Un saut au BRIFF 2019

Du 20 au 29 juin 2019, Bruxelles a vu son centre animé par la deuxième édition du Brussels International Film Festival. J’ai eu la chance d’arpenter la capitale belge pour quelques jours en début de festival, voici donc un papier virtuel où l’on croise la route de Bouli Lanners, d’Abel Ferrara mais aussi d’un frigo connecté répondant au prénom de Yves.

Une boite qui fait plaisir

C’est à la fois excitant et frustrant de découvrir un festival jeune, le BRIFF, à sa deuxième édition, sur une courte période. Excitant car tout y est nouveau, avec tant de films à voir, piochés du côté de Berlin, Toronto et Cannes, tant de personnes à rencontrer et à retrouver, excitant d’être en terrain presque inconnu – mon 3ème passage à Bruxelles, mais le dernier remonte à 8 ans et pour une simple journée –, accueilli avec soin au Pillows Hotel – à renfort de boites de chocolats et speculoos locaux, et, soulignons-le, des petits-déjeuners fabuleux. En somme, excitant de partir à la conquête de tout un monde, de tout un microcosme brodé autour de la convivialité.

Le village du BRIFF bien installé

Avec pour centre névralgique la place De Brouckère où est installé le village du BRIFF et son chapiteau ouvert à toutes et à tous, festivaliers ou non, le Brussels International Film Festival mise avant tout sur une absence de cloisonnage entre équipes, invités, professionnels, journalistes et festivaliers. A côté, l’UGC De Brouckère accueille des projections dans la splendide et impressionnante salle Grand Eldorado – photo d’entête de cet article –, le type de salle qui sacralise la projection par son cadre, son écran splendide et des sièges d’un confort hors norme. Excitant de découvrir des salles donc, du multiplexe jusqu’au charmant cinéma Les Galeries, situé dans les Galeries de la Reine, à quelques pas de la célèbre Grand-Place, et où se tiennent les masterclass : à mon arrivée, il y avait Michel Hazanavicius, et j’ai eu la chance d’assister à celles données par Bouli Lanners et Abel Ferrara, et ce dernier n’aura cessé de passer du temps avec les festivaliers, disponible, à l’écoute, bavard et distillant de nombreuses anecdotes de tournage. Si l’on rencontre des personnalités de renom, avec des retrouvailles pour certains membres du jury, comme Guillaume Senez (Nos Batailles) ou encore Vincent Macaigne, on rencontre aussi de nouveaux talents : la veille de mon départ, j’ai eu la chance de dîner avec la réalisatrice hollandaise Rosanne Pel, en compétition à la Director’s Week avec Light as feathers – lauréat du prix du jury, ex-aequo avec Sophia Antipolis de Virgil Vernier – et l’actrice allemande Marie Rathscheck, venue aussi représenter un film à la Director’s Week, Aren’t you happy ? de Susanne Heinrich – un premier long métrage ésotérique sur la dépression d’une jeune femme, terrain d’expérimentation formelle aux qualité fluctuantes mais qui montre une véritable voix. L’occasion de parler de nos expériences dans le milieu du cinéma, entre autres, entre deux verres de Proseco et de belles gorgées d’eau, la chaleur frappant aussi la capitale belge. Excitation et frustration de ne passer que quatre journées sur place, sur les dix journées de festivités : le temps passe si vite, d’autant qu’un incident survenu le premier soir est venu m’amputer de trois demies journées dans les salles. C’est ainsi !

Fukushima : rien n’est sous contrôle !

Le samedi 22 juin, Bouli Lanners nous fait l’honneur d’être présent au BRIFF, étant actuellement en tournage à Dunkerque, afin de nous présenter sa carte blanche, ou « green card » puisque tous les films sélectionnés traitent de l’écologie. C’est au cinéma Les Galeries que se déroule la première session du programme avec tout d’abord l’excellent court métrage brésilien L’île aux fleurs de Jorge Furtado. Avec son narrateur sarcastique, ce film de 1989 dépeint déjà l’enfer de la mondialisation grâce à une tomate, avec un humour noir aussi féroce qu’il procède d’une triste réalité. Nous découvrons ensuite le long métrage Fukushima – le couvercle du soleil réalisé par Futisho Sato, une œuvre sélectionnée par Bouli Lanners car il souhaitait la découvrir lui-même. Le film nous replonge dans le cauchemar de l’accident de Fukushima, en suivant des habitants de la région ainsi que toutes les personnes ayant été impliquées dans la cellule de crise suite au séisme à l’origine de la catastrophe, le tout, au travers du regard d’un journaliste quelques années plus tard. D’emblée, le film touche à la série B par son montage plus que scolaire, très mécanique, une photographie sans caractère et une musique assez artificielle. Pourtant, malgré ces faiblesses techniques, le film suscite un vif intérêt en permettant de revenir aux étapes ayant mené à la catastrophe nucléaire, dont l’ampleur aurait pu être bien plus grande – mais aussi minimisée sans une suite de micro incidents. Par son cheminement naturel, Fukushima – le couvercle du soleil se positionne comme un film anti-nucléaire, nous rappelant qu’à l’heure actuelle encore, le Japon vit sous la menace d’un autre incident au niveau du réacteur 4, incident qui pourrait rayer de la carte tout le territoire japonais. Une épée de Damoclès terrible, d’autant qu’elle affecterait bien plus que l’archipel. En ce moment encore, tous les êtres vivants évoluant dans l’Océan Pacifique sont plus ou moins affectés par les éléments radioactifs en provenance de la centrale nucléaire sinistrée. Pour plus de détails, consulter cet article.

Anti-nucléaire tu gardes ton sang froid

A l’issue de la séance a lieu un débat avec Bouli Lanners et Francis Leboutte, ingénieur civil, membre de l’association «  Fin du nucléaire. » Il est donc question d’énergie nucléaire et d’énergie renouvelable, en abordant les problématiques au-delà des frontières belges. L’échange aborde principalement des chiffres préoccupants, la sensibilisation mais aussi la problématique d’un engagement citoyen plus étendu pour changer la donne. Le résumé sera retranscrit ici dans quelques jours. J’ai ensuite la chance de passer près d’une demi-heure avec Bouli pour aborder le thème de l’écologie sous l’axe du militantisme. Un entretien passionnant qui sera retranscrit dans un autre article dans quelques jours.

Yves, un frigo qui vous veut du bien

Le soir, c’est Yves de Benoît Forgeard qui ouvre le bal pour la Director’s Week, alors qu’il clôturait les événements de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes. L’équipe, absente pour cause de présence dans un autre festival, nous laisse un petit message humoristique depuis la terrasse du Publicis à Paris. Axé autour d’un réfrigérateur ultra moderne et connecté, « Yves », la nouvelle comédie de Benoît Forgeard explore le monde de la domotique de demain avec un regard décalé, tendre et ironique. Testé dans le domicile d’un jeune rappeur qui galère pour progresser dans son art, Jérem – excellent William Lebghil qui semble avoir piqué certaines attitudes à Vincent Lacoste –, Yves va dépasser ses fonctionnalités de conservation des aliments en prenant soin de la ligne de son utilisateur dans une première étape : la machine va ensuite aider Jérem dans son quotidien ainsi que dans sa démarche artistique, comme un producteur de génie, comblant les lacunes pour mener au succès. Et pourquoi pas combler le vide sentimental : So Balotelli (Doria Tillier), responsable commerciale qui a placé Yves chez Jérem, a tapé dans l’oeil du rappeur. Est-ce qu’une relation peut naître entre ces deux personnes d’univers opposés, liés par cette machine dont le comportement ambivalent la rapproche de HAL 9000 dans le culte 2001 : l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick ? Totalement délirant dans sa première partie, très dynamique, Yves s’écarte des routes les plus consensuelles pour se concentrer sur les sentiments de ses protagonistes sans saborder la dimension musicale avec des morceaux vraiment entêtants – comme « Carrément rien à branler » et avant tout le remix par Yves. Un second versant plus intimiste, moins extravagant – quoique cela reste relatif –, pourra décontenancer certains spectateurs, mais il affirme la singularité du regard de Benoît Forgeard dans une œuvre dont le concept n’étouffe jamais le film. On retrouve également au casting de cette comédie en salle en France depuis le 26 juin Philippe Katerine et Alka Balkir.

King of Brussels ?

Dimanche 23 juin, l’invité d’honneur vient de New York, possède une filmographie sulfureuse et qui n’est pas prête de s’arrêter de si tôt. Si Abel Ferrara présente notamment son nouveau long métrage avec Willem Dafoe, Tommaso, c’est une projection du crépusculaire Nos Funerailles qui précède sa masterclass qui tournera rapidement à l’échange entre les membres du public plutôt qu’à une leçon de mise en scène. On en apprend évidemment sur ses méthodes de travail, notamment la confiance qu’il accorde à ses chefs de poste : sur le plateau, Ferrara veut s’occuper uniquement des comédiens. Une gestion parfois délicate comme sur le tournage de Nos Funérailles, avec Chris Penn bourré sur le plateau – Ferrara avouant que lui-même à l’époque en tenait une bonne mais que le frère de Sean Penn était à un stade bien plus élevé –, tandis que Christopher Walken se porte plutôt sur une herbe aux pouvoirs médicinaux ! Avec des personnalités telles que Vincent Gallo, Benicio Del Toro et Isabella Rosselini sur le plateau, certaines journées de travail se montraient plus que mouvementées. Si des soucis de traduction viennent ralentir et troubler l’échange, ce dernier s’est montré de plus en plus intéressant au fil des minutes, la parole se déliant après quelques questions d’usage.
Le soir, au village du BRIFF, Ferrara est toujours présent parmi nous pour discuter avec les festivaliers. Si les bières Chimay et Spritz occupent les mains des festivaliers, c’est avec une bouteille d’eau que se promène désormais le réalisateur de Bad Lieutenant et de King of New York. Certains festivaliers enthousiastes par la découverte de Nos Funérailles et Tommaso sont heureux de pouvoir le féliciter en personne et d’échanger quelques mots avant de se résoudre à plonger dans sa vaste filmographie. C’est peut-être un élément qui fait la beauté de certains festivals : offrir un éclairage sur des artistes de renom pour les cinéphiles mais méconnus par le grand public, et offrir en parallèle un espace étendu pour les talents émergents.

Alors on danse , comme dirait Stromae

Le festival s’étant achevé samedi soir, je vous invite à découvrir le palmarès sur le site officiel.
Merci aux équipes du Brussels International Film Festival pour leur accueil, leur gentillesse et leur disponibilité et tout particulièrement à Sophie Sallin, Noëmie Nicolas et Diane Malherbe – et puis également à Thibault Van De Werve, qui oeuvre pour un autre festival entre autres. Je leur souhaite le meilleur pour l’avenir de ce bel événement.
On se quitte avec un petit portfolio bruxellois :

Article rédigé par Dom

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