[Critique] Mud (Jeff Nichols)

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Présenté la veille de la clôture du Festival de Cannes 2012, Mud, troisième long métrage de Jeff Nichols, ne fut pas récompensé malgré ses qualités indiscutables. Une année complète aura été nécessaire pour que cette perle trouve le chemin des salles françaises. A ne pas manquer.

Haut les cœurs

C’est un homme superstitieux, au teint hâlé, vêtu d’un jean et d’une chemise blanche qu’il n’échangerait contre rien au monde, un pistolet à portée de main, et avec pour abri de fortune, sur une île, un bateau échoué dans un arbre. Voilà comment se présente Mud, brillamment campé par Matthew McConaughey, mystérieux et malgré tout, inspirant la bienveillance. Mais c’est un personnage bien plus jeune qui se trouve au centre du film, Ellis, joué par le remarquable Tye Sheridan, découvert dans The Tree of Life, toujours accompagné par son fidèle ami Neckbone (Jacob Lofland, première apparition au cinéma). Deux adolescents qui, au détour d’une escapade sur le Mississippi, fleuve offrant travail, foyer ou refuge à de nombreux personnages, découvriront Mud pour venir à son aide malgré le danger entourant cette entreprise. Excellent directeur d’acteur, Jeff Nichols aborde toujours la famille au cœur de son scénario avec une simplicité exemplaire, permettant dans l’absence d’artifice de pénétrer sans mal dans le quotidien des protagonistes. La fougue adolescente d’Ellis et Neckbone suffit à la dynamique du récit, qui trouve en Mud une source de mystère et de suspense assez fascinante.

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Dans une certaine mesure, le regard que porte le cinéaste arkansasais sur l’adolescence et la structure familiale ici se rapproche de la sensibilité de Steven Spielberg. Troublé par la rupture imminente de ses parents, qui pourrait mener à l’abandon de leur domicile fluvial, l’intrépide Ellis est frappé par le sentiment amoureux de toute part. L’amour, ou plutôt, la foi en l’amour est au cœur de ce drame à la lumière naturelle d’une beauté majestueuse – le travail du chef opérateur Adam Stone n’est pas éloigné de ce que réalise Emmanuel Lubezki avec Terrence Malick, sans parvenir à la même grâce. Perdu face à l’amour qu’il ressent pour May Pearl (Bonnie Sturdivant), jeune fille plus âgée que lui, Ellis répond au dysfonctionnement du couple parental en se rendant au service d’un couple brisé, celui de Mud. Si ce dernier se cache, c’est parce qu’il a commis l’irréparable en réponse à l’irréparable, poussé par l’amour fou qu’il porte à une certaine Juniper (Reese Witherspoon) depuis son enfance. Toutes les actions du jeune homme sont motivées par ce besoin presque vital de voir le couple et l’amour triompher. Une démarche qui s’oppose à celle de Neckbone, élevé par son oncle collectionnant les conquêtes, et qui, dans la même aventure, agit de façon purement matérielle – Mud lui a promis son arme à feu.

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Nichols joue parfaitement avec les zones d’ombre de son scénario dont l’intensité va crescendo et aucune naïveté n’affecte le propos sentimental du film, cataplasme lucide pour les cœurs brisés, au cadre particulièrement envoûtant. Magnifique récit initiatique touché par la nostalgie, Mud est à la fois crépusculaire et lumineux, présentant parfaitement l’adolescence comme une charnière où l’innocence juvénile s’abandonne étrangement, avec et contre sa propre volonté. Doux en surface, âpre dans les profondeurs de son sujet, cette œuvre n’oublie pas que l’horizon est la plus belle promesse d’avenir. En un mot, superbe.

4.5 étoiles

 

Mud – Sur les rives du Mississippi

mud-afficheFilm américain
Réalisateur : Jeff Nichols
Avec : Matthew McConaughey, Tye Sheridan, Jacob Lofland, Reese Witherspoon, Sarah Paulson, Sam Shepard, Michael Shannon, Paul Sparks, Bonnie Sturdivant
Titre original : Mud
Scénario de : Jeff Nichols
Durée : 130 min
Genre : Drame
Date de sortie en France : 1er mai 2013
Distributeur : Ad Vitam


Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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3 commentaires

  1. je suis tout fait d’accord avec toi ! c’est GENIAL !

  2. Bel article, j’aime bien le contraste que tu fais remarquer sur les conceptions de l’amour des deux amis. L’un idéaliste, l’autre plus pratique et matérialiste.

  3. Un beau et bon film mais je serais moins dithyrambique. Ca reste trop cousu de fil blanc avec notamment une fin qui aurait méritée plus de mystère… 3/4

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