médéric est surpris par un jeune à la rue qui demande de l’aide, Selim (Iliès Kadri). Suspicions : un des assaillants ayant pris la fuite, il pourrait être un terroriste. Pourtant Médéric va l’aider peu à peu, ce qui agitera tout son immeuble, mais aussi son subconscient – on retrouve ici le sens du cauchemar de Giraudie, qui s’exprimait avec force dans Rester Vertical. Et toujours la même obsession pour Médéric : faire l’amour avec Isadora, un acte toujours repoussé, interrompu, à la façon du dîner dans Le Charme discret de la bourgeoisie de Luis Buñuel. En matière de rejet, et avec humour, il n’y a pas que le jeune musulman sans domicile, qui cache aussi des éléments sur sa sexualité, au sein de ce récit. Doria Tillier joue une entrepreneuse et collaboratrice qui aimerait finir dans le lit de Médéric, mais malgré ses avances, elle se voit repoussée systématiquement. Brassant des problématiques sociétales sans la volonté de les résoudre, Viens je t’emmène charme par ses nombreuses situations incongrues, ces petits bouleversements qui troublent le flux morne du quotidien. Isadora et Iliès, deux personnalités qui tiraillent notre protagoniste mais jusqu’où ? Peut-être un brin décevante dans son ultime séquence, cette comédie atypique réussit l’essentiel, nous divertir sur des sujets brûlants, mais qui, à l’heure de la guerre en Ukraine, paraissent comme des préoccupations dérisoires. Chaque rire est à savourer, avant qu’il ne soit trop tard.

3.5 étoiles

 

Viens je t’emmène

Film français
Réalisateur : Alain Guiraudie
Avec : Jean-Charles Clichet, Noémie Lvovsky, Iliès Kadri, Doria Tillier, Renaud Rutten, Michel Masiero, Miveck Packa
Scénario de : Alain Guiraudie, Alain Lunetta
Durée : 100 min
Genre : Comédie
Date de sortie en France : 2 mars 2022
Distributeur : Les Films du Losange

 

Photos du film Copyright Les Films du Losange

Article rédigé par Dom

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