Les Arcs 2019 : panser ses plaies

En milieu de parcours, Les Arcs Film Festival change quelque peu de visages, l’Industry Village laissant place au Sommet des distributeurs et exploitants. Le traditionnel petit déjeuner en haute altitude a été maintenu malgré une météo un peu capricieuse – énormément de vent, mais qui s’est finalement apaisé –, tout comme le cocktail organisé par Blue Efficience dans l’igloo aux impressionnantes sculptures sur neige et glace. Côté films, une thématique parvient à se retrouver dans cinq œuvres d’horizons différents : la nécessité vitale de panser ses plaies.

« Les parfums » : fragrance de bon film

Dans Atlantis de Valentyn Vasyanovych, la frontière Est de l’Ukraine n’est plus qu’un territoire désolé, véritable nécropole où les cadavres de soldats, en décomposition, attendent d’être sortis de la boue pour trouver des sépultures un peu plus décentes. En favorisant des plans fixes longs, loin des personnages, Vasyanovych montre des hommes brisés par les combats avec les russes. Film éprouvant par ses scènes d’autopsie et son cadre funeste, Atlantis cherche pourtant la lumière, un processus long et pénible, et qui donne pourtant aux dernières séquences du film une couleur particulière, une forme de soulagement après tant de souffrance. Dans un tout autre registre, celui de la comédie dramatique portée par de bons sentiments, sans toucher à la niaiserie, Les Parfums, film présenté dans le cadre du Sommet, confronte une femme exerçant le métier de nez à un chauffeur sur le point de ne pas obtenir la garde alternée de sa fille. Ce film de Grégory Magne réunit un duo qui fonctionne à merveille, à savoir Emmanuelle Devos et Grégory Montel. Dans un univers d’odeurs, les rapports professionnels entre ces deux personnes vont évoluer vers un bel échange humain, où la femme si sûre de son odorat exposera ses failles. Là encore, c’est en décidant de résoudre les problématiques du passé que l’on parvient à reprendre le contrôle de sa vie. Un film sensible et drôle.

« Play » : première étoile !

Dans la comédie Play d’Anthony Marciano, en salle le 1er janvier 2020, un homme remonte le fil de tout son passé pour comprendre où sa vie s’est détournée du chemin qui semblait le plus évident. Max, joué par Max Boublil à l’âge adulte, a la particularité d’avoir filmé presque toute sa vie, ne sortant jamais sans une caméra à la main. Ainsi, le film plonge dans un passé avec une nostalgie non ostentatoire, le film se montrant souvent fort et drôle sur les années 1990 et 2000. Sans défaillance dans son concept, Play se montre sympathique malgré un itinéraire balisé : cette plaie dans le passé de Max s’identifie tôt pour une résolution aussi évidente. On peut saluer la forme, une véritable énergie et un casting de jeunes comédiens au naturel plaisant. En compétition, Stitches de Miroslav Terzic suit le douloureux parcours d’une mère qui porte une blessure non cicatrisée depuis 18 ans : elle est convaincue que son deuxième enfant ne serait pas mort-né mais aurait été vendu à un couple. Porté par la comédienne Snezana Bogdanovic, ce film serbe inspiré de faits réels montre une horreur sourde pour les personnes impactées, car cette trajectoire individuelle illustre un phénomène bien plus vaste. Une enquête à hauteur d’une femme simple mais aux enjeux complexes sur le plan familial et émotionnel. Sobre et délicat.

Tôt le mercredi, après une nuit sans bonne résolution à la yourte Nomade puis O’Chaud, les festivaliers les plus valeureux se regroupent au pied du cabriolet pour l’ascension de l’Aiguille Rouge, qui culmine à 3226 mètres d’altitude. Les massifs nous entourant sont masqués par d’épais nuages, et nous ne sommes pas surpris de voir une fine neige tomber sur les capuches et bonnets. Malgré ce ciel capricieux, lorsque nous sortons du dernier téléphérique, le soleil commence à percer sur certains massifs. Il est temps de se restaurer après le rituel du sucre imbibé d’élixir de chartreuse. Comme à chaque fois, la magie opère : une vue à couper le souffle, un air si particulier, le sentiment fantastique de se sentir si petit. On pourrait rester des heures là-haut à contempler les Alpes avec les équipes du festival et certains invités, comme Guillaume Nicloux, Luc Jacquet, Gaspard Ulliel, Nina Hoss ou encore Isabelle Huppert, mais trêves de mots, pour laisser placer à quelques photos :

La nuit tombée, c’est à l’igloo que commencent les festivités suite aux rencontres professionnelles et projections de film. Sur une neige assez dure, nous nous élançons en luge pour gagner un télésiège en contrebas du village. Un ultime long virage où seules les lampes frontales perçant la nuit nous mène à l’entrée de la structure enneigée. C’est la société qui développe des solutions contre le piratage Blue Efficience qui organise ce cocktail dans ce lieu atypique, dont les galeries regorgent de créations spectaculaires :

Avant de gagner les Belles Pintes pour la soirée quizz Sens Critique, que nous abandonnerons à la mi-temps à cause du chaos dans ce lieu blindé où le moindre mouvement est devenu impossible et, avouons-le aussi, l’absence d’open bar sur les bières auquel nous étions habitués, nous avons découvert le nouveau long métrage d’Alejandro Amenábar, Lettre à Franco, qui montre l’ascension au pouvoir du dictateur espagnol en épousant le regard et les actions peut-être déterminantes de l’écrivain de Miguel de Unamuno. Un film politique fort, débordant d’amertume, qui fera l’objet d’une critique détaillée ultérieurement. La yourte Nomade nous livre de nouvelles surprises comme son cidre chaud, altéré par des épices et un soupçon de rhum. Discussions cinéma avec des journalistes qui viennent d’arriver pour finalement manquer O’Chaud : le temps passe à une vitesse ahurissante. J’ai quand même l’occasion de croiser Vincent Lacoste devant l’établissement pour parler de ses films récents, notamment avec Christophe Honoré. Le comédien tout juste arrivé dans la journée doit déjà partir le lendemain pour présenter Mes jours de gloire d’Antoine de Bary dans un autre festival. Etoile filante.

Article rédigé par Dom

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