[Critique] Sur la route (Walter Salles)

Sur la route. Trois mots qui évoquent pour de nombreuses personnes une véritable épopée dans les Etats-unis des années 50. Porté au cinéma par Walter Salles, le roman culte de Jack Kerouac ne donne pas naissance à un film aussi conséquent, mais à un bel hommage à l’œuvre d’origine.

Always on the run

Sur la route, c’est le portrait de la « beat generation » – ou des beatniks –, c’est un roman foisonnant d’anecdotes procédant d’un style de vie porté sur les plaisirs, spirituels et charnels, un style de vie porté sur le mouvement, sur la vivacité d’un jazz offrant la transe à ses fidèles amateurs. Premier problème de l’adaptation de cette œuvre au cinéma : l’Amérique décrit par Kerouac dans les années 50 s’est radicalement transformée, contraignant Walter Salles à limiter les plans dans les grandes villes traversées par Sal, Dean, Marylou et Ed Dunkel – et à tourner principalement au Canada et en Argentine. Mais la reconstitution n’est pas à décrier, avec le renfort d’un superbe grain cinématographique, le spectateur se retrouve directement sur la banquette arrière de la Hudson que pilote impétueusement Dean Moriarty, interprété par Garrett Hedlund qui donne justice à ce personnage emblématique et insaisissable. L’échec majeur de cette adaptation – et qui aurait affecté le travail de n’importe quel scénariste –, est de passer sous silence de nombreux épisodes du destin de Sal (Sam Riley), cet écrivain en herbe happé par l’ouragan Moriarty, qui bouleverse le quotidien de tous ses proches par son énergie inépuisable, par son envie pressante et inexorable d’user son corps au-delà du possible et de toute limite. Ainsi, la première partie du film se prive de nombreux événements qui, dans le roman, nous conduisent en douceur dans le mouvement de cette bande attachante, férue de littérature, de musique, de défonce et vivant une sexualité libre et épanouie.

Grâce aux excellents morceaux de jazz composés par Gustavo Santaolalla et un casting d’une grande solidité, mention spéciale à Kristen Stewart campant une Marylou aussi fragile que sensuelle et des apparitions des plus appréciables de Viggo Mortensen, Amy Adams et Steve Buscemi, Sur la route parvient à mettre à l’image l’esprit du roman de Kerouac, et même parfois d’en atteindre l’ivresse dans quelques moments de grâce. Pour toute personne ayant lu l’œuvre originelle, il y aura toujours cette sensation de manque provoquée par les ellipses, comme si les différentes séquences du film ne pouvaient se relier les unes aux autres que par les mots évanouis de l’écrivain, se développer dans l’esprit quand le film n’est pas allé au bout des épisodes. Mais au fond, même si Walter Salles se montre comme un petit réalisateur face à l’ampleur du projet, ses scènes faisant échos à la grandeur des paragraphes du roman sans jamais parvenir à les égaler, l’essentiel est atteint sous forme d’hommage : hommage à une génération et un auteur d’exception ; portrait d’une génération disparue dans la conformité qu’ils fuyaient vainement, au rythme d’un jazz enivrant, la liberté au bout de leurs grolles consumées par la route. Une aventure pleine de fantômes, qui se déguste d’une traite.

3.5 étoiles

A lire aussi : la critique plus réservée de Phil Siné.

 

Sur la route

Film français, américain, britannique
Réalisateur :
Avec : Sam Riley, Garret Hedlund, Kristen Stewart, Tom Sturridge, Kirsten Dunst, Viggo Mortensen, Amy Adams, Steve Buscemi
Titre original : On the road
Scénario de : Jose Rivera, d’après l’œuvre de Jack Kerouac
Durée : 137 min
Genre : Drame
Date de sortie en France : 23 mai 2012
Distributeur : MK2 Diffusion


Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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7 commentaires

  1. A Cannes ce film a déçu, ce qui ne m’étonne guère tant le film râte sa cible. Emmené par des acteurs en symbiose et qui explosent de talent ce road movie se déroule sans l’esprit de voyage et de liberté qui lui est pourtant nécessaire. C’est bien mais sans plus… 2/4

  2. Ah, faudra que j’achète le livre alors.
    content de ne pas être allé le voir.

  3. @Selenie : tu as lu le roman ? Je pense que la liberté est belle et bien présente, les personnages naviguent sans contrainte morale/physique, jusqu’à être rattrapé par la « vie commune » – exemple de Ed Dunkel. Seul Dean se retrouve bouffé par sa propre liberté.
    Quant à l’esprit de voyage, le film a été difficile à tourner en raison des changements entre l’Amérique de Kerouac et celle d’aujourd’hui. Je pense qu’ils auraient dû oser rajouter une vingtaine de minute de métrage pour placer des anecdotes clés dans la première partie du film.

  4. Non je n’ai pas lu le roman… Et alors ?! Je suis cinéphile je ne parle que du film… Je ne ressens pas cette notion de liberté, pour moi le côté road movie est trop superficiel car le coté sédentaire prend trop de place dans le scénario. Mais ça reste un bon film (je lui met la moyenne) mais la sensation n’est pas au rendez-vous.

  5. (Etre cinéphile n’empêche pas d’aimer les livres.) Mais je pense que la comparaison s’impose dès lors qu’on connait l’oeuvre à l’origine d’un film : après tout, si le cinéma a besoin de piocher dans la littérature, il faut voir ce qu’il en restitue, ce qu’il déforme, perd ou améliore. Enfin bon, je comprends ton point de vue, nous ne sommes pas en présence d’un chef d’oeuvre.

  6. Mais j’aime aussi les livres… Et effectivement la comparaison s’impose mais ça reste un point peu important. Car si l’adaptation est peu fidèle le film peut être un chef d’oeuvre… Je pense, par exemple, à « Shining » de Kubrick.

  7. Pour « Shining » je n’ai pas de référence, mais « Fight Club » est par exemple un quasi copier-coller du roman de Palahniuk.

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