[Cannes 2014] #03 Deux extrêmes

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Vendredi 16 mai 2014, journée des extrêmes : à Un Certain regard, il était possible de découvrir La Chambre bleue de Mathieu Amalric, affichant la modeste durée de 96 minutes tandis que la Sélection officielle dévoilait Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan, 196 minutes. Résumé de cette troisième journée de festival riche en émotions.

Ce matin, en Salle Debussy, c’est Mathieu Amalric qui ouvrait le bal avec La Chambre bleue. On pouvait apercevoir à l’orchestre des acteurs comme André Dussollier, Willem Dafoe ou encore Clotilde Coureau, venus découvrir le film de leur compère. Adapté du roman éponyme de Georges Simenon, le nouveau Amalric brille par la fluidité de sa narration, revenant sur de belles scènes d’amour entre un homme et sa maîtresse alors qu’il fait face au gendarme pour une déposition : quelqu’un est mort. A la fois acteur et réalisateur, le cinéaste français trouve une véritable maestria dans la dominance des plans fixes, délicate poésie de gros plans sur les corps et visages, saisissants de beauté sur les plans larges et inserts.

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L’adultère entretenu plusieurs mois et filmé avec passion aura donc mené au tragique. Oui, mais comment et pourquoi ? C’est en suivant le travail de la justice pour arriver jusqu’à la sentence finale que le spectateur rassemble aussi les pièces à conviction de ce puzzle captivant. Habité par l’amertume d’une belle histoire brisée soudainement comme un beau vase tomberait d’un meuble, La Chambre bleue diffuse au travers de sa belle bande originale une mélancolie magnifique. Amalric, grand derrière et devant la caméra donne dans l’émotion à fleur de peau à Julien Gahyde qui a tout perdu, son foyer, et celle qu’il aimait « secrètement » – le couple d’infidèles, Esther (Stéphanie Cléau) étant aussi mariée, n’hésitait pas à s’exposer aux regards par la fenêtre de leur nid de volupté. Une fenêtre sur un adultère tragique, voici ce qu’offre Amalric en choisissant un format 1.33 devenu inhabituel pour un polar poétique, à l’éclat particulièrement séduisant.

Pour déjeuner à Cannes, il faut souvent courir d’un point à l’autre, et c’est dans ces instants que l’on croise inopinément des personnalités comme Thierry Frémaux, délégué général du festival ou encore le célèbre producteur Harvey Weinstein, agrippés à leur téléphone mobile.
L’après-midi se débuta au Grand Théâtre Lumière pour l’unique projection presse et de gala de Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan où apparurent les premiers problèmes d’organisations aux abords du palais. Certains festivaliers munis d’une invitation ou bien d’un badge presse patientant aux pieds du tapis rouge furent reconduits par les forces de l’ordre à un point de contrôle établi plus bas mais surtout après notre arrivée. Des festivaliers trouvant des brèches parmi les barrières municipales pour circuler furent même repoussés par des policiers peinant à gérer la circulation. Grondement parmi les festivaliers dans ce désordre incompréhensible.
Mais revenons au principal, le nouveau long métrage de Nuri Bilge Ceylan affichant 196 minutes au compteur.

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L’hiver est la saison des ressentiments pour Aydin (Haluk Bilginer, excellent), propriétaire d’un hôtel en Anatolie et de plusieurs logements. Acteur à la carrière manquée, cet homme visiblement sans mauvais fond n’est qu’arrogance et égoïsme. C’est le jet de pierre sur sa voiture du garçon d’un homme sous la menace de l’expulsion qui va conduire peu à peu son entourage à lui dire ses quatre vérités, de sa sœur à sa jeune femme Nahil (Melisa Sözen). Comme dans Il était une fois en Anatolie, chaque plan est une merveille de détails et de lumière et la sérénité de la mise en scène de Nuri Bilge Ceylan l’assoit comme un réalisateur passionnant d’assurance. En douceur, cette œuvre construit une analyse des fêlures de notre société stigmatisée par les strates sociales, et ce processus se montre empirique, au gré des rencontres et dialogues entre les différents personnages. D’abord universel, le questionnement moral dont feront preuve les protagonistes se resserra sur Aydin et sa femme avant de se défaire de ce nœud intimiste pour retrouver une portée universelle. Winter Sleep n’est pas aussi exigeant que l’on ne pourrait croire avec sa durée exceptionnelle car le film est bien plus loquace que contemplatif. Entre désillusion et espoir, Nuri Bilge Ceylan s’interroge sur la vie au sommet des paysages arides et enneigés d’Anatolie et nous livre une chronique touchante, profondément humaine et dotée de la sagesse et de la grandeur d’âme que recherche son personnage central. Une œuvre forte, reçue avec les applaudissements mérités.

Difficile de se consacrer à un autre film en ce jour après celui du cinéaste turc : l’occasion de profiter des activités de soirée de Cannes avec en premier lieu un passage à la Chambre noire où se déroulait un DJ set de Neneh Cherry. Les cocktails à base de Vodka Belvedere se distingue par leur zest d’originalité où l’on peut se retrouver avec des fraises dans son verre jusqu’à un morceau de bacon ! Photos :

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La nuit aurait dû continuer avec la première soirée sur le voilier de la Villa Schweppes où se tenait un concert de Sebastien Tellier mais il fut impossible d’y accéder, malgré une confirmation d’invitation. Pas le seul malheureux dans cette situation et la file m’a permis de retrouver Emilia Derou Bernal accompagnée d’autres comédiens pour relativiser sur ces soirées qui s’annoncent peu glorieuses cette année. Comme quoi, parfois, on peut passer d’agréables moments refoulés d’un évènement.

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La nuit ne fut pas un fiasco aussi grâce à un passage à la Boulangerie bleue avec un réconfortant cocktail Grey Goose suivi par d’agréables errances et rencontres sur la croisette avec Emmanuel de Hocus Focus. Suite des aventures avec Saint Laurent prochainement.

Article rédigé par Dom

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