[Cannes 2013] #11 Seuls les amants restent en vie

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Samedi, dernier jour de compétition. Alors que le Palmarès ne sera rendu qu’aujourd’hui, les plages provisoires ferment leurs portes, les touristes « normaux » ont surpassé amplement le nombre de festivaliers, et malgré de belles choses encore – espérons –, on peut déjà dire que Cannes est terminé. Deux films de la Sélection Officielle, La Vénus à la fourrure et Only lovers left alive, et la dernière soirée à la plage Magnum. Photo ci-dessus, la Nikki Terrasse.

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Après son piètre Carnage, difficile de faire confiance à Roman Polanski pour l’adaptation d’une autre pièce de théâtre. C’est donc avec méfiance que j’ai découvert La Vénus à la Fourrure, huis clos se déroulant dans un théâtre avec seulement deux acteurs, Emmanuelle Seignier et Mathieu Amalric. Elle s’appelle Vanda et veut décrocher le rôle principal de la pièce La Vénus à la fourrure, adapté par Thomas (Amalric). Elle débarque dans un état pitoyable pour le casting, alors que Thomas, exténué par une journée à rencontrer des actrices incompétentes, s’apprête à rentrer chez lui. C’est une oeuvre très théâtral mais aussi très cinématographique, c’est d’ailleurs sur un long travelling que le spectateur arrive dans la salle où se déroulera un passionnant jeu psychologique, ôtant les frontières entre le jeu et la réalité. Un procédé déjà vu au cinéma, certes, mais ici, il se développe une véritable réflexion sur l’art de la mise en scène alors que les rapports de force entre ces deux individus ne cessent d’évoluer. C’est dans leur collaboration que nait des idées de mise en scène dépassant l’idée initiale, issue d’une seule pensée artistique. Polanski livre une oeuvre très drôle – par ses dialogues, l’extravagance des rapports entre ces deux magnifiques acteurs – et sexy, portée par un courant féministe plutôt subtil. Car si il y a question de sadomasochisme, c’est bien les rapports de force entre les hommes et les femmes qui habitent La Vénus à la Fourrure. Captivant et savoureux, le nouveau Roman Polanski est une véritable surprise tant il brille de qualités.
La Vénus à la Fourrure, un film de Roman Polanski, date de sortie française inconnue.

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L’après-midi se déroule sur la Terrazza Martini avec l’équipe d’Après la séance. Interviews de fin de festival cocktail en main alors qu’il est difficile de rester à l’ombre tant un vent glacial frappe inlassablement la croisette. Le temps de croiser PPDA et DSK à la Nikki Terrasse du J.W. Marriott et il faut déjà penser à se restaurer avant l’ultime montée des marches d’un film en compétition, Only lovers left alive de Jim Jarmusch. C’est l’histoire de deux éternels amants, Adam et Eve, mais chez Jarmusch, ces êtres originels sont des vampires. Lui, joué par Tom Hiddleston, est un mélomane et musicien de l’ombre, ne partageant qu’à contre-coeur son rock planant. Elle, jouée par Tilda Swinton, dévore les livres comme personne. Pour eux, la populace aux dents courtes sont les zombies. Dans un pur univers propre au réalisateur de Stranger than paradise, on partage les errances de ces deux personnages dans une atmosphère où l’étrangeté et l’humour cohabitent à chaque instant. Il y a quelque chose de lancinant dans cette histoire d’amour portée par quelques images sublimes – les corps nus sur le lit –, dans un monde où ces vampires, par style – tous deux sont de véritables snobs – et par soucis de santé, ne peuvent se permettre de boire directement le sang des humains. Romantique et crépusculaire, Only lovers left alive est partagé par la sensation de fin du monde et d’éternité qu’il dégage. Bien que l’univers vampirique n’ait pas provoquée de véritable alchimie avec le style de Jarmusch, on finit touché par la langueur de ces amants qui restent en vie dans un monde sur le déclin, où l’art semble l’unique refuge dans lequel s’immerger pour toujours. Loin d’être une perle du cinéaste, voilà encore une oeuvre singulière et envoûtante au sang froid.
Only lovers left alive, un film de Jim Jarmusch, date de sortie française inconnue.

On termine la soirée à la plage Magnum où était attendu Breakbot – annulé et remplacé par d’autres DJ dont le nom m’échappe. La bête cannoise est à l’agonie, s’apprêtant à rendre son dernier souffle de vie en musique. Avec les camarades et collègues toujours dans le coin, on essaie de s’amuser mais la fatigue et la fin de la compétition obstruent toute perspective réjouissante pour un festivalier. Miss France, entourée de deux gardes du corps, danse dans son coin tandis que le bar de glaces distribue ses dernières calories chocolatées. A 2 heures, les lumières se rallument pour nous repousser sur la croisette. Tilda Swinton sort de la plage Chivas, épuisée selon ses dires. On s’accroche toujours à cette dernière nuit, on prend un dernier verre au Petit Majestic où le nombre de clients s’est terriblement amenuisé. Discussion autour du dernier Jarmusch avant le jour des reprises de la Sélection Officielle, la cérémonie et film de clotûre.

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Photo bonus : Alain Delon de loin, montant les marches à 21h pour présenter en Cannes Classics la version restaurée de Plein Soleil de René Clément.

Article rédigé par Dom

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