Critique : Matrix Resurrections

Véritable flop au box-office, Matrix Resurrections, quatrième épisode de la saga, mais mené cette fois en solo par Lana Wachowski, se positionne probablement comme le blockbuster américain le plus réjouissant de l’année qui vient de s’achever. D’audacieuses retrouvailles avec Neo et Trinity dans un univers toujours aussi sombre, voire un peu plus.

Rouge désespoir

Film culte de la fin des années 1990, Matrix constitue une pierre angulaire du cinéma de science-fiction contemporain, brassant de multiples références dans univers dystopique captivant et pourtant bien connu, l’opposition entre l’homme et la machine. Si le dernier volet, Matrix Revolutions, apportait une conclusion satisfaisante à la saga, bien qu’en se montrant décevant sur les séquences d’action, inoubliables dans le premier volet et dantesques dans Matrix Reloaded, on pouvait se demander ce que pourrait apporter ce quatrième épisode. Une véritable surprise ! Stimulant et audacieux dans sa narration, Matrix Resurrections est parfaitement conscient de sa place, vis-à-vis de la trilogie d’origine mais aussi dans un univers où les blockbusters ne comptent plus que sur des suites et adaptations, qui prolifèrent plus vite que les véhémentes sentinelles mécaniques du film. Rien de nouveau si ce long métrage critique le système hollywoodien de l’intérieur, évidemment : ce qui marque, c’est que la dimension méta est un rouage du récit. Ici, Neo (Keanu Reeves) est un célèbre créateur de jeux vidéo, il est à l’origine des jeux Matrix. Une vie rangée, un caractère blasé, la sensation d’une réussite professionnelle glaçante, dans la solitude. En somme, une nouvelle vie figée dans le monde illusoire de la matrice, mais grâce à de vieilles lignes de code oubliées – un « modal » -, l’appel de la résistance et d’un nouveau Morpheus (Yahya Abdul-Mateen II) pourra avoir lieu.

Le combat mené par Bugs, campée remarquablement par Jessica Henwick, pour ramener Neo vers sa position de leader joue une partition qui épouse le premier épisode de la saga – avec suffisamment de rappels et de courtes analepses pour ne perdre personne. Des réminiscences qui ouvrent à une forme de mélancolie renforcée par la présence distante de Trinity (Carrie-Anne Moss), éloignée de la femme combattante que l’on avait rencontré dans Matrix premier du nom. Il y a une véritable émotion à retrouver ces deux comédiens, d’autant plus que la dimension amoureuse a toujours une place primordiale dans le récit. Egalement conscient de la popularisation du bullet time déclenchée en 1999, ce nouveau film sait qu’il ne révolutionnera pas le cinéma d’action. Il est toutefois doté de nombreuses séquences prenantes, et l’on regrettera seulement le caractère brouillon d’un combat dans l’espace réduit proposé par une voiture de train. Visuellement, le film offre un nouveau caractère à la saga, avec un chapitre final nocturne fantastique et aussi quelques expérimentations impressionnantes.

La dualité de l’homme contre machine a évolué puisque certaines d’entre elles ont rejoint le camp des rebelles humains. Une coopération qui permet d’offrir de nouvelles perspectives alors que le film sonde parfaitement les maux de notre société actuelle, sans nul doute bien plus désolante qu’elle ne l’était lors du premier opus. Le message reste identique mais encore plus noir. Ainsi, le repli et le renoncement face aux épreuves dont on se détourne occupe les deux espaces, entre des « réveillés » qui ne cherchent qu’à préserver leur microcosme, et une matrice encore plus performante, avec les réseaux sociaux et une multitude d’éléments qui maintiennent la population endormie et asservie. Cette résurrection du mythe Matrix pour un nouvel appel au réveil touche à la bouteille à la mer, jetée dans un flux qui ne lui aura ouvert qu’une exposition limitée. Entre la proximité de sa sortie avec Spider-Man : No Way Home et sa mise à disposition sur HBO Max aux Etats-Unis en même temps que les salles – constituant une ouverture des vannes formidable pour le piratage –, un bouche-à-oreille défavorable tout comme une presse divisée, Matrix Resurrections pourrait être le premier film déficitaire de la série. Dommage, car le geste, osé et maîtrisé, apporte une conclusion encore plus plaisante qu’en 2003. Avant, il y avait l’idée du sacrifice et de la paix, mais aujourd’hui, la pilule rouge est-elle toujours celle du réveil salvateur ou bien du constat amer que le monde continue sa folle trajectoire vers le mur – peut-être déjà percuté ?

4 étoiles

 

Matrix Resurrections

Film américain
Réalisatrice : Lana Wachowski
Avec : Keanu Reeves, Carrie-Anne Moss, Yahya Abdul-Mateen II, Jonathan Groff, Jessica Henwick, Neil Patrick Harris, Jada Pinkett Smith, Pryanka Chopra Jonas, Christina Ricci, Lambert Wilson, Toby Onwumere
Titre original : The Matrix Resurrections
Scénario de : Lana Wachowski, David Mitchell, Aleksandar Hemon
Durée : 148 min
Genre : Science-fiction, Action
Date de sortie en France : 22 décembre 2021
Distributeur : Warner Bros. France

 

Photos du film Copyright 2021 Warner Bros. Entertainment Inc. and Village Roadshow Films (BVI) Limited

Article rédigé par Dom

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