Les Arcs 2016 : cinéma engagé

En vrac, 5 longs métrages découverts ces derniers jours au Festival de cinéma européen des Arcs, des œuvres qui font aussi rimer le cinéma engagé avec le cinéma enragé. Et peut-être que l’on a découvert le futur grand prix du festival, en photo ci-dessus, Glory.

Suite à un petit coup de froid, mes activités aux Arcs se sont limitées à des projections sans extra dans la neige. Pas de fête à l’igloo ni de petit déjeuner en haute altitude mais de belles projections.

fixer

Avec Fixeur, le réalisateur roumain Adrian Sitaru peut prétendre à une place au palmarès. Un fixeur est un intermédiaire entre un sujet et des journalistes, un journaliste en devenir. Radu (Tudor Istodor) est sur une affaire : une prostituée mineure a porté plainte contre un client à Paris et a été rapatriée en Roumanie où elle est protégée par une institution religieuse. Radu doit décrocher à tout prix une interview avec la jeune fille avec des journalistes français, et face aux portes fermées, ils ne cesseront d’insister pour obtenir quelques minutes avec Anca. Le film traite de la violence faite aux mineurs avec un large spectre, il y a d’une part le manque de respect aux victimes au nom du journalisme d’investigation, mais aussi la violence ordinaire pratiquée dans le cadre familial, Radu se montrant extrêmement dur avec son beau-fils vis à vis de ses compétitions de natation. Dans un geste à la Cristian Mungiu, Sitaru capte avec finesse les paradoxes d’une société qui méprise l’autre, d’un milieu qui, pensant panser des plaies, ne fait que les rouvrir. Un film fort et marquant.

zoology

Dans un genre différent, Zoology est une fable qui cache un propos politique dénonçant le régime russe. Natasha (Natalya Pavlenkova), une quadragénaire, travaille dans un zoo et mène une vie de solitude, vivant toujours chez sa mère. Natasha est la risée de ses collègues et le pire est à venir pour elle : une queue lui pousse à la base de son dos. En ville, une rumeur se propage à propos d’une envoyée du diable. Ne trouvant aucune aide du côté de la médecine (et encore moins de celui de l’eglise), Natasha va vivre une aventure avec un radiologue, bouffée d’oxygène qui va lui donner une seconde jeunesse, mais jusqu’à quel point ? Ivan I. Tverdovskiy oppose la monstruosité physique à la monstruosité des préjugés. Car Natasha, souffrant de sa condition, déborde d’humanité, d’envie d’aimer et d’être aimée. Filmé entièrement en caméra épaule, ce curieux objet cinématographique manque quelque peu de vigueur, notamment à cause de ses longs plans suivant son héroïne. Singulier.

pyromaniac

Le norvégien Pyromane ne risque pas de mettre le feu à la compétition. Inspiré de faits réels, il suit le parcours d’un jeune pompier pyromane. L’action se déroule en Norvège, dans un petit village effrayé par ces maisons disparaissant dans les flammes. Le réalisateur Erik Skjoldbjærg veut en faire trop avec sa caméra, souvent en mouvement sans raison, mais surtout, il ne parvient pas à nous intéresser à son personnage principal, Dag. Même sa fascination pour le feu peine à émerger. S’attachant à la famille du jeune homme, le film saisit toutefois le mal que Dag inflige à sa mère et à son père, capitaine vieillissant des pompiers. Soporifique.

glory-2

Glory est mon coup de cœur de la compétition. Ce film bulgare, réalisé par Kristina Grozeva et Petar Valchanov, confronte l’honnêteté d’un citoyen ordinaire à la bassesse et la corruption de l’administration. Tsanko (Stefan Denolyubov), cantonnier, découvre sur les rails une véritable fortune, un amas incroyable de billets. Alors qu’il aurait pu se remplir les poches et mener une nouvelle vie, le cheminot va prévenir la police. Moqué par ses collègues, il va être invité au Ministère des Transports pour être célébré comme un héros. Et là le film va dérailler, tout d’abord à cause de Julia Staykova (Margita Gosheva) des relations publiques, personnage détestable au plus haut point par son manque de respect total pour les autres. Pour la cérémonie, elle retire à Tsanko sa montre, une Glory offerte par son père, afin qu’il reçoive une nouvelle montre de la part du ministre. Alors que le ministre propose à Tsanko de lui poser une question, celui-ci lui signale qu’il aimerait que leurs salaires en retard leurs soient versés mais aussi qu’il sait qui sont les personnes qui dérobent du fuel. Le ministre ne veut rien entendre. De retour chez lui sans sa montre, Tsanko va harceler Julia pour la récupérer. Cette dernière, qui s’en contrefiche, va mépriser le héros des chemins de fer qui ira alors raconter son histoire à un journaliste… Tsanko est un héros avec une grande force comique : il y a son bégaiement qui provoque de nombreuses situations drôles mais aussi sa détermination touchante à récupérer sa montre. Pourtant, l’humour du film va déboucher sur une situation critique et désespérante, situation dans laquelle Tsanko se retrouvera véritablement broyé. Face à un système corrompu et déshumanisé, quel comportement adopter en tant que citoyen ? Si Glory n’a pas de réponse à livrer, il s’achève avec rage et amertume. Peut-être la Flèche de Cristal !

magnus

Enfin, cinquième film de cette chronique, le documentaire Magnus de Benjamin Ree, consacré au champion d’échecs norvégien Magnus Carlsen. Le film suit le jeune joueur d’échecs dès le plus jeune âge – donnant une désagréable sensation de voyeurisme. On y découvre un enfant introverti, passionné par les chiffres et les maths, et c’est donc son père qui lui a ouvert le chemin vers ce jeu. Rapidement, le garçon obtient d’excellents résultats dans des championnats nationaux puis européens avant de se lancer dans des compétitions internationales où il tiendra tête à Kasparov. Joueur au cerveau exceptionnel, capable de mémoriser dix tables et de jouer les yeux bandés, Magnus est un joueur qui s’avoue se laisser aller à l’intuition parfois, pour le meilleur et pour le pire. Classique documentaire sur l’avènement d’un champion, le film de Benjamin Ree s’avère toutefois prenant.

Article rédigé par Dom

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