[Cannes 2013] #10 Les immigrés

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Avant dernier jour de compétition sous le signe de l’immigration, d’acteurs qui s’exportent dans des personnages loin de leur contrée. Deux films de la Sélection Officielle avec Michael Kohlhaas et The Immigrant et mes pronostics pour le Palmarès qui sera dévoilé dimanche 26 mai.

La consommation de café a atteint son paroxysme. Heureusement pour notre santé financière, ces derniers sont gratuits dans l’enceinte du palais. La principale source de caféine se situe au premier étage du palais, le stand Nespresso où, de 9h à 18h, chaque jour, de 6000 à 8000 capsules sont utilisées pour garder les festivaliers éveillés dans les salles obscures.

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La matinée débute dans une France féodale avec Michael Kohlhaas d’Arnaud Des Pallières, adapté d’un roman de Heinrich von Kleist. Dans le rôle titre le danois Mads Mikkelsen, qui s’exprime dans un français excellent. D’emblée, avec les superbes images d’Adrien Debackere et Jeanne Lapoirie, on pense au Valhalla Rising de Refn. Seulement Mads n’est plus un guerrier borgne et mutique, il a une femme et une fille – jouée par Mélusine Mayance, remarquable. Il a des terres et vend des chevaux. Un jour, avec son valet, il sont arrêtés par un Baron réclamant un laissez-passer. Deux chevaux sont laissés en guise de bonne foi pour revenir plus tard en règle. A leur retour, les animaux sont sérieusement blessés, Michael porte plainte mais se voit immédiatement débouté, le baron étant protégé. Débute alors une traque vengeresse, provoquée par la mort de la femme de ce personnage porté sur la foi et la justice. Des Pallières livre une oeuvre exigeante mais assez captivante, par la force de ses images, de ses interprètes et d’une narration qui se prive de tout surplus de dialogue. L’articulation du récit passe par un montage singulier, aux ellipses aussi perturbantes qu’audacieuses. L’action est brutale, sans fioriture. Et puis, il y a un cadre et une mise en scène qui épatent dans une France d’un autre temps, embrumée et lumineuse, terre fertile et désolante qui en dit long sur des inégalités qui, quelque part, perdurent encore. Dommage que ce film, loin d’être dénué de défauts, passe en fin de festival car son style mérite un niveau de concentration perdu par de nombreux festivaliers.
Michael Kohlhaas, un film d’Arnaud Des Pallières, en salle le 3 juillet 2013.

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C’est parmi les touristes que l’on navigue désormais. Le badge porté autour de cou est devenu objet de curiosité. Elles sont où les stars ? Peut-être là, parmi la foule, si l’on regarde attentivement, ou sur les plages privatisées où elles s’arrêtent le temps d’une soirée ou de quelques instants afin d’être immortalisées par des photographes aux côtés d’une marque – dans la nuit, Marion Cotillard sera passée notamment à la plage Magnum Cannes et la Terrazza Martini. Et c’est elle la seconde immigrée du jour. Dans The Immigrant de James Gray, elle campe Ewa, une polonaise qui débarque à New York en 1921 avec sa soeur Magda. Malade, cette dernière est parquée pour une expulsion six mois plus tard. Suite à des affaires douteuses, Ewa ne peut pas rester sur le sol américain non plus mais elle reçoit l’aide de Bruno (Joaquin Phoenix). Installée dans le cabaret de ce dernier, c’est vers la prostitution qu’elle est jetée, au nom de sa soeur dont elle veut payer la caution. Comme toujours chez Gray, le cadre est noir, le désespoir habite toujours le destin de ses protagonistes et, formellement, son style a atteint un sommet plutôt ahurissant. The Immigrant bénéficie d’une lumière somptueuse signée Darius Khondji et d’une bande originale triste et entêtante. Mais le scénario de Gray montre des travers inédits, usant de facilités déconcertantes pour briser ses personnages, avec, parmi eux, un caricatural magicien joué par Jeremy Renner. Cotillard se montre solide dans son rôle de jeune polonaise – elle rappelle par moment la regrettée Katerina Golubeva – mais il est regrettable de voir sa nationalité travestie pour ajouter un grand nom sur l’affiche. Avec Phoenix et Renner, n’aurait-il pas été judicieux d’aller chercher une actrice polonaise, même inconnue en dehors de ses frontières ? N’est-ce pas un des rôles du cinéma que de traverser les frontières ? Mais pour en revenir au film, tout comme celui d’Arnaud Des Pallières, peut-être que The Immigrant souffre de son passage en fin de festival, car c’est aussi cela Cannes, une vague de cinéma qui se montre cruelle pour certaines oeuvres. A revoir au calme, mais certainement un Gray mineur. Photo-ci dessous, la timide standing ovation à l’issue de la projection.

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The Immigrant, un film de James Gray, en salle le 27 novembre 2013.

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La nuit s’est terminée sur la plage Chivas tandis que certains chanceux faisaient la fête à la soirée de la Quinzaine en compagnie de Juno Temple et Michael Cera. Encore une courte nuit pour découvrir à 8:30 ce matin La Vénus à la fourrure, un excellent Polanski. A l’heure où j’écris ces lignes, il me reste deux films de la compétition officielle à découvrir, Only lovers left alive – en montée des marches à 22h – et Jimmy P., en rattrapage demain. Toutefois, je préfère établir mes pronostics dès maintenant :
Palme d’Or – Tel père, tel fils de Hirokazu et Kore-Eda. Peut-être pas le plus grand et subtil film de la Sélection Officielle mais l’un des meilleurs avec des thématiques fortes sur la famille, ce qui devrait toucher directement ce jury présidé par Steven Spielberg.
Grand Prix – La Vénus à la fourrure de Roman Polanski. Une oeuvre profonde, intelligente, fun et féministe dont je vous parlerai dans le prochain article.
Prix du scénario – Le Passé de Asghar Farhadi. Bien qu’il y ait des détails peu convaincants dans la seconde partie du film, ce double drame de familles décomposés a les capacités de remporter ce prix.
Prix d’interprétation masculine – Michael Douglas (Ma vie avec Liberace). Les impressionnants rôles masculins sont nombreux cette année mais Michael Douglas devrait sortir son épingle du jeu.
Prix d’interprétation féminine – Adèle Exarchopoulos (La Vie d’Adèle), une jeune actrice prodigieuse, le début d’une longue et belle carrière.
Prix de la mise en scène – La Grande Bellezza de Paolo Sorrentino, toujours aussi impressionnant de maitrise et de dynamisme sans tomber dans le clinquant.
Prix du jury – Inside Llewyn Davis des frères Coen. Difficile d’imaginer ce film repartir bredouille, un petit prix à défaut de s’imposer dans les récompenses plus prestigieuses ?

Article rédigé par Dom

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