[Critique] Ilo Ilo (Anthony Chen)

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Premier long métrage d’Anthony Chen, Caméra d’Or à Cannes 2013, Ilo Ilo nous conduit dans le Singapour frappé par la crise économique à l’aube de l’an 2000. Un film touchant par sa simplicité et son regard.

Dépression économique

Pour son premier film, Anthony Chen évoque sa jeunesse dans une œuvre aux nombreux traits autobiographiques. Comme le petit Jiale (Koh Jia Ler), sa nourrice venait des Philippines, et plus exactement de la province d’Ilo Ilo, qui a donné au film son titre. Dans cette chronique, on assiste autant au foudroiement des classes moyennes qu’au statut particulièrement délicat des travailleurs immigrés à Singapour. Teresa (Angeli Bayani) est embauchée comme nourrice de Jiale, dont les mauvais coups tenus initialement à cette mère de substitution tiennent d’une espièglerie tout à fait normal pour son jeune âge. Un job loin des siens pour Teresa, loin de son bébé pour lequel elle est partie, là où des petits boulots sont laissés vacants par les locaux. Teck, le père de Jiale perd son emploi et le cache à sa famille ; Hwee Leng, la mère, qui attend un autre enfant, est dans les ressources humaines d’une compagnie en pleine campagne de licenciement. Le cadre ainsi que les enjeux sont plantés. Peu à peu, le spectateur assiste à cet effondrement en douceur d’une famille modeste, subissant conjoncture et mauvais coups du destin. Un sujet difficile qui ne se montre jamais plombant : Chen opte pour le naturalisme, défait de tous effets cinématographiques pour se concentrer sur ses comédiens, très bons, ainsi que sur le montage. Sur ce point, le cinéaste parvient à donner un rythme particulièrement intéressant à certaines scènes sans rompre avec la simplicité de son style.

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En parallèle des histoires d’argent, qui touchent aussi Jiale, répertoriant minutieusement les résultats du loto, une tendre relation affective se développe entre le petit et Teresa. Avec une figure maternelle dévouée à son travail et au comportement particulièrement autoritaire avec son employée – aucune confiance accordée à la nourrice philippine qui se voit privée de son passeport –, Jiale s’ouvre naturellement à sa nourrice qui le traite avec la plus grande attention – elle-même, sans nul doute, troublée par la distance avec son enfant. La perspicacité du regard d’Anthony Chen permet à Ilo Ilo d’aborder un sujet dramatique sans jamais toucher au pathos. D’aucuns pourraient reprocher le caractère convenu de ce drame, et pourtant, il offre un angle de vue supplémentaire sur notre société, montrant qu’ici ou ailleurs, la crise économique frappe la population avec la même cruauté impalpable. Et c’est probablement dans sa façon de s’accrocher à l’espoir que le film touche le plus, que ce soit dans l’égarement candide d’une mère ou celui d’un enfant qui grimpe sur son vélo pour tenter sa chance au loto alors que son âge lui interdit de jouer. Débarrassé de toute posture moralisatrice et cynique, Ilo Ilo s’oriente vers un optimisme de circonstance, humain et réaliste. Un beau récit, qui traite ses personnages aussi délicatement que l’amertume de son propre contexte.

3.5 étoiles

 

Ilo Ilo

ilo-ilo-afficheFilm singapourien
Réalisateur : Anthony Chen
Avec : Koh Jia Ler, Angeli Bayani, Yann Yann Yeo, Tian Wen Chen
Scénario de :
Durée : 99 min
Genre : Drame
Date de sortie en France : 4 septembre 2013
Distributeur : Epicentre Films

Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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