[Cannes 2014] #08 Maman(s)

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Trois films en compétition dont une véritable pépite. Mercredi 22 mai, c’était The Search, Adieu au langage et Mommy. Photo ci-dessus, Anne Dorval dans Mommy.

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Quatre destins se croisant durant la seconde guerre de Tchétchénie, telle est la volonté de Michel Hazanavicius dans son nouveau film présenté à la presse à 8h30. The Search est pourtant inspiré d’un film homonyme de Fred Zinnemann qui, bien entendu, prenait pour cadre un autre conflit. La film débute par un plan séquence tourné au caméscope par un soldat russe. La scène se déroule au mois d’octobre 1999, dans une ville totalement ravagée par la guerre. Derrière son viseur, le soldat crache allégrement sur ce « pays de merde » qu’ils ont envahi afin d’exterminer de soit disant terroristes. Attiré par un interrogatoire, le soldat film l’exécution brutale d’un couple de simples villageois sous les yeux de leur fille. Le sort de cette dernière ne sera pas fatal mais tout aussi dramatique. Les cris d’un bébé attire alors l’attention des soldats et c’est ici que débute le parcours des quatre protagonistes du film, tous liés ou amenés à se rencontrer suite à cet acte barbare. Le petit Hajit (Abdul-Khalim Mamutsiev) a vu ses parents mourir sous ses yeux et du haut de ses neuf ans, il doit fuir avec son nourrisson de frère. Carole (Bérénice Béjo) travaille à la Commission des Droits de l’Homme et sera amenée à rencontrer et héberger cet enfant mutique, traumatisé par le choc. On retrouvera la sœur de Hajit, Kolia, à la recherche de ses deux frères et il y a comme dernière ligne narrative le parcours d’un adolescent forcé à rejoindre les rangs de l’armée russe. Malgré une caméra épaule pour favoriser l’aspect documentaire, la photographie du films aux couleurs et contrastes travaillés l’éloignent de tout réalisme de type docu-fiction. Un peu maladroit dans le lancement de ses différentes histoires, The Search va devenir prenant grâce au parcours du petit garçon qui mériterait d’être considéré pour le prix d’interprétation. La relation qu’il développe avec Carole attendrit et trouve de vrais moments de grâce comme lors d’une scène de danse. Du côté des troupes russes, on découvre l’ignominie qui transforme l’adolescent en monstre, au fil des brimades subies au quotidien. Pour Carole, il est autant question d’établir la communication avec Hajit que d’alerter les nations unies afin de venir en aide au peuple tchétchène. Kolia gravite quant à elle dans la sphère de Carole au travers d’un centre pour les orphelins où elle offre son temps à ces derniers. N’hésitant pas à montrer les cadavres au plus près, Hazanavicius nous plonge dans la seconde guerre de Tchétchénie avec un axe frontal, sur lequel se greffe un imparfait mélodrame. Si l’on sent que le réalisateur n’est pas tout à fait à l’aise dans sa démarche, on lui accordera le mérite d’avoir donné à ces actes horribles et méprisables un témoignage relativement fort et touchant.

Parfois, on découvre des lieux de façon inattendue à Cannes, c’est le cas pour la plage Ciné Guinguette, où l’on m’informe qu’un concert d’Alex Beaupain se tiendra le soir même avec peut-être un passage au micro de Catherine Deneuve. Plage plus accessible que les autres présentes au cours du festival, la plage Ciné Guinguette se positionne dans un esprit radicalement différent, découlant de l’univers gitan. Si en ce lieu, les consommations sont payantes, l’ambiance semble être au rendez-vous comme le montrait des photos de la veille pour un concert autour de Géronimo de Tony Gatlif. Affaire à suivre de près !

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L’après-midi, événement avec le nouveau film de Jean-Luc Godard, en 3D, Adieu au langage. Sans la présence du réalisateur helvétique dans la salle, c’est sur le cri du cœur « Godard Forever ! » d’un spectateur, suivi par des applaudissements que la projection a débuté. Sans surprise, le film prolonge le travail de patchwork de Film Socialisme et du segment Les 3 Désastres de 3x3D. Sans réel fil narratif, on y suit un couple qui discute, chie l’un face à l’autre et fait l’amour. Oui, Godard ose tout, et c’est même à ça qu’on le reconnaît pour déformer une réplique d’Audiard. Dans Adieu au langage (voir parfois à l’écran, « Ah Dieux »), Godard navigue entre génie et moquerie, aphorismes percutants et petites provocations. La plaisanterie sur la 3D ne nous est pas épargnée avec deux enfants jouant avec trois dés au cours d’un plan… Comment ne pas être navré quand on entend un personnage déclarer que « la pensée se retrouve dans le caca » ? Mais comment ne pas saluer le travail du cinéaste qui réalise probablement ici le premier film en 3D qui ne pourra pas être vu en 2D, du moins, sans trahir la mise en scène. Malin, Jean-Luc Godard est le premier réalisateur à envoyer une image différente à chaque œil, créant d’étonnantes scènes – mais aussi désagréables à regarder – où deux points de vue s’associent, se mélangent pour aussi se rejoindre dans un mouvement de caméra – applaudissements dans la salle. Ce procédé permet aussi au spectateur de choisir son plan, en fermant un œil. Lorsque l’on accompagne pas le couple joué par Zoé Bruneau et Kamel Abdelli, c’est un chien que l’on suit, mais quelle que soit la volonté profonde du film, Jean-Luc Godard nous perd, nous émerveille et nous assomme. Si son cinéma est assurément unique, l’excellent réalisateur de la Nouvelle Vague continue de travailler son image de génie irritant dans cette collection d’images hétéroclites et de sons bruts. A l’issue de la projection, les comédiens et producteurs reçoivent les applaudissements d’une salle majoritairement conquise – mais ne l’était-elle pas déjà avant même le début du film ?

Après moult hésitations pour me rendre à la projection presse de Mommy de Xavier Dolan, je prends la direction de la salle Debussy en espérant que mon attente payera : tout dépend du nombre de journalistes avec des badges plus prioritaires. Je parviens à accéder à la salle à peine une minute avant le lancement de la projection et me retrouve à regarder le film dans les marches du balcon, position des plus inconfortables mais le mal est vite oublié face au film le plus excitant de la compétition officielle.

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Pour son cinquième long métrage à tout juste 25 ans, Xavier Dolan entre en compétition officielle avec une comédie dramatique portée sur la mère, comme le fut sa première œuvre J’ai tué ma mère. Seulement Mommy se trouve à l’opposé de son premier long métrage, le conflit n’est pas dans le rapport entre la mère et son fils mais se situe dans un trouble comportemental de ce dernier, sorte d’hyperactivité qui peut le pousser dans des accès de violence. Ce film s’ouvre d’ailleurs sur Diane Després (Anne Dorval) allant chercher Steve (Antoine-Olivier Pilon) au collège suite à un incident : il a brûlé gravement l’un de ses camarades. Si le fils a un comportement excentrique et un langage grossier – merci aux sous-titres français pour certaines expressions québecoises –, la mère a aussi le sens de la répartie et ne se laisse jamais marcher sur les pieds. Entre eux, un véritable amour filial terni par les crises de Steve. Il est alors décidé de lui donner des cours à la maison, et c’est une enseignante du voisinage, Kyla (Suzanne Clément) à qui reviendra finalement la mission. Un triangle se forme et Steve, ayant perdu son père, se retrouve avec une mère supplémentaire, non pas en situation de concurrence de la mère biologique mais en complément, comblant ce que Diane ne peut pas apporter à son fils. La particularité de ce long métrage se trouve dans son format vertical, audace formelle qui amplifie l’intimité des gros plans et dirige avec précision le regard du spectateur avec les mouvements de caméras. La lumineuse et acidulée photographie d’André Turpin fait de chaque plan une merveille de couleurs, un délice de chaque visage. Comme dans Laurence Anyways, Mommy est parcouru par de belles séquences musicales piochant dans un répertoire éclectique (Céline Dion, Oasis, Andrea Bocelli, …). Impossible de ne pas être emporté par la fougue de cette famille singulière, en état de lutte pour sauver Steve de ses propres démons sans ébranler l’amour profond entre ces êtres. Avec des actrices formidables et un jeune acteur énergique, Mommy nous conduit à rire et à nous émouvoir, à vibrer, tout simplement. Sans nul doute le film le plus maîtrisé de Xavier Dolan, en lice pour une Palme d’or qui serait bien méritée tant son film détonne fabuleusement avec les autres œuvres en compétition.

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La soirée continue sur un bateau, étant plus proche de la Pantiero que des plages pour rejoindre la soirée Alex Beaupain à Ciné-Guinguette. Et c’est toujours dans les environs du port, à la soirée de la Guadeloupe que se sont poursuivies les festivités nocturnes dans une ambiance bon enfant.

Prochain point avec Incompresa et Leviathan, avant-dernier film de la compétition officiel.

Article rédigé par Dom

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