Critique du film Jupiter : le destin de l’Univers

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Sans surprise, le nouveau film des Wachowski s’inscrit directement dans la lignée de Cloud Atlas. Si la plupart des fans de leur précédent long métrage seront donc aux anges, les autres spectateurs devraient rester sur la touche. Explications dans cette critique de Jupiter : le destin de l’Univers.

Grandeur et décadence

D’aucuns pourraient défendre le dernier né des Wachowski en avançant le simple argument qu’il faut défendre ces blockbusters originaux – c’est à dire, qui ne sont ni des adaptations de comics ou de romans, ni des remakes ou reboot. Certes, la science-fiction mais aussi le cinéma d’action ont besoin d’un souffle de fraîcheur qui ne peut passer que par la créativité d’auteurs passionnés et de réalisateurs ambitieux. Seulement, depuis Cloud Atlas, la créativité et l’ambition des Wachowski mènent à des œuvres protéiformes, notamment en matière des genres, qui peinent à séduire. Il y a une envie d’aborder une flopée de thématiques dans un même film, de déployer un univers et de le visiter dans ses moindres recoins. Dans cette recherche de grandeur, de grand spectacle inédit, les Wachowski échouent, et bien plus que dans leur interminable film choral Cloud Atlas, dont on retrouve ici certains schémas et idées, comme sur le karma. Dans un futur proche, la jeune Jupiter (Mila Kunis), immigrée russe avec les siens à Chicago vit de petits ménages. A l’autre bout de la galaxie, une dynastie royale la convoite à des fins mystérieuses, mais heureusement pour elle, Caine Wise (Channing Tatum), un Lycanthien, va se charger de sa protection. Véritablement intriguant dans ses premiers segments, jusqu’à une folle course-poursuite urbaine et aérienne alternant entre moments de bravoure et de pure confusion – lorsque les protagonistes se retrouvent à utiliser le même vaisseau que leurs ennemis, il devient impossible de distinguer qui se trouve dans quel appareil –, Jupiter : le destin de l’Univers s’auto-consume au fil des minutes, se noyant dans son jargon et dénominations qui complexifient un fil narratif pourtant simple : la planète Terre est convoitée au travers d’une princesse réincarnée. D’après les cinéastes, la première version du scénario s’étendait sur 600 pages. Dans le domaine de la production, on considère qu’une page correspond à une minute de film, environ. Ce qui signifie que le film imaginé initialement aurait pu s’étendre sur 10 heures ! N’aurait-il pas été judicieux alors de se tourner vers un autre format, comme la série, en prise de vue réelle ou animée ? Car c’est peut-être aussi un des problèmes majeurs du film, composer un univers vaste, avec de nombreux personnages qui ne parviennent pas à être incarnés en si peu de temps. Comme si une trilogie avait été compilée en deux heures, devant présenter aux spectateurs son univers, ses enjeux, ses protagonistes, et se jeter dans une aventure qui ne révolutionne en rien le domaine de la science-fiction, et qui fait d’ailleurs écho en certains points à ce qui reste et restera peut-être toujours l’unique film exceptionnel des Wachowski, Matrix.

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En matière de direction artistique, Jupiter : le destin de l’Univers présente quelques idées sublimes toujours contrebalancées par un mauvais goût prononcé. La splendeur côtoie le kitsch et le toc, et au milieu de ce méli-mélo, les comédiens doivent y croire. Et malgré ses oreilles pointues, Channing Tatum y croit, et nous emporte vraiment lors de quelques séquences d’action où il exploite ses bottes antigravité en toute situation. Hélas, Mila Kunis, au cœur du film, n’y croit pas une seconde, livrant probablement l’une de ses pires performances au cinéma. Au cœur des fonds verts, face à des créatures au look s’alignant maladroitement sur le bestiaire de Star Wars, l’actrice révélée dans la série That 70’s show semble dépassée. Et si rapidement, les séquences d’action montrent leurs limites, notamment en matière de lisibilité et d’intensité – et de sound design, avec des armes qui sonnent comme des jouets –, les scènes de confrontations verbales ne présentent pas plus d’intérêt dans une œuvre qui porte pourtant un sens de la dramaturgie shakespearienne. Le sang royal, notamment représenté par un Eddie Redmayne horriblement grimé et Douglas Booth, manque de convaincre, tout comme la mise en scène des Wachowski. Les dialogues les plus importants sont filmés avec une caméra qui tourne autour du visage des comédiens sans ambition sémantique, la coupe venant lorsqu’un visage obstrue le champ. Quant aux quelques scènes de comédie, avec la famille russe sur Terre, elles s’avèrent ridicules de cliché, déployant un humour tout aussi inefficace que l’épisode à la maison de retraite dans Cloud Atlas. A vouloir surfer sur les genres, les Wachowski se dirigent une fois de plus vers leur propre déclin dans une entreprise dont les grandes lignes s’éloignent guère des adaptations de romans à succès pour adolescents, entre Hunger Games et Divergent. Ces films partagent d’ailleurs les mêmes défauts : artificialité des enjeux, mépris total ou partiel de la mise en scène, intérêt limité au-delà du cercle de fans. Mais contrairement à Jupiter : le destin de l’Univers, ces adaptations sont de juteux filons, et on peut s’interroger sur l’avenir des Wachowski dans le 7ème art, ou du moins, dans le microcosme féroce des superproductions.

2 étoiles

 

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Jupiter : le destin de l’Univers

Film américain
Réalisateurs : Andy Wachowski, Lana Wachowski
Avec : Mila Kunis, Channing Tatum, Sean Bean, Eddie Redmayne, Douglas Booth
Titre original : Jupiter Ascending
Scénario de :
Durée : 127 min
Genre : Science-fiction, Aventure, Action
Date de sortie en France : 4 février 2015
Distributeur : Warner Bros. France

Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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