Cannes 2015 : du social aux fables

Cannes 2015, premier jour ! Les festivités débutent avec la découverte de deux films (sur trois), La Tête haute d’Emmanuelle Bercot et Tale of tales de Matteo Garrone. Récit d’un démarrage un peu délicat.

Parenthèse sur la soirée de mardi : il aura suffi d’une petite pause sur la croisette pour apercevoir Guillermo Del Toro à bord d’une voiture officielle. Tout sourire, le cinéaste mexicain, membre du jury, semble enchanté par le soleil rayonnant, la vision de l’animation qui débute tout juste et du festival ajustant ses derniers détails avant de débuter. Un grand enfant émerveillé. La nuit tombée, les festivaliers sont déjà nombreux au Petit Majestic pour aborder leurs attentes autour d’un verre : l’excitation est déjà dans l’atmosphère.

La Tête haute © Luc Roux

La Tête haute © Luc Roux

Affluence assez phénoménale pour une projection presse matinale en ce jour de coup d’envoi. A peine entrés dans Debussy, la salle est plongée dans le noir. Nous nous plaçons sur les sièges restant sur les ailes du balcon, nous obstruant alors une bordure de l’écran. La Tête haute d’Emmanuelle Bercot ouvre donc les festivités après la cérémonie à 19h. D’abord plombant dan son exposition, insistant sur la difficulté d’une mère (Sara Forestier) à gérer son fils aîné de 6 ans, Malony – qui sera joué par Rod Paradot à l’âge de 16 ans. C’est le parcours d’un adolescent qui flirte avec l’incarcération, voguant d’éducateurs en centre d’éducations, suivie par une juge pour enfant campée par une Catherine Deneuve toujours impériale. Au détour d’une porte ouverte, une adolescente au profil physique – coiffure, vêtements, boucle d’oreille à droite – similaire à Malony permet au film de prendre son envol rédempteur : le récit se densifie, s’intensifie en développant les liens entre ses différents personnages, le rapport entre redressement et protection de la juge envers Manoly, l’accompagnement dur mais nécessaire de Yann (Benoît Magimel), la lueur d’espoir portée par Tess (Diane Rouxel). Il est question d’aide dans ce film mais aussi d’amour, où tout procède d’une mère irresponsable bien qu’attachée à ses deux fils – à ce propos, Sara Forestier, affublée d’un dentier, s’avère parfois ridicule face à la justesse des autres comédiens. La mise en scène alerte d’Emmanuelle Bercot travaille aussi des séquences plus esthétiques, des raccords émouvants – superbe fondu avec une main ouverte contenant Catherine Deneuve –, des cadres évocateurs. En évitant les clichés et tout discours manichéen, La Tête haute offre un regard touchant sur ces jeunes perdus, blessés, d’origines diverses. Qu’il est difficile de (re)trouver le droit chemin dans un univers verrouillé par les procédures. Cannes s’ouvrira donc sur une note à l’opposé du glamour fade de ses deux précédentes éditions – Gatsby le magnifique et Grace de Monaco – pour explorer le réel, un sujet difficile, porté par ses comédiens – Rod Paradot est une jolie découverte avec sa fougue et sa sensibilité à fleur de peau – et une belle approche filmique. Un récit à l’écriture profonde, un drame sincère et touchant : le 68ème Festival de Cannes commence avec une réussite.

Première déconvenue à 13:00, Notre petite sœur d’Hirokazu Kore-eda est projeté dans la petite salle Bazin au 3ème niveau du palais : aucun badge jaune – ma catégorie – et bleu ne peut rejoindre les sièges face à l’arrivée en masse de badges supérieurs. Prévisible. Deuxième chance à 16:00 aussi infructueuse : il faudra voir le film jeudi, au détriment d’un autre film de la compétition, Le Fils de Saul.
Avec ce raté complet, il n’y a plus qu’à parcourir la croisette, déjà très peuplée alors que les diverses plages privés ouvrent timidement leurs portes. A défaut de vous parler du Kore-Eda, voici quelques photos du Carlton :

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Jury Longs métrages - Montée des marches © AFP Bertrand Langlois

Jury Longs métrages – Montée des marches © AFP Bertrand Langlois

A 18:00, la première montée des marches débute. Il y a foule et pléthore de stars : sur le tapis rouge Naomi Watts, Xavier Beauvois, Natalie Portman, l’équipe de La Tête haute, les membres du jury, mais il ne faut pas s’attarder car en parallèle de la cérémonie d’ouverture, la presse découvre Tale of tales de Matteo Garrone en salle Debussy – séance à laquelle j’ai pu assister à l’aide d’un de mes anges gardiens cannois que je remercie !

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Le conte des contes en français s’inspire librement de l’oeuvre de Giambattista Basile, qui inspirera plus tard Charles Perrault et les frères Grimm. Trois fables se déroulent en parallèle : l’histoire d’une reine qui veut un fils à tout prix, jouée par Salma Hayek, celle d’un roi libidineux (Vincent Cassel) qui cherche les faveurs d’une femme dont il a seulement entendu la voix, et celle d’un roi obsédé par une puce (Toby Jones) jusqu’à sacrifier le destin de sa propre fille. Curieux et inégal, Tales of tale oscille longtemps entre la vulgaire vanité et la fable ironique jusqu’à se débarrasser de façon inattendue de ses faiblesses. Si le segment avec Salma Hayek se montre moins fort avec ses albinos, celui avec Vincent Cassel s’avère drôle et malicieux – et il permet aussi de revoir enfin Stacy Martin (Nymphomaniac) sur grand écran ! Une fois les trois récits bien lancés, le film surprend par sa capacité à jongler avec les tons, et la crainte d’une pure démonstration de mise en scène de la part du réalisateur italien disparaît par son traitement si soigné et libre d’un monde fantastique, où l’on peut côtoyer des ogres, sorcières et créatures innommables, des paysages enchanteurs et châteaux impressionnants. La photographie du film est absolument remarquable, et l’univers visuel se veut tantôt baroque, tantôt moderne, exploitant des artifices numériques et plus classiques – notamment avec les diverses créatures mais aussi avec les décors. Autre point marquant, cette galerie de personnages et de visages, angéliques, maléfiques, hors du commun, monstrueux et gracieux, enfantins et vieillots. L’horreur et la féerie valsent au rythme d’une douce musique composée par Alexandre Desplat jusqu’à réunir énigmatiquement les trois royaumes. Au final, ne serait-ce pas une grande et folle illustration de la justice que compose Matteo Garrone ? Une part de mystère subsiste avec cette première singulière expérience de la Compétition Officielle.

En quittant Debussy, la nuit est tombée. La séance suivant la cérémonie d’ouverture n’est pas terminée : dehors, aux abords du tapis rouge, les stars sont attendues. Sur la croisette, quelques plages envoient déjà de la musique électronique sous leurs chapiteaux, mais il est encore trop tôt pour la grande fiesta. Pour moi, malgré le double échec du Kore-Eda, c’est une journée suffisamment remplie : je me réserve pour les nuits à venir. Quoi qu’il en soit, l’ouverture des autres sélections jeudi permettra aux festivaliers de se disperser sur les différents sites, ce qui devrait, je l’espère, diminuer le taux d’échec pour les jours à venir.

Le plan parfait du lendemain :
Première séance de Mad Max : Fury Road à 8:30 au Grand Théâtre Lumière, enchaîner avec An de Naomi Kawase en ouverture d’Un Certain Regard ou bien Le Géant endormi à la Semaine de la critique, assister à la conférence de presse de Miranda Kerr à la Plage Magnum, rattraper Notre Petite soeur à 16:00 au Grand Théâtre Lumière, assister à la projection du film Les Anarchistes en ouverture de la Semaine de la critique, retourner à la Plage Magnum pour le show de 2 Many DJ’s en présence de Miranda Kerr. En option : se nourrir.
>> Jour 2 : Furieux et glamour

Article rédigé par Dom

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