Les Arcs 2018 : Nuit savoyarde

En cette troisième journée de festival, seul un film aura été découvert, l’excellent Smuggling Hendrix, mais la nuit aura été longue avec la remise de prix de l’Industry Village, un concert de jazz, un bowling festif et encore bien d’autres choses !

Parfois j’ai l’impression que le hammam a été inventé pour les lendemains de soirée. On y croise aucun festivalier et pourtant il suffit de deux ou trois sessions de dix minutes pour se sentir régénéré, d’attaque pour affronter à nouveau les températures négatives et les chutes de neige, de gagner l’antre d’un Taillefer baignant dans une brume épaisse pour découvrir en début d’après-midi le film chypriote de la compétition, Smuggling Hendrix de Marios Piperides.

Yiannis (Adam Bousdoukos) semble à la dérive : cinq mois de loyers impayés, la peur d’être retrouvé par des petites frappes et de croiser la route de son ex, Kika (Vicky Papadopoulo). Ce n’est pas la joie pour ce guitariste qui s’apprête à quitter Nicosie et Chypre définitivement dans 3 jours, pour s’offrir un nouveau départ en Hollande. Seulement son chien Jimi, qu’il avait eu alors qu’il vivait avec Kika, se fait la malle et passe dans la zone turque de la ville. Yiannis passe par la zone tampon, et retrouve son chien grâce à l’aide de soldats turcs. Mais voilà, au poste grecque, on lui refuse de revenir avec son fidèle compagnon, qui se trouvait alors dans une zone en dehors de l’Union Européenne. Débute alors des tribulations qui vont le conduire à demander de l’aide à un turc né dans la zone tampon, et donc sans papier, Turberk (Özgür Karadeniz), qui lui fera rencontrer un trafiquant, Hasan (Fatih Al). Energique, cette comédie au propos politique fort nous détaille la triste situation de Nicosie, ville enlisée dans un morcellement qui entrave les libertés individuelles, attisant la haine entre des populations qui partagent une même île. Grâce à des comédiens charismatiques et un chien qui aurait décroché la Palme Dog sans problème si le film était passé par Cannes, Smuggling Hendrix développe un point de vue intelligent tout en creusant le portrait de ses personnages qui rêvent d’une vie meilleure dans l’Europe occidentale. Touchant, drôle et parfois bercé d’une douce mélancolie lorsque Kika se retrouve impliquée dans la quête pour récupérer Jimi, le film de Marios Piperides s’avère brillant et ce, en restant sobre dans sa mise en scène au plus près de ses personnages, y compris ce petit chien dont l’innocence et l’entrain émerveillent. Comment abolir les frontières, les murs, et offrir la liberté ?

Le cinéaste est présent en compagnie de sa productrice pour nous parler de la genèse du projet suite à la projection. Ayant grandi à Nicosie, la problématique du territoire morcelé est quelque chose avec laquelle il a toujours vécu, et c’est en entendant par des amis des histoires de chiens ayant pu traverser dans le sens du territoire grec vers le territoire turc sans pouvoir revenir qu’il a eu l’idée de faire ce film. Film qui fut tourné entièrement du côté grec pour des raisons d’autorisation de tournage, avec une chienne dénichée en Hollande et qu’il a fallu habituer à la chaleur locale. Elle ne pouvait d’ailleurs que tourner trois heures par jour – le tournage s’est étalé sur 40 jours. Pour l’instant, le film n’a pas encore été projeté à Chypre et Marios Piperides ne sait pas encore quel accueil lui sera réservé.

Il est difficile d’enchaîner les séances et événements au cours de ce festival, qui impose de faire des choix terribles. Un déplacement entre le village des Arcs 1950 et les Arcs 1800 demande entre 40 et 60 minutes. Le midi, la piste des stars a été inaugurée mais je n’ai pas pu y assister : des panneaux signés par des personnalités seront disposés sur les pistes, ci-dessus celui d’un célèbre réalisateur danois.

Suite à la projection au Taillefer, je décide de remonter pour participer aux activités en dehors des salles aux Arcs 2000, déjà à l’hôtel Taj-I-Mah où se tient la cérémonie de clôture de l’Industry Village. Il m’était impossible de prendre des notes sur les divers lauréats, mais sachez que des projets de films sont primés et bénéficieront d’aides aux développement. Girl de Lukas Dhont avait été primé avant de connaître son joli parcours, notamment au Festival de Cannes. Un cocktail est offert par Blue Efficience, société luttant contre le piratage, avant que ne débute un excellent concert de jazz, mené par le saxophoniste Stefano Di Battista – Manu Katché devait être le batteur pour cette soirée, mais sa venue est annulée pour des raisons de santé. C’est donc un quatuor entièrement italien qui nous conduit dans 90 minutes d’ivresse musicale, avec un vrai jeu avec le public. Performance parfois ternie par le manque de respect de la part de certains invités bavardant tout au long du live. Mais cela n’entache pas la joie communicative des ces musiciens aguerris, au talent explosif.

La soirée se poursuit au bowling, avec moult bières, et les festivaliers s’affrontent sur les pistes dans la bonne humeur. Je redescends avant la fin pour retrouver le chalet perché nomade pour discuter cinéma autour de cocktails à base de rhum. Le pianiste est déjà congédié à mon arrivée et ce sont des DJ qui animent l’appartement. Malgré un réveil prévu à l’aube pour le petit déjeuner à l’Aiguille Rouge, je me retrouve happé par des camarades dans l’endroit le plus fréquenté par les festivaliers la nuit : O’Chaud. C’est toujours sympathique, mais le DJ semble bloqué sur les mêmes playlists depuis que je me rends à ce festival, donnant l’impression de répéter la même soirée encore et encore. Seules certaines têtes changent : on peut croiser Ramzy Bédia et Johan Libéreau. En sortant, on commence à parler des gilets jaunes avec un festivalier polonais, qui pense que chez lui, le peuple serait incapable d’une telle démonstration. On évoque les violences policières, la casse, et soudain, un regard sur ma montre m’impose de filer avec la certitude de connaître un réveil difficile.

Article rédigé par Dom

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