Critique : Papicha

Premier long métrage de Mounia Meddour, Papicha dépeint le quotidien d’étudiantes à Alger dans les années 90, alors que l’intégrisme de groupes islamistes sévit férocement. Une œuvre touchante sur la condition des femmes et l’affreux voile d’obscurantisme que peut projeter les religions.

Eprise de liberté

D’où s’évadent en pleine nuit Nedjma (Lyna Khoudri) et Wassila (Shirine Boutella) pour gagner un taxi clandestin et se mettre en tenues de soirée sur la banquette arrière, redoutant le pire lors d’un contrôle par un groupe d’hommes cagoulés, kalachnikovs en main ? Tout simplement de leur cité universitaire où les entrées et sorties sont filtrées, avec plus ou moins de soin, surtout moins lorsqu’il s’agit de barrer la route aux intégristes les plus enragés. Nedjam et Wassila sont simplement deux amies qui souhaitent profiter de la vie, de la musique, de la culture, et malgré leur cursus en littérature française, elles ne rêvent pas d’un autre monde. C’est à Alger qu’elles veulent s’épanouir, pleinement, librement. Avec ses actrices lumineuses, avec en tête la poignante Lyna Khoudri, Papicha montre l’insidieuse horreur qui accompagne la plupart des grands courants religieux. Ici, l’Islam s’oppose à la culture, à la diversité et à la liberté, dans une société où les hommes dictent fermement la conduite de la gente féminine. Ces jeunes femmes qui refusent de porter le hidjab, chantent, dansent et veulent disposer de leur corps sans aucun diktat jouent avec le feu en ces périodes de conflits en Algérie. Ce qui est connu sous le nom de la décennie noire se traduit par des chiffres épouvantables, 150 000 morts et des milliers d’exilés. Et Nedjma se confrontera à l’horreur la plus pure et absurde. Partir ? Non, réagir.

Passionnée de mode, Nedjma décide de se révolter en mettant toutes ses forces dans des créations à partir de haïks pour organiser un défilé forcément ostentatoire. Le voile informe contre les courbes et volumes, les visages fiers et le corps exposé avec soin. Dans cette lutte, où il est autant question du fléau que peut exercer une religion sur une population parmi ses propres pratiquants que de la liberté de la femme, Mounia Meddour choisit de s’accrocher à ses comédiennes pour cette dangereuse valse entre lumière et ténèbres. Un procédé efficace, grâce au casting, mais aussi une caméra qui reste sereine, même lorsque les événements s’emballent tragiquement. Avec ses dialogues multiculturels en « françarabe », Papicha expose toute la sottise des sociétés cloisonnantes, une sottise exacerbée par la puissance destructrice des religions. Tout ce qui s’oppose à la culture, à l’intellect et aux libertés individuelles devrait être combattu jusqu’à sa disparition totale : cela tient aussi pour ces gouvernements ici et là qui, sournoisement, font reculer nos richesses culturelles, intellectuelles et spirituelles. « Ni dieu, ni maître » nous souhaitait Léo Ferré dans les années 60. Qu’attendons nous pour bâtir cette société plus saine ?

3.5 étoiles

 

Papicha

Film français, algérien, belge, qatarien
Réalisatrice : Mounia Meddour
Avec : Lyna Khoudri, Shirine Boutella, Amira Hilda Douaouda, Zahra Doumandji, Yasin Houicha, Nadia Kaci, Samir El Hakim, Meriem Medjkrane
Scénario de : Mounia Meddour, Fadette Drouard
Durée : 106 min
Genre : Drame
Date de sortie en France : 9 octobre 2019
Distributeur : Jour2Fête

 

Article rédigé par Dom

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