Cannes 2011 #02 : des hauts et des bas

Première véritable journée de festival : des ratés et des succès. Un programme initial de quatre films qui s’est réduit à trois mais avec une montée des marches en présence de l’équipe du film We Need to Talk About Kevin.

Déjà des ampoules plein les pieds… Je me rends en bus à la salle Debussy, jouxtant le Grand Théâtre Lumière, où sont projetés les films de la sélection Un Certain Regard. Mon but : découvrir le nouveau film de Gus Van Sant (Elephant, Paranoïd Park), Restless. La séance est à 11 heures et ma montre indique 09:50 lorsque je me positionne dans la petite file des accréditations cinéphiles. A 10:30, c’est le drame : plus d’un millier de festivaliers avec des pass prioritaires sont apparus et rentrent dans la salle en flot continu jusqu’à 11 heures où nous sommes informés qu’aucun « cinéphile » ne rentrera. Premier échec. A deux pas, au Théâtre Lumière, une projection de Sleeping Beauty a lieu à 11:30, je retrouve mes nouveaux camarades de l’ESRA pour tenter d’y accéder par la file « dernière minute ». Nous sommes nombreux mais la sécurité semble généreuse jusqu’à mon tour : on m’informe que les accréditations cinéphiles ne peuvent pas accéder aux séances du matin. Les pass pro quant à eux, rentrent sans problème – voilà une différence majeure avec le badge cinéphile. Deuxième échec. J’avais prévu de voir Trabalhar Cansa à 14:00 en sortant de Restless, je ne perds pas une seconde : je choppe un sandwich pour attendre, sous un soleil dévastateur, dès midi. A attendre aussi longtemps, on fait de nombreuses connaissances et on papote cinéma. A 13:30, le scénario catastrophe semble se répéter : des centaines de journalistes et invités se pressent à la salle Debussy, laissant peu d’espoir à la file cinéphile… Et pourtant, miracle, un groupe de personnes est autorisé à rentrer : ouf ! levé depuis 8 heures du matin, je m’apprête enfin à voir un film !
Gag du jour : une femme d’un âge avancé m’interpelle pour que je m’assoie à ses côtés et voilà que je me fais draguer par mémé alors qu’Emir Kusturica et le jury prennent place non loin de nous – la veille, c’était une serveuse (bien plus jeune) d’un restaurant qui voulait monter les marches avec moi ; je ne vous raconte pas tous les détails en fait. D’ailleurs, en parlant de détails, je réalise que je ne vous en ai pas donné beaucoup sur les projections : chaque film est précédé du logo du festival de Cannes avec la fameuse musique « l’aquarium » de Camille Saint-Saëns et les applaudissements sont de rigueur en fin de projo – et même pendant le film, comme ce fut le cas après chaque pointe humoristique dans Minuit à Paris. Point commun à toutes les projections auxquelles j’ai assisté : certains s’en vont avant la fin, manquant à la fois de respect aux cinéastes mais surtout à tout ceux qui n’ont pas pu rentrer dans la salle. Mais revenons à notre film brésilien, Trabalhar Cansa (qui signifie Travailler fatigue, un titre qui m’a tout naturellement intrigué et attiré) :

D’une parfaite sobriété formelle, ce film expose les difficultés pour travailler au travers du parcours d’un couple. Le mari, tout juste chômeur, ne parvient pas à s’adapter aux nouvelles méthodes de recrutement tandis que sa femme décide d’ouvrir un supermarché de quartier. Le film exprime peut-être des phénomènes récents pour les brésiliens mais pour nous, il n’enfonce que des portes ouvertes. Chaque personnage apporte son lot de problématiques, dressant un état des lieux complets, notamment du rapport de force entre l’employeur et l’employé. La morale finale laisser songeur et apporte un peu de force à ce film terne.
2.5 étoiles
Trabalhar Cansa est un film de Marco Dutra, Juliana Rojas. (aucune date de sortie en France à ce jour.)

Sorti de cette séance, je tente ma chance pour dégoter d’éventuelles invitations : bingo, je me retrouve avec une invitation Cannes Classics pour assister à Il Conformista, une invitation pour monter les marches à 22:00 pour We Need to Talk about Kevin et par-dessus tout ça, je retrouve deux demoiselles de l’ESRA. Les films Cannes Classics sont diffusés dans l’enceinte du Palais où se trouve le marché du film. Nous profitons de notre invitation pour trainer dans les couloirs du marché auquel nous n’aurions pas accès sans l’invitation : des stands par dizaine et des professionnels qui vont et viennent. Nous filons au cinquième étage où se trouve la salle Bunuel pour la projection d’Il Conformista de Bernardo Bertolucci qui vint présenter son film en personne ! Cerise sur le gâteau, Faye Dunaway rejoint le premier rang pour assister à la projection. Tout n’est pas rose pour nous puisque nous nous retrouvons sur les flancs de cette salle étrange où l’angle de vision de l’écran est lamentable depuis ces sièges mais nous avons guère le choix, nous sommes arrivés seulement 30 minutes avant le lancement du film. Et ce film, quel film ! Je ne vous dirais rien dessus si ce n’est qu’il s’agit d’un chef d’oeuvre époustouflant, d’une véritable leçon de cinéma et que je me suis senti honteux de ne pas l’avoir vu auparavant mais heureux de l’avoir découvert à Cannes, restauré numériquement – vivement le blu-ray !

5 étoiles

Retour à l’extérieur, il faut se saper (et diner) pour monter les marches à 22:00 et pour moi, il faut passer devant le tapis rouge qui attend l’équipe du film Sleeping Beauty. La croisette est impraticable à ce niveau, même à pied : les piétons se retrouvent bloqués par les cortèges de voitures officielles qui affluent vers le Grand Théâtre Lumière et tout le monde cherche à apercevoir les stars grimpant les marches…
21:45 alors que Les Oiseaux d’Alfred Hitchcock s’apprête à débuter sur l’écran installé sur la plage, je retourne au pied du tapis rouge pour le fouler comme il se doit, une invitation en main. Contrairement à la seconde projection du film de Woody Allen, les photographes sont présents car l’équipe du film We Need to Talk About Kevin assistent à la séance. Monter les marches dans ces conditions est à la fois oppressant et galvanisant. Nous nous installons au 3ème rang (nous avons le choix entre les trois premiers… génial !) L’équipe du film doit siéger 5 rangs plus haut et en attendant leur arrivée, l’immense toile retransmet les arrivées sur le tapis rouge que nous venons de traverser. C’est sous une pluie d’applaudissement que pénètrent Lynne Ramsay, la réalisatrice, Tilda Swinton, John C. Reilly, Ezra Miller et les autres membres de la production.

We Need to Talk about Kevin est un drame qui débute de façon très intrigante, en cachant son fil narratif. On nage dans des séquences surréalistes qui confinent le film à l’expérimental pur, jouant sur l’omniprésence de la couleur rouge et ne se détachant rarement des gros plans et inserts. On saisit toute la gravité des évènements grâce au visage déconfit de Tilda Swinton qui porte ce film sur ses épaules. We need to talk about Kevin met en scène une femme qui n’a pas voulu de son enfant ; ce dernier lui fait vivre un véritable enfer dès son plus jeune âge. C’est lors des scènes au traitement plus classique que le film montre ses plus gros défauts : les traits de ce fils malicieux et débordant de haine sont grossiers, presque caricaturaux. Reste une semi-expérience sensorielle intéressante sur le plan plastique.
Longue standing ovation au terme de la séance – je vous proposerais un extrait vidéo à la fin du festival.
2.5 étoiles
We need to talk about Kevin est un film de Lynne Ramsay, avec Tilda Swinton, John C. Reilly et Ezra Miller. Date de sortie en France inconnu. Film en compétition officielle. Tout dépend des films à venir mais une Palme de la meilleure actrice est envisageable pour Tilda Swinton.

Retour sur la croisette où des photographes indépendants tentent de se faire un peu de blé en photographiant les passants contre une vingtaine d’euros. Mission suivante : goûter à la vie nocturne en tentant de rentrer à la soirée des Inrocks, sans carton d’invitation. Résultat : échec complet. (Mais de toute façon, la soirée s’achevait à deux heures du mat’, quelle bande de petits joueurs…)
Programme de ce vendredi : voir deux à trois films à partir de l’après-midi.

PS : Cet article a été écrit dans la plus grande urgence avec toutes les conséquences que cela implique (et ça ne va pas s’améliorer au fil du festival). Merci pour votre compréhension !
Oubliez le PS du précédent article, on peut rentrer partout avec son appareil photo sans ennuis !

Episode suivant : Hors-série #1.

Article rédigé par Dom

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4 commentaires

  1. C’est toujours un réel plaisir de lire tes aventures 😉

    ça donne envie !

  2. Et bien je ne te savais pas gérontophile!!!Mdr!! C’est vrai qu’en plus nous sommes en plein boum cougar!!

  3. J’ai hâte de savoir si la mémé te retrouvera pour d’autres projos

  4. @Bruce : là c’est même plus cougar, c’est une autre espèce…!

    @Laÿn : eh bien je recroise pas mal de têtes identiques mais pas cette mémé, donc c’est cool ! Je pense qu’elle squatte la sélection Un Certain Regard alors que mon truc c’est plutôt les films de la Sélection Officielle.

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