Critique : Biutiful (Alejandro González Inárritu)

Biutiful

Film espagnol, mexicain
Réalisateur : Alejandro González Inárritu
Avec : Javier Bardem, Maricel Alvarez, Eduard Fernàndez, Diaryatou Daff, Taisheng Cheng
Scénario de : Alejandro González Inárritu, Armando Bo, Nicolás Giacobone
Directeur de la photographie : Rodrigo Prieto
Monteur : Stephen Mirrione
Durée : 137 mn
Genre : Drame
Date de sortie en France : 20 octobre 2010

 

 

 

 

La trame :

Dans les quartiers populaires de Barcelone, le destin d’un père de famille condamné par un cancer.

 

Bande Annonce (VOST) :

A mon humble avis, une bande-annonce très racoleuse et trompeuse quant aux qualités de ce long-métrage

 

Critique

Après trois films choraux poignants et magistraux, on pouvait se demander, à juste titre, comment Alejandro González Inárritu pourrait se renouveler ? Eh bien, tout simplement, en se séparant de Guillermo Arriaga, son fidèle scénariste, et en revenant à des sources hispaniques. Un mouvement risqué qui permet pourtant au cinéaste mexicain de réaliser un virage vers de nouveaux horizons sans perdre la beauté ni la force stylistiques de ses précédents métrages.

Ames en peine

Un quarantenaire et un jeune homme se remémorent un souvenir dans un bois enneigé où gît un hibou mort. Deux mains, l’une appartenant à une femme, et l’autre, à un homme, s’échangent une bague familiale dans la pénombre. Il suffit à Inárritu d’insérer en début de métrage ces deux scènes, hors de leur contexte, pour créer un mystère dense autour de son unique protagoniste, Uxbal, interprété par Javier Bardem, de retour à Barcelone, après avoir campé l’artiste séducteur Juan Antonio dans le Vicky Cristina Barcelona de Woody Allen ; mais cette fois-ci, le voilà plongé dans un climat à l’opposé de la carte postale de la capitale catalane. Père de famille qui apprend qu’un cancer, décelé tardivement, le décimera dans les jours à venir, Uxbal semble, aux premiers abords, agir en bon samaritain auprès d’immigrés africains vendant de la camelote dans les rues ; ses actions s’avèrent pourtant moins motivées par le cœur, que par l’argent qu’il peut tirer des clandestins, qu’ils viennent d’Afrique ou d’Asie. Son ex-femme, Marambra (Maricel Alvarez), souffre de trouble bipolaire, une souffrance sans nul doute à l’origine de la séparation du couple qui a mis au monde deux enfants. Biutiful est une vision âpre de la précarité, du quotidien morne de classes sociales au bord du gouffre mais qui ne sombre jamais dans le mélo grâce au lyrisme de la mise en scène d’Inárritu ainsi que l’entrée d’un élément inédit dans son cinéma : le fantastique. Uxbal a un don qu’il monnaie, celui de communiquer avec l’âme des défunts, qu’il peut aider à trouver la voie pour quitter notre bas monde. Cette nouveauté s’insère dans la dramaturgie du mexicain en douceur, naturellement, comme si, au fond, cette caractéristique était tout à fait cartésienne.
En grand directeur d’acteur exigeant, capable d’obtenir le meilleur d’illustres inconnus – comme c’est à nouveau le cas ici –, Inárritu accompagne Javier Bardem là où peu de comédiens ont le talent nécessaire pour parvenir, à ce stade où il ne s’agit plus de jouer, mais d’incarner au point de rendre le personnage aussi réel et perceptible qu’un membre de notre propre famille. Récompensé de l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle dans No Country for Old Men des frères Coen, Bardem se voit, cette année, honoré de la Palme d’interprétation masculine à Cannes.

Partir en paix

Uxbal ne se souvient pas de ses parents, son père a été assassiné par les franquistes alors qu’il tentait de rejoindre le Mexique, et désormais, alors que son propre départ – non dévoilé à ses proches – est imminent, ce père de famille désir offrir à ses jeunes enfants un souvenir impérissable de sa personne. Biutiful est autant un combat contre la misère que le temps, le temps nécessaire pour recoller les morceaux brisés avant de disparaitre, de se retrouver unis, à quatre, autour d’une table. Une lutte inéquitable, quand le destin semble scellé et que les malheurs frappent Uxbal sur tous les fronts, que la figure paternelle, exhumée, ressurgit alors qu’un frère véreux se montre égoïste et sans scrupule. Ce premier récit linéaire d’Inárritu, partage comme thématique centrale commune à 21 grammes, la mort et son appréhension ; film auquel il réutilise certaines syntaxes pour happer le spectateur dans la détresse de ses personnages, en créant une bulle inextricable, où évoluent les mélodies déchirantes de Gustavo Santaolalla. La caméra capture l’insaisissable, la violence des vicissitudes et la dérive des êtres. Etouffant mais jamais surdramatisé, Biutiful trouve sa conclusion au terme de séquences d’une puissance émotionnelle rare, magnifiées par un montage parfait et le charisme magnétique de Javier Bardem.

Conclusion

Comme les coups de crayons innocents d’une enfant écorchant un mot, Biutiful propose une lueur d’espoir là où la lumière ne parvient plus, dans les rues insalubres de nos métropoles et au bout du périple qu’est la vie. Difficile de par ses thématiques et son ambiance sinistre, le dernier film d’Alejandro González Inárritu est une nouvelle réussite, personnifiée par un Javier Bardem hors du commun.

Note : 9/10

Article rédigé par Dom

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6 commentaires

  1. Miam, j’avais lu de mauvaises critiques mais la sienne me conforte dans ma décision d’aller le voir. J’irais après avoir vu le film avec les petits zoziaux ^^…

  2. eh bien quel enthousiasme ! 🙂
    … que je ne partage donc pas, je me suis vraiment ennuyé, mais j’approuve pour javier bardem en tout cas !

  3. @Marvelll, j’espère qu’il te plaira.

    @Phil, oui, je suis à contre-courant, pour une fois !

  4. J’irais surement le voir dès ce week-end. Ta note me réconforte dans cette décision, car il est clair que la critique n’a pas été tendre.

  5. Salut !

    J’ai bien aimé dans l’ensemble, mais c’est vrai que le film est ennuyeux par certains moments. Ce que je « reproche » principalement, c’est qu’il y a pas mal de thèmes abordés dans ce film et qu’au final on sait plus où donner de la tête un peu comme Uxbal.

    Javier Bardem est bel et bien excellent dans son rôle.

  6. @Box, nous sommes d’accord ; mais j’arrive à gommer les petits défauts !

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