On ira tous au cinéma

Ce week-end, suite aux terribles événements survenus à Paris le 13 novembre 2015, les salles obscures parisiennes ont été gagnées par les ténèbres les plus profondes. Puisque c’est notre culture qu’ils visent, c’est avec notre culture que nous allons riposter, encore et encore.

On se souviendra tous de ce que nous faisions à ce moment là. Avec deux amis qui écrivent aussi sur le cinéma, nous débutions la soirée sur un jeu vidéo en ligne. Un vrai moment de rigolade, devenu un rituel aléatoire pour nous, au gré de nos disponibilités. Aucune envie de regarder le match amical qui opposait la France à l’Allemagne, bien que j’adore le foot, et aucune envie (ni moyen) de voir les Eagles of Death Metal, que je suis depuis leur second album. Break pour regarder des films, chacun de notre côté. J’allais lancer La Dernière Tentation du Christ de Scorsese car j’aimerais me rendre à l’exposition à la Cinémathèque en ayant vu toute la filmographie du cinéaste new-yorkais, mais habitude oblige, je jette un coup d’œil aux messages sur Twitter avant. Un hashtag a envahi ma timeline : #fusillade. On évoque des quartiers, on parle d’explosions au Stade de France, on parle d’une attaque au Bataclan, où se tient le concert des Eagles of Death Metal. La tranquillité du quotidien sombre dans l’horreur. L’après-midi, j’avais échangé quelques mots avec une copine heureuse de se rendre au concert. Les assaillants sont toujours dans la salle, le mot « prise d’otage » tombe comme un coup de massue. Où est-elle ? Vague de tweets et SMS, je ne suis pas le seul à m’inquiéter, et au fur et à mesure que je reçois des nouvelles de proches, en lieu sûr, impossible de savoir si elle va bien. Et puis, avec le flux des connaissances, la nouvelle arrive enfin : elle est sortie, blessée, mais dehors. Un soulagement qui n’atténue en rien le choc, la brutalité de ce qui se déroule encore. Car tous ne sont pas sortis du Bataclan en vie, tous n’ont pas regagné leur foyer après un dîner, leur service, un simple verre pour marquer la fin de la semaine.

Le Petit Carillon, hier. Photos : REUTERS/Jacky Naegelen

Le Petit Carillon, hier Photos : REUTERS/Jacky Naegelen

Cette nuit du vendredi 13 novembre 2015, les terroristes nous ont atteint en volant lâchement l’âme d’amis ou d’inconnus, d’enfants ou de parents, de connaissances ou de personnes que nous n’auront jamais l’occasion de côtoyer. Des citoyens ordinaires, comme vous et moi. Nous sommes tous touchés et meurtris par cet événement, un « nous » qui ne se limite pas à Paris et encore moins à la France, un « nous » qui désigne une pluralité débarrassée de toute frontière, une pluralité qui dépasse les convictions politiques et religieuses, les goûts et les couleurs. Nous qui aimons jouir de ce que nous offre notre société, des lieux pour se divertir, des lieux pour se cultiver, des lieux de partage et de convivialité. Malgré la douleur, il est essentiel de continuer à sortir, à s’instruire, à partager et à s’émerveiller. S’arrêter serait concéder une victoire au terrorisme et à l’obscurantisme.

shia-labeouf-allmymovies

Du 10 au 12 novembre, l’acteur Shia LaBeouf s’était lancé dans une performance unique, regarder l’intégralité de sa filmographie dans un cinéma de New-York, ouvert gratuitement au public. Une performance filmée et retransmise en direct. Trois jours durant, nous pouvions le regarder se regarder dans un processus qui généra un florilège de qualificatifs : génial, grossier, narcissique, idiot, fascinant, drôle, pathétique … Chris Beney s’est d’ailleurs livré à une intéressante analyse sur Vodkaster. Quoi que l’on puisse en penser, Shia LaBeouf a redonné à la salle de cinéma ses lettres de noblesse, car si en tant qu’internautes, nous pouvions regarder le comédien et quelques spectateurs proches de son siège, nous ne pouvions ni entendre, ni voir ce qui se déroulait sur la toile. Il y avait les témoins, passifs, et les spectateurs, actifs. Il fallait y être. Il faut aller au cinéma.

Si les critiques sont plus sporadiques ici ces derniers temps, c’est que mon activité aussi liée au cinéma me demande de plus en plus de temps, du temps que je prends sur la rédaction d’articles plutôt que sur le visionnage toujours aussi avide de films. Il y a quelques semaines, je participais à l’enregistrement de la 4ème émission du Festival des Bons Films – vidéo ci-dessus. Nous y parlons notamment de Seul sur Mars, Le Fils de Saul, The Walk : rêver plus haut, Le Conformiste et The Lobster. Allez voir ces films. Mercredi arriveront en salle le Macbeth de Justin Kurzel, la nouvelle comédie de Judd Apatow, Crazy Amy, le dernier épisode de la saga Hunger Games, El Club de Pablo Larraín, et bien d’autres, dont les retours de Out 1 : Noli me tangere et des Blues Brothers. Il faudra aller voir ces films.

Nous allons panser nos plaies en continuant à voir des films, à savourer l’acte d’aller voir des films, bons ou mauvais, nous allons continuer à trinquer en terrasse, suer dans la fosse des salles de concert, vibrer devant les prouesses de nos sportifs préférés. La culture, le sport, notre ouverture d’esprit, notre amour du partage et de la fête, notre liberté sont autant d’éléments qui nous distinguent de ces monstres, nous élèvent au-dessus de leur minable condition. Leur patrie est la lâcheté, leur vraie religion, la haine. Jamais ils ne détruiront les valeurs qui nous animent, jamais il n’ébranleront la culture que nous chérissons.

City Girl - F.W. Murnau

City Girl – F.W. Murnau

Les Chaussons rouges - Michael Powell & Emeric Pressburger

Les Chaussons rouges – Michael Powell & Emeric Pressburger

Diamants sur canapé - Blake Edwards

Diamants sur canapé – Blake Edwards

Andrei Roublev - Andrei Tarkovski

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Chat noir, chat blanc - Emir Kusturica

Chat noir, chat blanc – Emir Kusturica

Holy Motors - Leos Carax

Holy Motors – Leos Carax

Article rédigé par Dom

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